Le tribunal de Ziguinchor a statué, ce jeudi, sur le recours pour l’annulation de la mesure de radiation d’Ousmane Sonko des listes électorales. Au terme d’une journée marathon, le juge a ordonné l’intégration du leader de l’opposition sur les listes électorales.
Le tribunal de grande instance de Ziguinchor a ordonné, jeudi soir, l’intégration d’Ousmane Sonko sur les listes électorales. La journée a été très longue dans ce tribunal de la ville de Ziguinchor dont le maire n’est autre personne qu’Ousmane Sonko lui-même. Débutée à 9 heures, c’est autour de 22 heures que l’audience a pris fin.
Tentative infructueuse de récusation du juge
Les avocats de l’État sénégalais ont tenté, en vain, de récuser le juge Sabassy Faye désigné pour trancher l’affaire. Ils ont mis en cause ses liens de fraternité avec El Hadji Saliou Faye, adjoint au maire de Ziguinchor pour mettre en doute sa capacité à traiter l’affaire avec impartialité. À l’issue de l’audience, Me Dialy Kane, un des avocats sénégalais, est revenu sur la question. «L’audience s’est déroulée dans une ambiance de suspicion. Il a été découvert que ce juge avait un frère qui est un adjoint au maire au niveau de la commune de Ziguinchor. Par conséquent, lui-même en toute loyauté, devait se dessaisir du dossier parce qu’il n’était pas en situation de rendre une décision impartiale», s’est-il indigné face à la presse.
Les avocats d’Ousmane Sonko applaudissent la décision
La décision rendue par le tribunal de Ziguinchor satisfait largement les avocats d’Ousmane Sonko. Ces derniers ont livré leurs impressions à la presse. «Le juge a pris ses responsabilités en disant qu’Ousmane Sonko doit être réintégré, réinscrit par les services compétents du ministère de l’Intérieur», s’est réjoui Me Étienne Ndione. «Le juge a fait montre d’un courage énorme. C’est une fierté. Tout le monde a été surpris et déçu par l’attitude de l’État du Sénégal qui, après avoir nommé un juge, propose sa récusation en pleine audience. Comment est-ce que cela a pu se faire ? Est-ce que le juge a refusé de céder aux tentations ?», s’interroge Me Ciré Clédor Ly.
Avant d’enchaîner : «Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que c’est un vent de liberté et d’indépendance qui souffle dans les rangs des magistrats. Ce vent de liberté inspirera d’autres juges parce que j’ai dit qu’il existe, dans ce pays, des juges fiers, des juges honnêtes, des juges indépendants, des juges courageux».
L’État se pourvoira en cassation devant la Cour suprême
Réaction totalement opposée chez les avocats de l’État qui peignent en noir l’audience au tribunal, ce jeudi. «Nous considérons que c’est une décision scandaleuse que nous allons déférer à la censure de la Cour Suprême par la voie du pourvoi en cassation», prévient Me Dialy Kane. «Ce qui est révoltant, poursuit l’avocat, c’est que nous sommes là à plaider, depuis 9 heures du matin, et nous n’avons terminé les plaidoiries qu’à partir de 22h. Et le juge s’est permis de juger cette affaire en cinq minutes. Il a fait une suspension, il est rentré dans son bureau, il est revenu entre cinq et dix minutes pour donner sa décision. Ce qui est impossible parce qu’il n’a pas eu le temps matériel d’analyser les arguments des uns et des autres».
S’il est clair que ce jugement constitue une première victoire pour le maire de Ziguinchor privé de ses droits civiques, il faut bien reconnaître que le feuilleton est loin d’avoir livré son dernier épisode.