La soixante quatrième minute du quart de finale Tunisie-Sénégal a eu des répercussions économiques à des milliers de kilomètres du stade 7 novembre de Radés en Tunisie. Au Sénégal, certains commerçants, qui avaient misé sur un plus long parcours des Lions à la Can, y croyaient encore. Mais le coup de sifflet final aura eu raison de leurs derniers espoirs et de leurs investissements.
Amère défaite. De nombreux commerçants, qui avaient spéculé sur un long parcours du onze sénégalais à la Coupe d’Afrique des nations de football, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Spéculant sur une finale, voir un titre continental, nombreux sont ceux qui avaient investi pour se mettre à l’heure de l’événement et doper leur chiffre d’affaire.
De Dakar à Saint-Louis en passant par Ziguinchor, les couleurs des Lions de la Téranga étaient partout présentes. Des maillots des joueurs arborés fièrement dans la rue en passant par les prières que certains imams de mosquées en compagnie des fidèles adressaient aux joueurs : tout le pays était derrière l’équipe nationale. De nombreux acteurs de la vie économique avaient cru flairer la bonne affaire. Des dépenses ont été occasionnées pour donner un nouveau visage aux bars et restaurants, traditionnelles agoras sportives pour suivre les matchs.
Au Bar du rond point situé sur une grande place de Dakar, la patronne reconnaît avoir tapissé son mur des posters de l’équipe, et avoir couronné le tout par une image du joueur vedette, El Hadji Diouf. Au Café de Rome, un grand complexe hôtelier dans la capitale, le maître d’hôtel parle de drapeaux tricolores qui couvrent l’entrée et de la décoration effectuée à l’intérieur des lieux. « Un grand écran avait même été dressé pour attirer du monde », ajoute-il. Mais l’euphorie retombe après l’élimination de l’équipe en quart, samedi dernier. Les clients ont depuis partout déserté les lieux. Pour les commerçants, le bilan est lourd.
Cinq fois plus de clients pour les matchs
Au Bar de la poste, situé dans une rue touristique, en face du port de Dakar et du marché Kermel, Abou Saw raconte que les jours de match de l’équipe nationale, « 100 à 150 personnes » fréquentaient son bar, contre « 30 à 40 personnes habituellement ». Le jeune commerçant parle d’un chiffre d’affaires passé de 200 000 francs CFA, à un peu moins de 100 000 francs depuis cette élimination prématurée. « Ils remplissaient à tout moment ces tables à quatre places tout en laissant leurs yeux sur l’écran de télé. Dès que les verres se vidaient, on les remplissait », ajoute-t-il, un peu nostalgique.
A la RTS (Radio et Télé du Sénégal), le constat de cette déroute des Lions de la Téranga est tout aussi amer. Pourtant, face au coût élevé de la revente des droits de diffusion des matchs de la Can 2004 par LC2 (La chaîne 2), Ibrahim Kor, chef du département de l’action commerciale, a voulu « amortir » le tarif de la diffusion sur RTS. Mais cette éviction précoce du Sénégal n’aura pas permis au gérant de la régie publicité d’atteindre ses objectifs : « nous comptions réaliser 450 millions de francs CFA de bénéfice qui nous auraient permis de bien payer nos huit techniciens envoyés en Tunisie et de couvrir d’autres dépenses. Aujourd’hui, nous ne sommes pas sûrs d’amorcer 160 millions de francs ». Mais l’homme se réjouit tout de même du tarif fixe de l’espace publicitaire sur toute la durée de la compétition. « Cela fait que le prix des spots publicitaires ne changera pas durant toute la durée de la Can ».
Annonceurs méfiants
Même si tous les commerciaux ont perdu de l’argent, certains ont été plus méfiants, c’est le cas des annonceurs. Conscients de la mauvaise performance des Lions de la Téranga lors de leurs dernières rencontres avant cette Can, ils attendaient que l’équipe atteigne les demi-finales, « pour mettre le paquet », confie Ibrahim Kor. Ainsi, ils ont adopté la stratégie d’achat des espaces publicitaires au coup par coup. C’est une stratégie qui leur est (relativement) bénéfique, puisque des « 20 à 25 spots publicitaires » avant chaque rencontre, la RTS en a recueilli « sept », lors de la demi-finale opposant la Tunisie au Nigeria. Mais pour le Chef du département de l’action commerciale, la finale de la compétition devrait réunir un « nombre important d’annonceurs ».