Qui a intérêt à empêcher l’émergence de la démocratie en Afrique ?


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Cette interrogation qui nous semble légitime au regard de l’actualité dans les pays du Maghreb, en Côte d’ivoire mais également pour les futures élections à venir sur le continent africain, provoque de fortes angoisses chez tous ceux qui tirent profit de nos dictatures.

À la fin de notre dernière chronique intitulée, « Les dessous du pourrissement de la crise post-électorale ivoirienne », nous avions évoqué les prises de positions négatives vis-à-vis du désir de démocratie en Afrique de certains intervenants lors du dernier sommet de Davos, relaté par la Tribune de Genève. Selon le The New York Times, plusieurs observateurs occidentaux émettent également des réserves sur les révolutions dans les pays arabes et le désir de démocratie en Afrique en général. Pendant longtemps, la pensée dominante des puissances occidentales était de dire que, « l’Afrique n’est pas encore prête pour la démocratie ». De fait, « il vaut mieux avoir une dictature sous contrôle, qu’une démocratie incontrôlée dans laquelle les islamistes puissent émerger et menacer leur liberté et celle d’Israël ». Le président Jacques Chirac disait, il y a quelques années de cela que, « la démocratie n’était pas faite pour les peuples africains ». L’ensemble des intellectuels des pays africains s’est alors levé en bloc pour protester avec force contre cette sortie de l’ex-chef d’Etat français. Certains peuples seraient-ils donc incompatibles avec la démocratie ? Les révolutions des jeunesses des pays arabes semblent apporter un début de réponse. Désormais, tout semble devenir possible. Les jeunesses du continent africain de plus en plus confrontées à l’incertitude de l’emploi, devront être les propres acteurs de leur avenir et de leur destin. Grâce aux outils des nouvelles technologies de l’information et de communication, en un clic, une information, un mot d’ordre, un mouvement peut s’avérer une arme redoutable que les pouvoirs autocrates du continent semblent commencer à intégrer. En Tunisie, l’immolation d’un jeune homme a suffi pour créer un séisme politique dans le monde arabe. En Côte d’Ivoire, l’assassinat de plusieurs femmes par les forces de défense et de sécurité de Laurent Gbagbo, peut être un élément déclencheur d’un mouvement pour l’émergence d’une démocratie ainsi que des libertés individuelles et collectives. Cette barbarie a de nouveau braqué les projecteurs des médias internationaux sur ce pays en pleine déliquescence.

Relation « incestueuse » entre les dictatures africaines et les puissances occidentales

L’idée selon laquelle « il vaut mieux avoir une dictature sous contrôle, qu’une démocratie incontrôlée dans laquelle les islamistes puissent émerger et menacer les libertés occidentales et celle d’Israël », est complètement démagogique et antidémocratique. Cette logique de pensée a permis aux dictateurs africains, notamment du Maghreb, de pérenniser leur pouvoir en manipulant ce fantasme qui arrangeait bien les occidentaux dans leurs relations d’affaires avec ces régimes corrompus. Souvenons-nous, en 1992, personne n’avait parié sur la victoire des islamistes en Algérie lors du scrutin législatif. Cette élection organisée par le pouvoir en place, s’était déroulée convenablement dans les règles démocratiques. À la surprise générale, les islamistes l’avaient remportée. Leur victoire a été tout simplement annulée sous le prétexte qu’ils représentaient une menace pour la démocratie. Mais une menace pour qui ? Pour les occidentaux ? Pour Israël ? Ou pour la majorité des Algériens qui a voulu dans un mouvement de protestation démocratique, sanctionner les pouvoirs corrompus en place depuis l’indépendance acquise dans la douleur et le sang ? En privant ces islamistes de leur victoire honnêtement obtenue dans les urnes, n’a-t-on pas favorisé leur radicalisation et méprisé l’expression démocratique de la majorité du peuple Algérien ? Dans leur programme de campagne électorale, ces islamistes avaient ouvertement annoncé leur intention de revoir les différents contrats pétroliers et gaziers avec leurs partenaires occidentaux. Peut-être que la clé de ce déni de démocratie peut se trouver dans cette volonté, interprétée par les puissances occidentales comme une menace pour leurs économies et leurs profits.

