La querelle diplomatique entre la France et le Maroc est telle, que certaines voix commencent à s’élever à Paris pour dénoncer l’attitude « hystérique » du royaume.
Les autorités marocaines sont-elles « hystériques » ? La réponse, selon Me Pierre Bréham, l’un des avocats des plaignants qui a déposé plainte contre le patron du contre-espionnage marocain, à l’origine de l’éclatement de la querelle diplomatique entre la France et le Maroc, est, sans détour, oui.
La décision marocaine de suspendre la coopération judiciaire avec la France est « totalement disproportionnée », a-t-il estimé. Cette décision unilatérale a été prise suite à la descente policière au domicile de l’ambassadeur du Maroc à Paris afin de remettre une convocation au patron de la DGST, Abdellatif Hammouchi, sans passer par les câbles diplomatiques.
Cette initiative a surpris Paris, notamment le président François Hollande, le chef de la diplomatie Laurent Fabius et la Garde des Sceaux Christiane Taubira qui s’efforcent depuis une semaine d’apporter des « explications », de « dissiper les malentendus » et d’assurer la « constante amitié » franco-marocaine. Mais selon le porte-parole du gouvernement marocain, Mustapha El Khalfi, Rabat « n’a pas encore reçu d’explications concernant ce qui s’est passé ».
Les hauts gradés marocains sont « susceptibles »
Cette suspension n’est pas sans conséquences. Pour l’heure, « aucun acte de mariage ou de filiation ne pourra être exécuté dans les deux pays. Et au niveau pénal, cela signifie qu’on ne peut plus faire de demandes d’extradition, d’auditions de témoins, ou de transfèrements », explique Me Bréham. « Le Maroc a vraiment utilisé l’arme atomique pour tuer une mouche », s’étonne-t-il.
Un spécialiste du Maroc relève le caractère « susceptible » des « haut gradés marocains » lorsqu’ils sont « ciblés par la justice française ». Ils « ont vécu d’une manière dramatique le fait qu’on puisse aller délivrer une convocation à la résidence de l’ambassadeur. Cela signifie qu’il n’y a plus de protection », déclare-t-il.
D’après Hélène Legeay, la responsable Maghreb à l’Action des chrétiens contre la torture (ACAT), l’association à l’origine des plaintes, cette décision vise à empêcher « le transfèrement de détenus français condamnés au Maroc, les autorités marocaines cherchent à les empêcher de porter plainte pour torture à leur arrivée en France ».
M. Hammouchi fait l’objet de plusieurs plaintes déposées par des ONG et des victimes présumées de tortures, dont deux Franco-Marocains.