Le projet de l’oléoduc se concrétise au Cameroun : les travaux devraient débuter en octobre prochain.
Dans deux ans, l’oléoduc Tchad-Cameroun sera construit. La majeure partie de l’ouvrage sillonnera les terres camerounaises, permettant l’acheminement de 225 000 barils de brut par jour. Et ce, sur près de 880 kilomètres sous terre. La Cameroon oil transportation company (COTCO) est en charge de la construction de l’oléoduc au Cameroun. L’indemnisation des propriétaires terriens et des exploitants a été le premier problème qu’elle a rencontré.
Fin mai 2000, une réunion entre la COTCO, les ONG locales, la Banque mondiale et l’Etat du Cameroun a permis de trouver un accord sur l’indemnisation. L’Etat verse des indemnités selon le barême obsolète de 1981. La COTCO donne donc un complément. Pour l’instant, les paysans ne sont pas satisfaits. Un manguier sauvage rapporte 100 000 Fcfa par an mais sa coupe n’est indemnisée qu’à hauteur de 160 000 Fcfa.
De même, un palmier rapporte 60 000 Fcfa par an et seulement 30 000 Fcfa sont donnés en compensation de sa perte. Mais pour les premiers travaux, l’indemnité fixée en 1997 s’élevait à 50 000 Fcfa pour un manguier et 10 000 pour un palmier. Par manque de moyens, les commissions d’évaluation ne peuvent estimer justement le nombre d’arbres à indemniser.
Samuel Nguisso, secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement au Cameroun, souligne que l’indemnité à verser n’est parfois pas estimable. Certaines plantes fournissent divers produits destinés à la consommation immédiate (fruits, condiments) et non à la vente. Vivant à l’état sauvage et non cultivées, elles ne sont pas indemnisées lors de leur coupe. De même, les nuisances de la construction de l’oléoduc vont réduire les territoires de chasse. Mais il est aujourd’hui impossible de définir l’étendue de ce préjudice, et d’en chiffrer le coût.
L’argent est donné en une seule fois aux personnes indemnisées, qui bien souvent ne savent pas gérer cette somme. Loin d’être épargnée, elle est rapidement dilapidée. Tant et si bien que le sous-préfet de Lododorf, près de la côte camerounaise, a dû créer un comité de suivi de l’indemnisation, associant ONG locales et administration territoriale. Pour Samuel Nguisso, l’argent ne compense pas systématiquement la perte. Les Pygmées n’en font par exemple pas une valeur première.
Pygmées principaux menacés
Le passage de l’oléoduc va perturber la vie des Bakolas, l’un des trois principaux groupes de Pygmées au Cameroun. Vingt-trois de leurs campements sont situés à moins de deux kilomètres du tracé. Près de 1 300 des 5 000 Bakolas vont être touchés (selon le rapport FIDH). Le pipeline leur offrira une bande de terre cultivable, large de 15 mètres sur des dizaines de kilomètres. Mais pour les Bakolas, bien souvent employés comme ouvriers agricoles par les paysans Bantous, l’agriculture est un pis aller.
Pour dédommager les Bakolas, la COTCO a mis en place un Plan pour les peuples autochtones vulnérables (PPA). Ce plan prévoit le placement de 600 000 dollars, dont les intérêts serviront à financer les actions de développement. Les 50 000 dollars ainsi dégagés chaque année serviront à l’ensemble de la population rurale concernée, et non pas aux seuls Pygmées. En définitif, le PPA permettra de donner près de 4 dollars par personne et par an. Les Pygmées ne seront pas représentés au conseil d’administration du PPA.
Normes de sécurité occidentales
Sur le plan environnemental, l’oléoduc amputera la forêt tropicale de 10 à 15 kilomètres carrés. La COTCO s’est engagée à compenser les atteintes à la biodiversité en versant 2,9 millions de dollars pour financer le parc de Mbam-Dejerem (3530 km carrés) et celui de Campo Ma’an (3000 km carrés). Sous la pression des ONG, le tracé a été modifié pour qu’il évite la forêt de Deng-deng, située au centre du pays. Pour cette opération, la COTCO a déboursé 12 millions de dollars. En matière de sécurité, l’oléoduc répondra aux normes de sécurité occidentales.
Tous les 30 kilomètres, des vannes pourront arrêter le débit en cas de fuite. Des capteurs de haute précision permettront de détecter les variations de pression. Une surveillance terrestre et aérienne complétera le dispositif de sécurité. Des concessions loin d’être gratuites. La COTCO a imposé à Yaoundé une baisse des taxes, les contribuables camerounais finançant en partie les nouvelles mesures écologiques.
A la fin de l’exploitation du gisement de Doba -dans vingt-cinq ans, le Cameroun devrait avoir touché un total de 548 millions de dollars. Ce qui correspond aux droits de passage du pétrole et aux dividendes de la part que l’Etat possède dans COTCO (3,5%). En somme, le Cameroun percevra 12% des bénéfices nets de l’exploitation. Le consortium pétrolier en touchera la moitié.