115 cardinaux électeurs, venus de 52 pays, sont entrés en conclave lundi après-midi pour choisir le successeur de Jean-Paul II. Quelques noms circulent, mais le mystère est encore entier sur l’identité du prochain pape.
« Dieu connaît déjà le nom du prochain pape. C’est à nous de trouver qui c’est. » C’est le cardinal italien Ennio Antonelli qui le dit… 115 cardinaux électeurs, venus de 52 pays, se sont enfermés lundi après-midi dans la chapelle Sixtine, à Rome, pour choisir le successeur de Jean-Paul II, décédé le 2 avril dernier à l’âge de 84 ans. Ils ont juré de garder le secret des débats sous peine d’excommunion. Ils n’auront aucun accès aux journaux, radios, télévisions, et un système de brouillage des portables a été mis en place autour de la chapelle. Comme l’a déclaré Ennio Antonelli, seul « l’Esprit Saint » est attendu pour « éclairer » les princes de l’Eglise dans leur choix…
L’élection comporte plusieurs tours : elle se fait à la majorité des deux tiers lors des trois premiers jours et à la majorité simple lors des suivants. La durée du huis-clos qui a débuté lundi reste inconnue et la seule manifestation visible des délibérations sera la fumée noire s’échappant deux fois par jour du toit de la chapelle pour les scrutins sans résultat, ou la fumée blanche annonçant l’élection du nouveau souverain pontife. Le conclave de 1978, qui avait mené à l’élection de Jean-Paul II, avait duré trois jours et, au XXe siècle, aucun, n’a dépassé les cinq jours.
Les favoris
Qui va succéder à Karol Wojtyla ? Tous les membres de la hiérarchie catholique étant éligible, difficile de faire des pronostics… Pour autant, les rumeurs vont bon train dans la presse italienne de ces derniers jours. Certaines, insistantes, donnent le cardinal allemand Josef Ratzinger, 78 ans, comme le champion du camp conservateur. Numéro deux du Vatican, proche conseiller de Jean-Paul II, il est préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (l’ancienne Inquisition). Côté progressistes, c’est le nom du cardinal italien Dionigi Tettamazi, 71 ans, archevêque de Milan, qui ressort le plus souvent. Ce dernier plaide notamment pour un accroissement des pouvoirs des évêques et des Eglises locales.
Avant l’élection de Jean-Paul II en 1978, les papes avaient été exclusivement italiens pendant 455 ans… Les électeurs seraient-ils tentés de revenir à ces vieilles valeurs ? Pas si sûr. Le Sacré Collège comptant 40% de cardinaux venus de pays en voie de développement, il se pourrait bien que leur choix porte sur un homme du Sud. Le Nigérian Francis Arinze serait un papabili sérieux. A 72 ans, il est préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements et considéré comme le numéro quatre dans la hiérarchie curiale. Il pourrait compter sur les voix des 11 électeurs africains présents au conclave. Pour autant, lui-même n’y croit pas, laissant entendre que le monde n’est pas encore prêt à accueillir un pape noir…
Un pape non-européen ?
Le journaliste Giancarlo Zizola, spécialiste des affaires vaticanes, observe, pour ce conclave, « une grande dispersion géopolitique ». 115 cardinaux de 52 pays : « une telle proportion d’électeurs étrangers ne s’est jamais vue », explique-t-il dans le journal Le Temps. Selon lui, si les candidatures de Ratzinger et Tettamanzi échouent dans les premiers jours, le conclave pourrait se tourner vers un candidat non-européen. Un latino-américain, comme l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires ou un asiatique, comme l’archevêque de Bombay, Ivan Dias. « Un candidat latino-américain aurait le mérite d’incarner les aspirations de l’Eglise des pauvres. La majorité des catholiques se trouvent aujourd’hui dans l’hémisphère Sud. (…) L’Amérique latine, mais aussi l’Afrique et l’Asie, représentent l’avenir du catholicisme. Un pape latino-américain symboliserait encore davantage l’universalité de l’Eglise catholique. Il s’agirait d’un choix courageux et historique. »
Selon les chiffres fournis en janvier par le Saint-Siège, on compte 1,86 milliards de catholiques dans le monde en 2003, avec la plus grosse augmentation du nombre des fidèles en Afrique (4,5%, contre 2,2% en Asie). Sur le continent africain, les pays qui comptent les plus forts pourcentages de catholiques sont la Guinée Equatoriale et le Cap-Vert (93 %), Sao Tome et Principe (87 %), les Seychelles (85%) et le Burundi (65 %). Viennent ensuite le Lesotho (51 %), l’Angola et la République démocratique du Congo (50%).