Le même scénario s’est également produit au Congo en 1997. Le président Pascal Lissouba avait accédé au pouvoir par le suffrage universel, battant régulièrement le dictateur Sassou N’guesso. Lui aussi avait voulu revoir les contrats de son pays avec la société ELF-Congo. Cette volonté légitime a engendré une guerre civile qui a permis à Sassou N’guesso de revenir au pouvoir. De fait, ces contrats que son adversaire voulait renégocier en faveur de son pays ont été maintenus en faveur d’ELF. Selon The New-York Times, cette élection qui a permis de mettre fin à des années de dictature de la première présidence de Sassou N’guesso serait « le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale ». Cette constatation macabre donne des frissons. Ces relations « incestueuses » entre les dictatures africaines et les puissances occidentales permettent toujours une exploitation des ressources de ces pays sans aucun contrôle. Les régimes présidentiels en place en Afrique, se confondent avec des régimes monarchiques dans lesquels « le souverain », dans sa toute-puissance absolue a tous les droits, sans aucun contrôle du Parlement ni d’aucune autre institution du pays. Ces mouvements de révolte et de désir de démocratie, créent donc des incertitudes sur les lendemains de ces révolutions et changement de mentalité et angoissent terriblement les esprits dans certains milieux occidentaux.

Les inquiétudes des pays émergeants, appelés BRICS

Aujourd’hui, ce sont les pays dits « émergeants » appelés B.R.I.C.S (Brésil, Russie, Inde, Chine et South Africa) qui jouent de leurs influences sur le continent pour asseoir leurs pouvoirs et leurs positionnements géopolitiques sur la scène internationale. Ils sont encore plus féroces que les anciennes puissances coloniales qui exploitaient nos ressources à leurs avantages avec un sentiment d’affectivité et de bienveillance malsaine. Ces nouveaux « prédateurs » sont tous membres Permanents (Russie et Chine) et non Permanents du Conseil de Sécurité des Nations-Unis. Et leur puissance sur le plan économique est très souvent déterminante dans les résolutions de ce conseil. Les pays comme la Russie, la Chine ou l’Inde ont-ils vraiment intérêt à voir émerger de véritables démocraties en Afrique, au détriment de leurs nombreux investissements favorisés par ces dictateurs ? Dans la crise post-électorale ivoirienne, on peut constater à quel point l’Afrique du Sud est devenue un acteur de poids dans la solution de sortie de crise. La récente visite de Jacob Zuma à l’Elysée dans le cadre des consultations concernant le G2O dont son pays est membre, lui permet de jouer sa propre « carte » de positionnement sur le plan international à travers cette médiation qui ressemble plus à un jeu de dupe. Jacob Zuma semble faire monter la pression en donnant le sentiment de soutenir Laurent Gbagbo contre la communauté internationale. Cette stratégie peut lui permettre de mieux négocier une place de Membre Permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU. Et pour cela, il sait qu’il doit avoir l’appui de la France qui défend l’idée d’un « siège de Membre Permanent » attribué à un pays du continent Africain. De ce fait, on peut bien imaginer qu’il fasse monter très haut les enchères pour obtenir ce qu’il souhaite. Ce double jeu stratégique de l’Afrique du Sud trouble les esprits et fait monter la tension en Côte d’Ivoire. Résultats, les acteurs locaux n’espèrent plus rien de cette médiation qu’ils vivent comme une mascarade, et semblent avoir décidé de trouver eux-mêmes une solution de sortie de crise. Malheureusement pour les ivoiriens, la solution armée paraît aujourd’hui la seule voie possible pour faire respecter les résultats du suffrage universel. Chaque camp reste figé sur ses positions tandis que les soldats de l’ONU sensés protéger la population reste impuissants et humiliés.

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