Ce n’est que trois semaines après les premiers propos racistes lancés contre la ministre française de la Justice, Christiane Taubira, que le gouvernement et les associations de lutte contre le racisme réagissent publiquement.
Ce n’est malheureusement qu’après une interview accordée à Libération que le Président français, François Hollande et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault ont réagi publiquement suite aux propos racistes contre Christiane Taubira, soit près de trois semaines après le début de la polémique. En effet, la ministre de la Justice a reçu ce mercredi le soutien du président de la République française et de son Premier ministre, en marge du Conseil des ministres. Jean-Marc Ayrault a insisté sur le fait qu’il ne faut « rien laisser passer » sur la question du racisme. Quant à François Hollande, il a appelé « à la plus grande fermeté » selon la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
Un soutien « officiel » qui intervient après que la Garde des Sceaux ait déclaré à Libération qu’elle s’étonne qu’aucune « belle et haute voix (ne) se soit levée » pour pointer le danger pour « la cohésion sociale ».
Un gouvernement préoccupé par Leonarda
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes regrettent que François Hollande prennent la parole en faveur d’une « adolescente de 16 ans » (Leonarda, ndlr), mais ne dit point mot sur les propos racistes lancés contre l’une de ses ministres noires. A l’origine de la polémique, une candidate du Front National aux municipales avait chargé Taubira en postant sur sa page Facebook un photomontage la comparant à un singe. Une déferlante de propos racistes contre elle s’en est suivie, notamment lors de son passage à Angers le 25 octobre dernier. A ce moment-là, le silence d’Hollande et de son équipe était encore de marbre.
Il aura donc fallu une interview pour que le gouvernement français ou encore le Cran, qui vient d’annoncer qu’il portait plainte contre Anne-Sophie Leclere, l’ex-candidate FN à l’origine de la polémique raciste, se décident à réagir officiellement.
« Une réponse judiciaire indispensable »
Mais il semble qu’il soit trop tard pour cela. « Est-on encore capable de réagir lorsque la société est ébranlée sur ses fondations ? Les réactions n’ont pas été à la mesure », estime la ministre. « C’est la cohésion sociale qui est mise à bas, l’histoire d’une nation qui est mise en cause », poursuit-elle, jugeant qu’il « s’agit très clairement d’inhibitions qui disparaissent, de digues qui tombent ». « Je me ramasse depuis longtemps du macaque, du Y a bon Banania », explique la Garde des Sceaux, tout en indiquant avoir dit à son cabinet « qu’on avait autre chose faire que porter plainte ». Mais « la réponse judiciaire est indispensable », dit toutefois la ministre.
« Il faut rappeler que le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. Mais elle ne suffit pas : on ne peut pas demander à la seule justice de réparer les pathologies profondes qui minent la démocratie ». « Des millions de personnes sont mises en cause quand on me traite de guenon, continue Christiane Taubira. Des millions de gamines savent qu’on peut les traiter de guenons dans les cours de récréation ! », rappelle-t-elle.