Le ministre russe de l’Energie Viktor Khristenko arrivera demain à Alger. Sans surprise, les agences de presse occidentales mettent en avant la possibilité d’une alliance dans le domaine allant jusqu’à la constitution d’une «Opep gazière».
Pris sous l’angle d’une Europe inquiète d’un retour en puissance de la Russie, axé sur l’énergie, les accords conclus entre l’Algérie et la Russie sont frappés de «suspicion». Les démentis récurrents des deux pays qui sont les principaux fournisseurs de gaz de l’Europe n’y changent rien. M. Viktor Khristenko, dont c’est la première visite en Algérie, doit signer avec Chakib Khelil, un mémorandum d’entente dans le domaine de l’énergie et rencontrer le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem et le ministre des Finances Mourad Medelci. Il visitera le gisement gazier de Hassi R’Mel et le complexe gazier d’Arzew. Selon sa porte-parole, Sofia Maliavina, le ministre russe sera accompagné du vice-président de Gazprom, Alexandre Medvedevera, et de hauts responsables des groupes pétroliers et gaziers Loukoïl et Rosneft.
La visite de Viktor Khrishenko sera donc appréhendée, du côté européen, sous une perspective géopolitique menaçante. Rien de surprenant à cela, la sécurité des approvisionnements en énergie est devenue une question-clé pour les politiques des Etats. Elle est même au coeur de la guerre impériale menée par les Américains au nom de l’antiterrorisme. Mais le discours sur «l’Opep du Gaz» traduit surtout une crainte européenne d’un retour en puissance de la Russie de Poutine qui a fait de la reprise en mains du secteur des hydrocarbures, un élément-clé de sa politique.
L’idée de «l’Opep du Gaz» restera donc présente dans les esprits même si les responsables algériens et russes en nient publiquement et régulièrement la réalité. La seule manière de rassurer les Européens serait, en fait, qu’il n’y ait aucune forme de coopération possible entre l’Algérie et la Russie, ce qui serait une exigence exorbitante à tout point de vue. Mais il est clair que c’est la Russie qui est source d’inquiétudes et non l’Algérie qui, à travers des gazoducs la reliant directement à l’Espagne et l’Italie, entend bien offrir toutes les garanties d’un fournisseur sûr et sérieux.
L’Europe redoute une alliance entre la Russie et l’Algérie
L’Europe d’ailleurs conçoit ses accords énergétiques avec l’Algérie comme un moyen de contrebalancer le poids de la Russie de l’inquiétant «M. Poutine». La coopération entre la Russie et l’Algérie est donc mal vue par une Europe qui se voit prise en tenaille par ses deux principaux fournisseurs. Si l’Algérie n’a donné aucun élément d’inquiétude sérieux, les crises du Gaz entre la Russie et l’Ukraine et la Géorgie et très récemment avec la Biélorussie ont aggravé les inquiétudes. Les interruptions de livraisons ont amené la Commission européenne à renouveler son appel à la diversification tous azimuts des sources d’approvisionnement, la Russie étant appelée à «restaurer sa crédibilité».
Selon les projections européennes, si rien ne change rapidement la dépendance européenne dans le domaine du Gaz à l’égard de la Russie passera de 50% à 65% en 2030. Le développement d’un partenariat stratégique avec l’Algérie est donc, pour l’Europe, un impératif aussi bien économique que politique. Ce qui explique que le rapprochement entre Alger et Moscou ne soit pas observé d’un bon oeil. En clair, la Russie est soupçonnée de faire de ses ressources énergétiques une «arme politique». Même l’OTAN s’est mise de la partie en établissant un rapport confidentiel mettant en garde contre la mise en place d’un cartel gazier.
C’est le rôle des sécuritaires d’envisager les mauvais scénarios, mais la constitution d’une «Opep du Gaz» n’est pas pour demain. Rien, en tout cas, dans le comportement de Sonatrach ne peut accréditer cette thèse. Au contraire, c’est vers un arrimage plus prononcé sur le marché européen qu’elle s’oriente. Elle ambitionne de devenir le second fournisseur de l’Europe après Gazprom. Sonatrach vient d’ailleurs de prendre option pour accéder au terminal gazier de Montoir (France), le plus grand d’Europe. Il y a, indéniablement, une forme d’européocentrisme qui refuse à voir, dans les liens qui se tissent entre Gazprom et Sonatrach, des logiques économiques. C’est bien cet aspect qui est primordial. Les conditions politiques d’une «Opep du gaz» ne sont pas réunies aujourd’hui, ni dans un proche avenir.
M. Saâdoune, pour Le Quotidien d’Oran