Des bars d’un nouveau genre sont venus fleurir la ville de Sanso depuis l’ouverture, en 2001, de la mine d’or de Morila au Mali. Les tenancières de ces lieux sont des prostituées, pour la majorité nigérianes, entraînées contre leur gré à proximité des exploitations aurifères situées aux quatre coins du pays. Reportage.
L’exploitation aurifère de Morila au Mali est devenue une source de revenus pour les prostituées. On compte six bars à Sanso, la ville située à quelques kilomètres de la mine, dans lesquels sont réparties les professionnelles du sexe. « Après l’ouverture de Morila en 2001, des bars ont commencé à voir le jour. A cette époque, il y avait dix filles par établissement, toutes nigérianes », explique Mohammed Maiga, chargé prévention VIH/MST auprès des prostituées de Sanso. « On fait croire aux jeunes femmes qu’elles sont en route pour l’Espagne ou ailleurs et en cours de chemin on leur demande de s’établir près des exploitations aurifères pour faire commerce de leurs corps », ajoute-t-il. Une jeune Nigériane interrogée par Afrik raconte : « une femme est venue me voir à la sortie de l’école et m’a promis un emploi au Sénégal. Je ne suis jamais arrivée là-bas, au lieu de cela j’ai aterri à Sanso où j’ai été obligée de me prostituer ».
Prostituées et femmes d’affaires
Pour sortir de cette situation, ces jeunes femmes n’ont d’autre solution que de multiplier les passes afin de rembourser le prix de transport du Nigéria jusqu’au Mali qu’elles doivent à leur promotrice, la responsable de leur établissement. Mais avec une location de chambre à 15 000 CFA (22, 50 euros) par mois et une prestation ne dépassant pas les 2000 CFA (3 euros), les prostituées mettent plus de six mois à rassembler la somme. « Si certaines quittent définitivement le Mali après avoir rembouser leurs « dettes », d’autres préférent accumuler de l’argent pour investir ensuite dans leur pays », note M. Maiga.
Depuis l’ouverture de la mine de Syama en 2007, à proximité de Sikasso à l’est du Mali, la clientèle a nettement diminué. Les miniers sont partis trouver fortune dans cette nouvelle exploitation. Résultat, les professionnelles du sexe ont elles aussi migré à la recherche de revenus plus conséquents. « Aujourd’hui, on ne compte que trois bars à Sanso avec en moyenne huit prostituées par maison », relate le chargé de prévention VIH/MST auprès des Nigérianes de Sanso.
Prostitution égale danger
Concernant les questions alliées au Sida, maladie endémique en Afrique, M. Maiga baptisé « teacher condom » par les prostituées affirme que les jeunes femmes utilisent le préservatif. « Dans la plupart des cas, elles arrivent à faire accepter la capote à leur client. Mais avec leurs »boyfriend » nigérians qui les accompagnent, c’est plus compliqué », explique t-il. La prostitution a eu des effets néfastes sur les jeunes maliennes de Sanso qui, attirées par l’appât du gain, ont elles aussi commencé à se prostituer. « Elles agissent de manière disrète, il est impossible pour nous de les suivre. Elles n’ont aucune protection », explique M. Maiga.
Un business placé sous la surveillance de la gendarmerie
Selon des sources provenant de la mine de Morila, les gendarmes de Sanso se livreraient à des stratégies d’exstortion avec la complicité des prostituées. La stratégie consisterait à se lier d’amitié avec un ouvrier pour ensuite le dénoncer à la gendarmerie pour harcèlement sexuel, abus… et lui faire payer une somme d’argent en échange du silence des agents.
Avec l’ouverture croissante des mines d’or au Mali, première ressource naturelle du pays, il est à craindre que le traffic naissant de la prostitution nigériane prenne de l’ampleur.