Yahia Bounouar, journaliste algérien indépendant, vient de lancer une nouvelle radio algérienne privée sur le satellite et Internet. Radio Kalima, qui se proclame « première radio libre en Algérie », a commencé à émettre fin janvier. Son ambition : parler de tous les sujets que les médias publics algériens, sous monopole d’Etat depuis 1962, ont l’habitude de passer sous silence. Explications avec Yahia Bounouar.
La radio et la télévision algérienne relèvent du monopole d’État depuis 1962, l’année de l’indépendance du pays. Une fatalité à laquelle Yahia Bounouar, journaliste indépendant, espère tordre le coup avec Radio Kalima, qui a commencé à émettre depuis son siège à Marseille fin janvier, à travers le satellite et Internet. Son ambition ? Parler de tout ce qui est interdit dans les médias publics algériens. Et les sujets ne manquent pas : scandales de corruption à répétition, chômage, atteintes aux droits de l’homme, aux libertés syndicales, censure, etc. Préférant les « affaires de corruption » et autres aux inaugurations ministérielles, Radio Kalima espère rallier à sa cause les 20 millions d’Algériens qui disposent d’antennes paraboliques. Et rendre ainsi caduque l’interdiction des autorités algériennes à l’audiovisuel privé. Entretien.
Afrik.com : Comment est né le projet Radio Kalima ?
Yahia Bounouar : J’exerce le journalisme depuis longtemps en Algérie. Et je sais, pour l’avoir vécu, que pour décrocher un agrément pour lancer un journal en Algérie, il faut être commerçant, pas journaliste. Les médias audiovisuels sont d’autre part interdits. Je cherchais un média par lequel on puisse contourner cet interdit, et c’est ce que peut offrir le satellite et Internet. Je me suis donc inspiré de ce qu’a fait Radio Kalima Tunisie qui a contourné le problème de l’interdiction en passant par le satellite. Comme les fréquences coûtent cher, nous partageons la fréquence avec nos confrères de Radio Kalima Tunisie. Nous émettons douze heures par jour.
Afrik.com : Quel genre de programmes proposez-vous ?
Yahia Bounouar : Nous diffusons un journal chaque heure, dans les trois langues : en français, arabe et tamazight. Nous proposons aussi des reportages de terrain, des interviews, des chroniques. Nous parlons des problèmes de chômage, de la situation des étudiants, des écrivains censurés, nous couvrons l’actualité des syndicats autonomes, du mouvement associatif indépendant, de tout ce qui est interdit dans les médias publics algériens. Des récents scandales de corruption à Sonatrach, par exemple. Rendez-vous compte qu’à part un ou deux journaux, les télévisions et radios publiques n’en parlent pas. Les citoyens qui n’achètent pas ces journaux ne seraient pas au courant. Nous, nous parlons de ces sujets-là, nous ne parlons pas des ministres quand ils vont découper un ruban ou inaugurer un bâtiment. Dans nos reportages, nous utilisons le langage parlé que tout le monde comprend et non l’arabe classique comme c’est le cas à la télévision. D’ailleurs, vous avez l’impression d’être dans un autre pays quand vous l’allumez, tellement la langue est décalée.
Afrik.com : Comment fonctionne votre rédaction, sachant qu’en plus de la radio, vous avez un site Internet qui est assez fourni en articles ?
Yahia Bounouar : Nous avons des journalistes sur place et une équipe technique ici à Marseille. Nous avons des gens qui font des articles écrits que nous diffusons sur le site Internet. Mais le cœur de notre activité reste la radio, car il y a beaucoup de gens qui ne lisent pas. Les auditeurs ont aussi une relation particulière avec ce média, ils peuvent l’écouter tout en faisant autre chose. Le satellite nous permet en outre de toucher près de 20 millions d’antennes paraboliques, ceux qui nous captent peuvent nous avoir directement chez eux.
Afrik.com : Pourquoi, selon-vous, les autorités algériennes n’ouvrent-elles pas le champ audiovisuel aux privés ?
Yahia Bounouar : C’est une décision personnelle du président Bouteflika. Il ne veut pas en entendre parler. C’est hors de question pour lui. Mais cela ne sert pas à grand-chose puisque, techniquement, grâce au satellite et à Internet, on peut contourner cette interdiction. Les gens qui ont les moyens de lancer des télévisions privées peuvent le faire. Moi-même, si j’ai 10 millions d’euros, je lance ma télévision dans les trois mois.
Afrik.com : Avec quels moyens comptez-vous faire vivre Radio Kalima ?
Yahia Bounouar : Nous allons prochainement avoir de la publicité. Nous avons par ailleurs des soutiens financiers qui ne sont pas du tout politiques. Nous évitons les soutiens politiques pour éviter de tomber dans les même travers que beaucoup d’autres médias.
Ecouter Radio Kalima : Satellite: HotBird 13.0°E / Fréquence: 11566 MHz/ Polarisation Horizontale/ Symbol rate:27500 ; FEC 3/4
Vous pouvez également trouver la station en écrivant avec votre télécommande : Radio Kalima
La Radio est également sur SHOUTcast , DeliCast et Live Streema via facebook
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