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Les onze électeurs africains du conclave
Photo | Nom | Pays | Parcours |
Bernard Agré | Côte d’Ivoire | Né en 1926, ordonné prêtre en 1953, évêque du nouveau diocèse de Yamoussoukro en 1992, archevêque d’Abidjan en 1994. Préside la Conférence épiscopale de l’Afrique de l’Ouest (1985-1991). Il dirige le Comité épiscopal panafricain pour les communications sociales et il est membre du Comité du grand Jubilé de l’an 2000. | |
Francis Arinze | Nigeria | Né en 1932, ordonné prêtre en 1958, évêque en 1965, archevêque d’Onitsha (1967-1985). Proclamé cardinal en 1985, appelé à Rome pour présider le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (1985-2002). Il est préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. | |
Frédéric Etsou-Nzabi-Bamungwabi | République Démocratique du Congo | Né en 1930, ordonné prêtre en 1958, archevêque de Kinshasa depuis 1990. Proclamé cardinal en 1991 (c’est le second cardinal de l’histoire du pays). Il préside la Conférence épiscopale de RDC depuis juillet 2000. | |
Wilfried Fox Napier | Afrique du Sud | Né en 1941, ordonné prêtre en 1970, évêque en 1980, archevêque de Durban depuis 1992. Proclamé cardinal en février 2001. Il a activement participé aux négociations qui ont conduit à la chute de l’Apartheid. | |
Peter Kodwo Appiah Turkson | Ghana | Né en 1948, ordonné prêtre en 1975, il est archevêque de Cape Coast depuis 1993 sans avoir été évêque. Il a été proclamé cardinal en octobre 2003. | |
Anthony Olubunni Okogie | Nigeria | Né en 1936, ordonné prêtre en 1966, évêque en 1971, archevêque en 1973. Proclamé cardinal en octobre 2003. il préside l’Association des chrétiens du Nigeria. | |
Polycarpe Pengo | Tanzanie | Né en 1944, ordonné prêtre en 1971, nommé évêque en 1984, archevêque de Dar es-Salaam depuis 1992. Proclamé cardinal le 21 février 1998. | |
Armand Gaétan Razafindratandra | Madagascar | Né en 1925, ordonné prêtre en 1954, évêque en 1978, archevêque d’Antananarive depuis 1994, proclamé cardinal la même année. | |
Emmanuel Wamala | Ouganda | Né en 1926, ordonné prêtre en 1957, à Rome, nommé chapelain par Paul VI, en 1977. Evêque en 1981, archevêque de Kampala depuis 1990, cardinal depuis 1994. | |
Christian Wiyghan Tumi | Cameroun | Né en 1930, ordonné prêtre en 1966, évêque de Yagoua en 1980, archevêque coadjuteur de Garoua en 1984, archevêque de Douala depuis 1991. Il a présidé la Conférence nationale épiscopale (1985-1991) et proclamé cardinal le 28 juin 1988. | |
Gabriel Zubeir Wako | Soudan | Né en 1941, ordonné prêtre en 1963, nommé évêque en 1975, archevêque de Khartoum depuis 1981, proclamé cardinal le 21 octobre 2003. |