La diffusion par une chaîne publique française d’un reportage sur les biens immobiliers du président Bongo, dans l’hexagone, provoque l’ire de Libreville, qui a convoqué l’ambassadeur de France.
En juillet dernier, à l’occasion de son premier voyage en Afrique, Nicolas Sarkozy avait rendu visite à Omar Bongo Ondimba. Un signe, pour beaucoup d’observateurs, que le nouveau président français n’allait pas respecter sa promesse électorale d’en finir avec les relations françafricaines, dont le président gabonais est l’un des représentant emblématique. Pourtant, depuis lundi, rien ne va plus entre les capitales française et gabonaise. Les questions d’immigration y sont pour quelque chose mais c’est surtout la diffusion par la chaîne publique France 2 d’un « dossier » sur les biens immobiliers détenus par Omar Bongo, en France, lors du JT de 20h00, qui a fait brûler le torchon.
On y aperçoit les journalistes sonner à la porte d’un hôtel particulier de 1500 m² et d’une valeur de 15 millions d’euros, avant de se rendre sur le chantier d’un autre immeuble, près des Champs Elysées, estimé à plus de 18 millions d’euros. Tous deux, comme une trentaine d’autres bien immobiliers situés en France, appartiennent au président gabonais ou à son entourage familial.
Les « relations franco-gabonaises » en cause
Dès mercredi, le ministère gabonais des Affaires étrangères a annoncé dans un communiqué que le gouvernement a « convoqué » l’ambassadeur de France pour lui exprimer son « étonnement sur la diffusion » de ce reportage. « Dans ce contexte », indique le communiqué, le Gabon « se réserve désormais le droit de réagir contre cet acharnement médiatique (…) conformément aux principes de réciprocité et réfléchit actuellement à la suite à donner aux relations franco-gabonaises ».
La polémique française à propos de la mainmise du président Sarkozy sur les médias est sans doute arrivée jusqu’à la capitale gabonaise, qui parle de « l’audiovisuel d’Etat » hexagonal dans son communiqué. Quand à son émoi, il est dû au fait que le parquet de Paris a déjà classé sans suite, en novembre dernier, pour « infraction insuffisamment caractérisée », l’enquête préliminaire lancée cinq mois plus tôt par la justice française à propos de ce dossier.
« Manque d’enthousiasme de la part de la justice »
Cette dernière répondait à une plainte pour « recel de détournement de biens publics » déposée par l’association de juristes Sherpa, la Fédération des congolais de France (FCF) et l’association Survie contre les familles dirigeantes du Gabon, du Congo, de l’Angola, du Burkina Faso et de la Guinée équatoriale. Les plaignants s’appuyaient sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui présume l’existence d’une infraction « lorsqu’une personne ne peut pas justifier des ressources correspondant à son train de vie ».
Malgré les preuves accumulées par les enquêteurs français et dont certains procès-verbaux ont été publiés dès janvier dernier par le quotidien Le Monde, avant d’être reproduits dans le reportage de France 2, l’enquête a été stoppée. « J’ai été étonné car techniquement et juridiquement, la qualité des preuves réunies devait conduire à la nomination d’un juge d’instruction, explique Me William Bourdon à Afrik. Mais je ne l’ai pas été dans le sens où les enjeux politiques sont tels qu’on pouvait s’attendre à un manque d’enthousiasme de la part de la justice ».
Que Paris soit décidé ou non à rompre avec l’encombrant ami de la France qu’est Omar Bongo, les plaignants préparent une plainte avec constitution de partie civile pour relancer l’affaire devant la justice française. Quant aux autorités gabonaises, elles ont déjà appliqué la réciprocité sur le versant migratoire de leur différend avec le France : après que deux ressortissants gabonais qui avaient pourtant des attaches familiales en France ont été expulsés le mois dernier, Libreville a reconduit deux Français en situation irrégulière à la frontière ce mercredi.
Le reportage de France 2
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