Boire de l’eau peut être un geste dangereux. Le drame des enfants empoisonnés par de l’eau potable du village de Tibiri (Niger) met en lumière de graves dysfonctionnements dans la gestion de l’eau par l’Etat nigérien. La récente privatisation de Société Nationale des Eaux ne semble pas arranger la situation.
Boire de l’eau peut être un geste dangereux. Les enfants du village de Tibiri, au Niger, en ont fait l’amère expérience pendant 15 ans. Entre 1985 et 2000, ils sont plus de 4000 enfants à avoir bu une eau empoisonnée qui a provoqué chez eux des handicaps parfois très graves (malformations osseuses). La FIDH (Fédération internationale des Droits de l’Homme) vient de publier un rapport sur le sujet qui établit la responsabilité de l’Etat nigérien. Durant toute la période d’intoxication, les entreprises impliquées dans le forage et l’exploitation de l’eau potable du village étaient publiques. Le forage en question a été fermé en 2000 et un nouveau (au débit et à la profondeur moindres) a été mis en service en février 2001.
La gestion de l’eau au Niger est primordiale. Seuls 42% de Nigériens ont accès à l’eau potable. 6% disposent d’un robinet privé et 52% s’approvisionnent en eau à partir des autres points d’eau modernes (bornes fontaines). Le reste de la population se sert directement à la source : dans les fleuves ou les réserves pluviales naturelles, s’exposant ainsi à la consommation d’eaux souillées. Selon les Nations Unies, le Niger pâtit d’un accès limité à l’eau potable, en dépit du vaste potentiel hydraulique qu’il a à sa disposition.
Coupable mais pas solvable
A cause de la fuite des investisseurs étrangers de ce secteur et d’un entretien défaillant des infrastructures, la couverture en eau potable est passée de 54% en 1995 à 52 % en 2000. La privatisation, imposée par la Banque mondiale, de la Société Nationale des Eaux (devenue en 2001 la Société d’Exploitation des Eaux du Niger, contrôlée par Vivendi Water) a entraîné une hausse des tarifs de plus de 20% alors que 60% des Nigériens vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
En 2001-2002, un Projet Sectoriel eau (PSE), visant à accroître le taux de desserte en eau potable, a été mis en place, financé par la Banque mondiale, la Banque ouest-africaine de développement et la France. Mais ses effets tardent à se faire sentir. Sidiki Baka, président de la FIDH pointe » les retards pris par les investissements « . » De plus, les conditions d’attribution de quelque 11 000 branchements sociaux et 600 nouvelles bornes fontaines sont en contradiction avec toute logique sociale : pour en bénéficier, vous devez pouvoir payer la caution d’abord et votre facture tous les mois. »
La qualité de l’eau, l’un des objectifs de la privatisation, ne semble pas s’être améliorée de manière notable. » Enfin, l’Etat doit montrer l’exemple, comme il a commencé à le faire, en payant ses factures. Il n’y pas de raison que les gaspillages des administrations finissent par être supportées par les consommateurs privés, parce que les opérateurs sont lancés dans une course à la rentabilité « , explique Sidiki Baka. L’Etat nigérien, qui reconnaît sa responsabilité dans le drame des enfants de Tibiri, avance un manque criant de trésorerie pour faire face à toutes les dépenses liées à l’eau. Coupable mais pas solvable.