Tout le monde sait que Ceuta est aujourd’hui une terre espagnole revendiquée par le Maroc. Or, il est moins connu que les premiers à avoir lorgné sur la ville étaient les Portugais. Avant même la fin de la reconquête de la péninsule ibérique sur les musulmans, le Royaume du Portugal voulait s’implanter en Afrique. Et ce, pour des raisons certes religieuses, mais avant tout économiques et politiques.
Une raison particulière pousse le Royaume du Portugal, récemment formé, à vouloir s’implanter en Afrique en ce début de XVe siècle. Contrairement à son voisin espagnol, il n’est plus en croisade contre les musulmans sur le continent européen et ne peut donc plus s’agrandir par la terre. Cette situation lui fait craindre un certain isolement voire une vassalité de fait vis-à-vis du Royaume de Castille. Mais pourquoi Ceuta ?
Tout d’abord, il s’agit d’une terre musulmane sous le contrôle du Sultanat de Fès, ce qui permettrait d’obtenir le soutien du pape et du clergé, ainsi que celui d’une noblesse désireuse d’agrandir ses possessions. De plus, la ville est à proximité du continent européen et représente un point stratégique à l’entrée du détroit de Gibraltar, où arrivent les caravanes chargées d’or venues du continent. Cette prise permettrait par ailleurs de doubler les Espagnols et les Génois en Afrique du Nord, tout en luttant contre la piraterie barbaresque.
Au préalable, le roi Jean Ier envoie à Ceuta le prieur des Hospitaliers, Alvaro Gonçalves et le chef de la marine, Afonsa Furtado de Mendonça, en mission d’espionnage. Les préparatifs de l’invasion se font alors en toute discrétion pour ne pas alerter le puissant voisin, sous la direction de ses fils.
Peu de morts chez les Maures
250 navires, transportant 50 000 hommes, quittent le Portugal au début du mois d’août de l’année 1415 et mettent trois semaines pour se retrouver au large de Ceuta en raison du mauvais temps. C’est finalement le 21 août qu’a lieu le débarquement des troupes face à une ville peu protégée. L’effet de surprise est total!
La résistance est en effet quasi-nulle, le gouverneur Salah Ben Salah s’enfuit avec une partie des habitants et les Portugais entrent le lendemain au sein de la cité. Les jours suivants, la mosquée de Ceuta est transformée en église et de nombreux habitants sont convertis de force au catholicisme. En outre, l’Anglais François Aymar, membre de l’expédition, est nommé évêque de la ville et l’infant Henri le Navigateur, appuyé par une garnison de 2 700 hommes, a la charge de protéger la cité contre d’éventuelles contre-attaques. Des contre-attaques qui n’arriveront pas en raison des nombreuses divisions parmi les musulmans.
Le reste des effectifs rentre au Portugal avec un important butin, la reconnaissance de tout un peuple et les remerciements du pape. La prise de Ceuta permet ainsi au Portugal de s’imposer en tant que puissance européenne, au service du christianisme, et de poser le pied sur un continent qu’il ne cessera d’explorer par la suite. L’année 1415 marque de ce fait le début des ambitions expansionnistes portugaises sur l’Afrique.