Une étape a été franchie dans l’histoire de l’Afrique postcoloniale alors qu’une nouvelle nation voit le jour, mettant ainsi fin à l’erreur des Britanniques ayant consisté à joindre deux peuples qui n’auraient jamais dû être ensemble. Dans cette contribution, Franklin Cudjoe et Japheth Omojouwa, respectivement Président et Assistant de Recherche et adjoint à la rédaction d’Imani et AfrcianLiberty.org, nous proposent une analyse historique originale pour comprendre la
sécession du Soudan. Les deux auteurs insistent surtout sur les perspectives pour le nouvel Etat et la nécessité de tirer profit des erreurs des autres pays africains qui se sont engagés dans des stratégies et des politiques défavorables à la création de richesse et des emplois car liberticides politiques et économiques.
Les habitants du Sud Soudan se sont exprimés en grand nombre et c’est presque d’une voix unanime qu’ils ont voté le 9 Janvier 2011 pour se séparer du Nord. Pour comprendre la nécessité de la sécession il faut tenir compte de l’histoire de ces peuples. Les deux régions du Soudan, le Nord et le Sud, avait été forcées en une seule entité par la Grande-Bretagne en 1956, malgré des différences évidentes. Le mariage mal assorti imposé par la puissance coloniale à deux entités contradictoires différenciées par la culture, la langue, l’ethnie, l’histoire et plus particulièrement la religion, a été le fléau du plus grand pays d’Afrique depuis l’indépendance, causant l’une des plus longues guerres civiles en Afrique. Plus de 2 millions de personnes ont été tuées et plusieurs millions se sont retrouvés sans abri pendant des décennies de kidnappings, de raids transfrontaliers et de combats conventionnels en tous genres, avant qu’un accord de paix global fût signé en 2005. Ceci a mené au 9 janvier dernier, date du référendum, quand le peuple du Sud a exprimé à la quasi-unanimité un OUI à la création d’un nouvel État du Sud Soudan et a enfin abouti à la cérémonie officielle du 9 juillet avec la scission historique.
Les histoires qui précèdent le jour historique du 9 juillet 2011 ne seraient pas correctes ou du moins pas complètes si elles ne mentionnaient pas le Dr. John Garang. Il a été le président et le commandant en chef du Mouvement/Armée de libération du peuple du Soudan (Sudan People’s Liberation Movement/Army – SPLM/A) et a mené les négociations avec Ustas Ali Osman Taha, alors premier vice-président du Soudan lors des négociations de Naivasha au Kenya. L’accord de paix global qui a résulté de ces années de négociations est la graine qui a fait germer une nouvelle nation souveraine et autonome, presque 20 ans après la dernière indépendance.
John Garang est devenu le premier vice-président du gouvernement d’unité nationale résultant de l’accord de paix. Cela l’a obligé à quitter sa base dans le Sud pour le palais présidentiel à Khartoum. Tout le monde a perçu cela comme un signe positif pour son idée de «Nouveau Soudan», considérant qu’il pourrait faire bouger les choses de l’intérieur. Mais l’homme est mort. Il était un homme remarquable comme de nombreux observateurs l’ont souligné et le fait qu’il soit mort quelques semaines seulement après être devenu vice-président a suscité beaucoup d’étonnement. Sa mort n’aura pas été en vain si le 9 juillet 2011 permet, au-delà de la souveraineté nationale pour le Sud-Soudan, la prospérité de son peuple.
Nous avons l’espoir à présent que les nombreuses forces qui se sont abstenues en vue de la victoire ne vont pas resurgir dans une quête de partage du pouvoir et de contrôle des ressources. Des tensions demeurent entre les deux Soudan, en particulier la question non résolue de la frontière d’Abyei. La Commission pour la frontière d’Abyei (Abyei Border Commission – ABC) qui avait pour but de résoudre la question, s’est vue rejeter son rapport puisque les deux parties ont préféré plutôt se tourner vers la Cour Internationale d’Arbitrage. Mais ceci est une question d’un autre jour et sera débattue entre deux pays indépendants au lieu d’un seul pays et une région sécessionniste. Tout cela sera relégué à l’arrière-plan alors qu’une nouvelle nation se lève sur les rives du Nil. Il est maintenant temps de poser correctement les bases d’un nouveau départ. Le nouveau gouvernement doit rechercher des moyens de remettre l’économie sur la bonne voie, cela signifiant que les moyens de production ne soient pas à la charge du gouvernement, mais plutôt des particuliers. Le gouvernement devrait se concentrer sur la création de lois et d’un environnement propices à engendrer le développement et la croissance rapide du pays.
Contrairement aux États africains qui ont obtenu leur statuts d’indépendance il y a 50 ans sans avoir des prototypes de ce que la gouvernance devrait être en Afrique, le Sud Soudan, lui, possède une surabondance d’échantillons et des leçons à apprendre des succès et des échecs d’autres pays africains. Cette fois-ci, l’heure n’est pas aux discours émouvants d’indépendance, mais plutôt à se mettre à produire des résultats qui vont inciter même les sudistes les moins patriotes à se draper des couleurs nationales dans une décennie, tant ils seront fiers que
l’aube d’aujourd’hui amène peu à peu la croissance, le développement et la prospérité. Ceci n’arrivera pourtant pas grâce au hasard : une planification économique stratégique est aussi nécessaire pour permettre à la population plutôt qu’à l’État d’être le moteur de l’économie. Ceci doit être intentionnel dès le début. Ce gouvernement du Sud Soudan n’a pas besoin de s’essayer à ce que produit le protectionnisme – cela a été testé bien des fois et a entraîné plus de pauvreté et de sous-développement dans la plupart des États africains.
Les Sud Soudanais, en tant que peuple, ont la possibilité de regarder le monde et de décider le genre de vie qu’ils souhaitent imiter. S’ils observaient assidument, ils finiraient par déterminer deux groupes : les nations économiquement libres et les nations économiquement moins libres. La plupart des nations libres sont prospères alors que la plupart des autres sont pauvres.
Le samedi 9 Juillet, avec la levée du drapeau le plus récent du monde, le Sud Soudan commence à zéro son chemin, soit vers une pauvreté accrue, soit, de préférence, vers une prospérité exemplaire. Nous ne pouvons que prier pour que ce pays africain fasse le bon choix et se lance dans la voie de la prospérité.
Japhet Omojuwa est Assistant de Recherche et adjoint à la rédaction d’IMANI et AfricanLiberty.org. Franklin Cudjoe est le président de IMANI et rédacteur en chef de AfricanLiberty.org.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org