Une jeune femme, Mélanie Merlin, vient de porter plainte contre le magazine français Paris Match. En cause, une légende publiée début mars. Celle d’une photographie où la jeune femme, entourée de jeunes noirs habitant en banlieue, qui suggère que leur présence l’effraie, contrairement à la réalité. L’incident rappelle les critiques dont la presse généraliste française avait fait l’objet quant au traitement des émeutes de 2005.
La presse généraliste française avait été longuement critiquée lors des émeutes des banlieues en 2005. Deux ans après, une légende de Paris Match démontre qu’elles n’étaient pas infondées et que la presse peut être vecteur de l’image négative dont souffre la jeunesse des quartiers populaires périphériques de Paris. Les faits remontent au 1er mars dernier. Le magazine publie alors un reportage sur le quartier de la Forestière, à Clichy-sous-Bois, cité de la banlieue parisienne d’où sont parties les émeutes de 2005. Parmi les photos prises, rapporte Libération, l’une montre quatre jeunes hommes noirs assis autour d’une jeune femme blanche plongée dans un livre dans un RER. En légende : «Sur les portables, la musique – du rap – joue à fond. La passagère, pas rassurée, se plonge dans sa lecture et n’en sort pas.» Le texte ne reflète malheureusement pas la réalité : la jeune femme de la photo, Mélanie Merlin, était bel et bien plongée dans son livre, mais les jeunes gens ne l’effrayaient pas. La légende lui porte d’autant plus préjudice qu’elle est professeur dans un lycée de la ville et qu’elle fait l’objet de remarques narquoises sur sa « peur des Noirs ». Elle demande alors un démenti à Paris Match qui ne fait pas suite à sa requête. Ce n’est que la semaine dernière avec la publication de l’affaire par l’Humanité qu’elle obtient gain de cause. Cependant « la précision » que publie le magazine est à peine visible.
Un fâcheux amalgame
Mélanie Merlin vient donc d’attaquer le journal pour préjudice lié à son travail et demande la publication d’un démenti proportionnel à la photo en cause. Répondant à un message d’internaute déposé sur le site de Libération à la suite de l’article qui relate sa situation, elle lui fait remarquer : « je n’ai pas plus peur des jeunes dans le RER ou dans ma classe contrairement à vous, semble-t-il ». L’incident démontre que la presse française véhicule beaucoup de préjugés, que partagent une certaine frange de la population, et qu’elle n’a pas encore trouvé la bonne formule pour parler des jeunes de banlieues en toute neutralité. Dans un entretien accordé à Afrik, l’artiste Saïd Bahij commentant le traitement médiatique des évènements de l’automne 2005, au lendemain de la crise, critiquait alors l’attitude des journalistes. « Quand on voit un jeune c’est un problème, quand on en voit deux c’est une bande de problèmes. […] Et puis le choix des mots est assez révélateur. » Son analyse s’applique parfaitement à la légende fabriquée par Paris Match. Comme quoi la recette que préconise le journal dans son slogan – « Le poids des photos, le choc des mots » – n’est pas toujours une réussite. Il ne manquerait plus que se rajoute à la plainte de Mélanie Merlin, celle des jeunes hommes pris en photo avec elle, par exemple pour diffamation, pour que la recette soit, cette fois-ci, un ratage complet.