La partie est finie pour Laurent Gbagbo. Actuellement détenu à l’hôtel du Golf et protégé par les casques bleus de l’ONUCI, Alassane Ouattara à demandé l’ouverture d’une « procédure judiciaire contre Laurent Gbagbo, son épouse et ses collaborateurs ». Sera-t-il jugé par un tribunal ivoirien ou extradé vers la Cour pénale internationale ? Son avenir est pour l’heure incertain.
Un jour seulement après l’arrestation du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, la question de son sort judiciaire est déjà dans tous les esprits.
Lundi soir, dans son deuxième discours officiel en tant que président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a annoncé avoir demandé « l’ouverture d’une procédure judiciaire » contre Laurent Gbagbo et son entourage.
De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) avait déjà averti l’ancien président et ses partisans que leurs crimes envers la population et leurs menaces contre les casques bleus ne resteraient pas impunis.
Les Nations-unies ont nommé une commission d’enquête composée de trois experts chargés d’enquêter sur les crimes commis en Côte d’Ivoire depuis l’élection contestée de novembre 2010.
Enfin, les proches de l’ancien président disent ne pas craindre une action en justice. « Ce sera l’occasion de réhabiliter Laurent Gbagbo et de le laver de tout soupçons », a estimé mardi Toussaint Alain, son conseiller en Europe. Me Jacques Vergès, l’avocat de Laurent Gbagbo, célèbre pour ses combats anti-colonialistes, a également déclaré que « ce serait un honneur pour (lui) de le défendre s’il (le) sollicite ».
La question qui se pose désormais est donc de savoir quelle instance judiciaire sera en charge du jugement de Laurent Gbagbo.
La Cour pénale internationale, un option périlleuse
A l’heure actuelle, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, n’a entamé aucune poursuite judiciaire contre le président ivoirien sortant. Il a cependant annoncé le 6 avril dernier, vouloir ouvrir une enquête au sujet « des massacres commis de façon systématiques ou généralisée ». Cependant, un jugement par la CPI n’exclut pas une poursuite par les instances judiciaires nationales de Côte d’Ivoire. Ce n’est que si les magistrats de la CPI estiment que la justice ivoirienne est dans l’incapacité de juger Laurent Gbagbo que le tribunal de la Haye pourrait se substituer à l’autorité judiciaire ivoirienne.
L’hypothèse d’un jugement par cette cour internationale n’est pour autant pas dénuée de conséquences. Tout d’abord, elle renforcerait les thèses du camp Gbagbo qui estime que la capture de leur leader est « un complot international » et une ingérence des grandes puissances, en particulier de la France, qui s’est « comportée comme une puissance coloniale qui a déposé un empereur à la place d’un président », a déclaré mardi Toussaint Alain, le conseiller du président sortant lors d’une conférence de presse à Paris. De plus, si Laurent Gbagbo doit répondre des accusations de « crimes contre l’humanité » devant le Cour pénale internationale, cela pourrait affaiblir le tout nouveau président élu de Côte d’Ivoire, reconnu par la commission électorale et la communauté internationale. Effectivement, ses troupes sont également accusées par Human Rights Watch et la Croix-Rouge Internationale, de s’être livrées à des massacres lors de l’offensive vers le sud du pays entamée le 28 mars dernier. L’option de la CPI pourrait donc être embarrassante pour le pouvoir nouvellement mis en place. Mais les risques d’un procès en Côte d’Ivoire est lui aussi important.
Procès national, nouveau facteur de division et de tensions
Le réveil des ardeurs guerrières et des violences est la principale crainte que provoque l’hypothèse d’un procès national. Un risque pour Alassane Ouattara qui s’est prononcé dans son allocution télévisée pour « une réconciliation nationale ». Mais une action judiciaire au pays pourrait également symboliser la « première pierre » d’un État de droit promis par le nouveau président. Reste à savoir comment réagiront les partisans de Laurent Gbagbo, qui pourraient voir dans ce procès l’acharnement du camp Ouattara et un « coup de grâce ». L’ancien président ne risque cependant pas la peine de mort puisqu’elle est abolie en Côte d’Ivoire depuis la révision constitutionnelle de juillet 2000.
Le choix d’un procès national soulèverait une autre interrogation : sur quelle période juger Laurent Gbagbo ? Faudra-t-il remonter à son arrivée à la tête du pays en 2000 ou se concentrer sur les quatre derniers mois de crise post-électorale ? Les motifs de jugement ne manquent pas. Depuis les exactions commises par ses hommes en 2000 en passant par l’affaire de la disparition en 2004 du journaliste français Guy André-Kieffer et, enfin, les combats meurtriers de ces derniers mois à Abidjan.
L’exil, difficilement envisageable
Le discours d’Alassane Ouattara a le mérite d’être clair. Pas d’amnistie pour Laurent Gbagbo et ainsi pas d’exil probable. L’option avait pourtant été envisagée et l’Angola, le Nigeria ou encore les États-Unis lui avaient offert l’asile. Mais l’ancien président avait systématiquement décliné les offres. Cette éventualité va d’ailleurs à l’encontre de l’action militaire menée par les forces républicaines, soutenues par l’ONUCI et la force Licorne, qui l’ont capturé et gardé en vie dans l’objectif de le faire comparaître dans le box des accusés. Laurent Gbagbo devrait donc être maintenu prisonnier par ses opposants jusqu’à la tenue d’un procès. A Abidjan ou la Haye ? L’avenir le dira.