Le premier film de Yamina Bachir Chouikh traite du terrorisme sans détour. Il est beau et violent à la fois, porté par des acteurs magnifiques et une photographie impeccable. Ibtissème Djouadi, qui incarne Rachida, est une révélation.
Plan serré. Au plus près du visage, la caméra suit la courbe d’une joue poudrée, celle des lèvres vermillon, s’arrête au bord de l’oeil menthe à l’eau. Rachida dénoue ses cheveux. Elle est belle. Jeune fille de 20 ans bien dans sa peau, institutrice qui part au boulot accompagnée de son walkman. Rachida vit à Alger. Ville qu’on ne peut plus appeler » La blanche » tant le terrorisme l’a rendue noire, de peur et de douleur. Par une belle matinée ensoleillée, Rachida est accostée par une bande de jeunes qui veulent la forcer à poser une bombe dans son école. Le prix de son refus : une balle en plein ventre, tirée à bout portant.
Mais contrairement à Zakia Guessab, l’institutrice qui a inspiré son personnage, Rachida ne meurt pas. La bombe n’explose pas. Rachida s’installe avec sa mère dans un petit village pour tenter de reprendre pied. Elle redevient petite fille, hantée par des cauchemars qui n’ont rien à envier à la réalité. Rachida est alors plus que jamais une fille d’Algérie. Qui ressemble à son pays : terrorisée mais courageuse.
Un certain regard
Yamina Bachir Chouikh dresse avec pudeur et tendresse le portrait de trois générations de femmes, chacune aux prises avec ses propres démons : la mère de Rachida, divorcée et donc mal vue par la société, Rachida, et une petite fille du village qui porte en elle des espoirs mais aussi des doutes.
Ibtissème Djouadi, qui incarne Rachida, est tellement juste et tellement belle qu’elle en fait mal aux yeux. Porté par une photographie superbe, le film est un bijou de sensibilité, un concentré de joies et de douleurs. Il a été présenté au Festival de Cannes en 2002, dans la catégorie » Un certain regard « , et couronné le 16 novembre dernier au Festival international du film d’Amiens (France). C’est le premier long-métrage de Yamina Bachir Chouikh qui a passé trente ans à monter les films des autres avec talent. La réalisatrice affirme avoir voulu » simplement raconter le quotidien, témoigner « . Elle fait bien plus que ça, en donnant des clés pour comprendre l’Algérie d’aujourd’hui.
Rachida de Yamina Bachir Chouikh, sortie française le 8 janvier.
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