Fatigué de naviguer dans le monde souvent secret des bailleurs de fonds, un groupe d’organismes internationaux à but non-lucratif a lancé la campagne Publish what you fund (PWYF) [Publie ce que tu finances] pour encourager les bailleurs à diffuser, en temps et en heure, des informations accessibles sur l’affectation de leurs fonds.
Le groupe, qui compte parmi ses membres Access Info et Tiri, des organismes de défense de la liberté d’information, ainsi que des organisations non-gouvernementales (ONG) comme Data/ONE, le UK Aid Network et Actionaid, a lancé sa campagne le 1er septembre, au Forum d’Accra sur l’efficacité de l’aide.
Les bailleurs sont encouragés à adopter les principes de transparence de PWYF, qui les engage, entre autres, à communiquer, dans les meilleurs délais, des informations sur les subventions accordées.
Une initiative jumelée
Le Département public britannique pour le développement international (DFID) et 13 autres bailleurs, dont la Banque mondiale et la Commission européenne, ont également lancé l’International Aid Transparency Initiative (IATI) [Initiative internationale pour la transparence de l’aide] en vue de créer, d’ici à la fin de l’année 2009, un système qui permettra aux bailleurs de publier leurs dépenses.
Bien qu’il existe plus de 50 systèmes de traçage des subventions, selon Sarah Cook, directrice de l’Efficacité et de la Responsabilité de l’aide au DFID, la plupart ne sont pas faciles d’utilisation.
« Soit l’information n’est pas communiquée, soit elle n’est disponible que dans de nombreux formats complexes. C’est difficile pour les [personnes] qui sont censées bénéficier de l’aide de savoir comment les fonds sont affectés », a-t-elle dit.
D’après Mme Cook, la transmission d’informations faciles à digérer sur les bailleurs est le seul moyen d’aider les bénéficiaires de l’aide à prendre des décisions éclairées en matière de politiques, à prévoir l’avenir, à améliorer leurs systèmes de suivi et d’évaluation et à s’attaquer à la corruption.
Karin Christiansen, directrice de la campagne PWYF, a expliqué à IRIN que la qualité des informations était essentielle à l’efficacité de l’aide. « Cette campagne, à elle seule, ne pourra peut-être pas améliorer la responsabilité ni la planification, mais détenir de solides informations sur les flux financiers est essentiel pour que les deux fonctionnent ».
Recoupements et informations dépassées
Selon Mme Christiansen, des responsables ougandais ont déclaré n’être au courant que d’environ la moitié des projets humanitaires en cours dans leur pays en 2006, une situation dont les bailleurs sont partiellement responsables.
« Les bailleurs communiquent leurs informations de façon décousue et s’attendent à ce que les gouvernements les plus pauvres de la planète soient véritablement en liaison, ce qui n’est tout simplement pas réaliste ».
En outre, les informations que communiquent les bailleurs sont souvent dépassées.
« Prenez le Comité d’assistance au développement : il recueille des informations pertinentes sur les flux d’aide, mais le temps que ces informations soient publiées, elles sont dépassées depuis deux ans. Cela n’aide pas si vous essayez de prévoir à l’avance », a estimé Mme Christiansen.
Avec tant de systèmes décousus, il est facile de compter les fonds deux fois. « Le traçage des fonds d’un bailleur aux Nations Unies à une ONG, [puis] à une ONG locale est une chaîne très difficile à suivre », a-t-elle ajouté.
Liberté d’information
Les gouvernements ont fait des progrès ces dernières années, davantage de pays ont adopté des lois sur la liberté d’information et les bailleurs, tels que la Banque mondiale, traditionnellement réticents à ouvrir leurs livres de comptes, commencent à évoluer, à en croire Mme Christiansen.
« La Banque mondiale divulgue désormais systématiquement ses informations financières, les contrats de passation de marchés, et ses documents prévisionnels sur son site Internet ».
Mais selon Mme Christiansen, les bailleurs qui ne veulent pas communiquer trop d’informations trop vite attendent encore de voir venir. « Ils craignent qu’en dévoilant leur jeu les premiers, ils ne se donnent pas une bonne image. L’important a toujours été de montrer sa réussite, plutôt que de reconnaître ses échecs [c’est pourquoi] la collectivisation de l’obligation [d’informer] est très utile ».
Pour la fondatrice de PWYF, il est encore bien difficile de soutirer des informations aux bailleurs. « Aujourd’hui, nous voudrions que les bailleurs commencent à se sentir tenus de communiquer des informations sans qu’on ait à leur demander ».
Lutter contre la corruption
Lorsqu’il y a davantage d’organes de contrôle de l’aide, il y a moins de risques de corruption, a estimé Douglas Alexander, Secrétaire d’Etat britannique au développement international.
« Cette initiative sera un outil crucial pour lutter contre la [mauvaise utilisation de l’aide]. Si les populations locales peuvent voir où l’aide devrait être affectée et remettre en question son efficacité, la portée des pots-de-vin et de la corruption en sera considérablement réduite », a déclaré M. Alexander dans un communiqué de presse, publié à l’occasion du lancement de l’IATA.
Mme Christiansen s’est dite satisfaite de voir que les bailleurs commençaient à comprendre qu’il leur incombait de veiller à ce que l’aide soit plus efficace. « Nous avons accompli d’importants progrès […] il y a eu un changement de culture et cela témoigne de la maturité de ce secteur ».
Selon elles, les ONG, les agences des Nations Unies et autres prestataires d’aide sont également responsables de publier leur comptabilité.
« Le secteur humanitaire fait également son mea culpa : si la loi [les] oblige moins [à communiquer leurs informations], les [ONG] devraient le faire tout de même, par principe », a-t-elle dit.
Les activistes de la campagne PWYF ont expliqué que leur rôle était aujourd’hui de soutenir les réformes du secteur des financements, mais qu’ils entendaient bien, le temps venu, critiquer les mauvais élèves.
« Nous allons les classer en fonction de leur niveau de transparence […] et nous comptons être très minutieux », a averti Mme Christiansen.
Visiter le site de Publish what you fund (PWYF)