Vrai-fausse héroïne de la fourberie historique américaine, Jessica Lynch, aurait été sauvée des griffes des méchants Irakiens par un commando d’élite de l’armée US derrière les lignes ennemies. Faux. Il s’agit en fait d’une manipulation médiatique grossière où la guerre a honteusement été théâtralisée. Pourtant la chaîne NBC souhaite réaliser un film sur cette aventure. Récit d’une histoire fabriquée de toutes pièces.
Par Ahmad Khalid.
Le 8 août 2003, le quotidien américain International Herald Tribune a publié, dans la section « Célébrités », une information selon laquelle les représentants de la chaîne de télévision américaine NBC étaient sur le point de conclure un accord avec ceux de Jessica Lynch, pour réaliser un film à partir de son aventure, l’actrice canadienne Laura Regan ayant été choisie pour jouer le rôle de Jessica sur le petit écran. Le lendemain, le même journal publiait, dans la même section, une deuxième information, selon laquelle les négociations entre les deux parties avaient échoué. La raison donnée pour cet échec était que la famille de Jessica Lynch voulait qu’un livre sur cette aventure soit publié d’abord, et que le film soit basé sur le livre.
Mais qui est, au fait, Jessica Lynch ?
Selon les sources officielles de l’armée américaine, c’est un soldat de l’armée qui a participé à l’invasion de l’Irak et qui a été capturé par les Irakiens à la fin du mois de mars, avec d’autres soldats américains, après avoir résisté, toujours selon les sources officielles américaines, jusqu’à épuisement de ses munitions. Ses compatriotes ayant appris où elle était tenue prisonnière, chargèrent un commando de la délivrer. Le dit commando fut dirigé à partir d’un QG d’où ses déplacements furent suivis pas à pas sur un grand écran, comme dans le films que Hollywood sait si bien faire. Cette aventure fit les titres de tous les journaux de l’époque… On était en plein cinéma de propagande.
Heureusement, les Etats-Unis ne sont pas seulement le pays des groupes ultra-conservateurs dont le programme est d’assurer par tous les moyens l’hégémonie mondiale de l’Amérique. C’est aussi le pays d’une presse qui est très fière de sa liberté et qui compte un grand nombre de journalistes honnêtes ! Dont certains ont été envoyés en Irak, pour tenir le public américain informé de l’évolution de la guerre.
Or, plusieurs de ces journalistes ont cru devoir vérifier par eux-mêmes l’authenticité du sauvetage de Jessica Lynch. Voici le témoignage de l’un d’eux, Nicolas D. Kristof, publié dans le Herald Tribune du 21 juin 2003.
Jessica Lynch a effectivement été capturée par les Irakiens, mais, les jambes cassées, elle a été ensuite transférée dans un hôpital irakien à Al Nassiriya, où elle a été soignée et où elle s’est liée d’amitié avec un médecin irakien, par ailleurs père de dix-sept enfants. Quand l’armée américaine fut sur le point d’entrer à Al Nassiriya, les responsables irakiens se trouvèrent dans une situation inédite, où ils hésitèrent sur le traitement à réserver à Jessica.
Ils décidèrent tout d’abord de la placer dans une ambulance qu’ils détruiraient en accusant les Américains de l’avoir fait exploser. Puis ils changèrent d’avis et ordonnèrent à un officier de l’emmener hors de l’hôpital, de la tuer et de brûler l’ambulance. L’ami irakien de Jessica put monter dans l’ambulance et, une fois éloigné de l’hôpital, convainquit l’officier que cette solution ne servait l’intérêt de personne, au moment où les Américains s’apprêtaient à entrer dans la ville. L’officier abandonna l’ambulance et s’enfuit. L’ami ramena Jessica à l’hôpital, qui avait été entre temps évacué, où ils attendirent l’arrivée des troupes américaines.
Nicolas D. Kristof n’est pas le seul journaliste américain consciencieux ! Plusieurs de ses confrères se sont rendus à Al Nassiriya pour s’informer, et ont donné de l’histoire des versions semblables ! On aurait pu imaginer que les services de propagande de l’armée américaine, démasqués, n’auraient plus qu’une chose à faire : s’efforcer d’oublier l’aventure au plus vite !
Mais non : ils doivent continuer à fabriquer des histoires, pour convaincre le monde que l’invasion de l’Irak a été une guerre de libération. Alors, tant pis si le récit de la libération de Jessica Lynch est un mensonge, et tant pis si les journalistes de la presse écrite l’ont dévoilé. Va pour un film, précédé d’un livre, verrouillé par les mêmes services de propagande. De tout cela, que doit penser l’ami irakien qui a sauvé Jessica Lynch ?