Après Lumumba, son film sur le père de l’indépendance congolaise, le réalisateur haïtien Raoul Peck revient dans Quelques jours en avril sur un événement tragique de l’histoire africaine : le génocide rwandais. Un travail cinématographique minutieux sur les mécanismes du pouvoir et les enjeux politiques vus au travers de deux personnages antagonistes, Honoré et Augustin. Du grand Raoul Peck, diffusé vendredi soir sur Arte.
« Tous les ans au mois d’avril, je me souviens… » Rwanda, avril 2004. Augustin (Idris Elba), devenu instituteur tente de renouer avec son passé. Il décide de rendre visite à son frère Honoré (Oris Erhuero), prisonnier, jugé par la Cour Pénale Internationale pour son rôle d’incitateur à la violence raciale et criminelle contre les Tutsis en 1994. Augustin veut connaître ce qui est arrivé à sa femme Jeanne (Carole Karemera), Tutsie, et à ses deux enfants, confiés dix ans plus tôt à son frère aux premiers jours du génocide…
Quelques jours en Avril, c’est l’histoire de deux frères pris dans des mécanismes de pouvoir et des enjeux politiques complexes. Un face à face entre deux Hutus, Augustin, un militaire modéré marié à une Tutsie, et Honoré, un journaliste influent et animateur de la radio RTLM, proche des extrémistes hutus.
« Je ne suis pas un donneur de leçons »
Loin de sombrer dans le pathétique, le réalisateur haïtien Raoul Peck offre un regard neuf empreint de lucidité et d’humanisme sur cet événement de l’histoire. Dans cette fiction, il n’est question ni de jugement ni de manichéisme primaire. Le cinéaste réalise un travail cinématographique minutieux et documenté sur les mécanismes du pouvoir et l’inaction des pays occidentaux à l’origine du génocide rwandais.
Par souci de justesse, Raoul Peck s’est rendu au Rwanda où il a interrogé la population sur cet événement. « Ils voulaient tous raconter leurs histoires. Cette envie de parler vient d’eux. Je n’ai rien eu à faire. J’étais là en tant que simple passeur d’images et non pas en tant que donneur de leçons », nous a expliqué le réalisateur. « Si j’ai voulu traiter de ce sujet c’est que je sentais qu’il fallait commencer le travail de mémoire », a-t-il ajouté.
Le cinéaste a tourné pendant plusieurs mois au Rwanda et a engagé 6000 figurants rwandais pour amener de l’authenticité à sa fiction. « Je voulais filmer de l’intérieur et non de l’extérieur. Les rôles obscurs des Etats-Unis et de l’Europe dans ce génocide ne sont là qu’en second plan », indique Raoul Peck. Seul le personnage de Prudence Bushnell (Debra Winger), conseillère américaine au département d’Etat aux Affaires étrangères, souligne l’absence et l’inaction du gouvernement des Etats-Unis.
Raoul Peck confiait qu’« il voulait revenir et être fier de son film ». Un objectif atteint pour cette fiction étonnante servie par une pléiade d’acteurs remarquables.
« Quelques jours en avril de Raoul Peck », diffusé vendredi 22 février, à 21h, sur Arte.
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