Provocations à la frontière : la France attise le feu entre Maroc et Algérie avec « Chergui 2025 »


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Tebboune, Macron et Mohammed VI
Tebboune, Macron et Mohammed VI

En choisissant de participer aux exercices militaires « Chergui 2025 » avec le Maroc, à quelques kilomètres seulement de la frontière algérienne, Paris commet une erreur diplomatique majeure qui met en péril l’équilibre régional. Cette décision malencontreuse, légitimement perçue comme une provocation par Alger, illustre l’aveuglement stratégique français et son incapacité à construire une politique cohérente au Maghreb.

Les relations diplomatiques entre l’Algérie et la France connaissent une nouvelle escalade  suite à l’annonce des exercices militaires conjoints « Chergui 2025 » entre la France et le Maroc. Prévus en septembre à Er-Rachidia, à proximité immédiate de la frontière algérienne, ces exercices ont été interprétés par Alger comme une provocation délibérée, aggravant une crise diplomatique déjà profonde.

Le choix de ce positionnement géographique, à quelques kilomètres seulement du territoire algérien, traduit une insensibilité manifeste aux équilibres géopolitiques régionaux et souligne l’erreur d’appréciation de Paris dans son approche diplomatique au Maghreb. Après les positions agressives de Bruno Retailleau et François Bayrou, recadrés par Emmanuel Macron, cette nouvelle annonce accentue encore davantage la tension.

Une réaction algérienne mesurée

Face à cette provocation, le ministère algérien des Affaires étrangères a réagi avec fermeté mais sans entrer dans la surenchère. Lounes Magramane, Secrétaire général du ministère, a convoqué jeudi l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, pour exprimer l’opposition catégorique d’Alger à ces manœuvres.

« Le Secrétaire général a précisé à son interlocuteur que cet exercice est appréhendé par la partie algérienne comme un acte de provocation à l’égard de l’Algérie. Il a ajouté qu’un tel acte ne manquera pas d’alimenter la crise qui caractérise à présent les relations algéro-françaises et de porter le climat des tensions entre les deux pays à un seuil supérieur de gravité« , indique le communiqué officiel.

Cette réaction diplomatique, loin d’être excessive, reflète l’inquiétude légitime d’un État souverain face à des manœuvres militaires à sa frontière, impliquant une ancienne puissance coloniale et un rival régional.

Une symbolique provocatrice délibérée

Le nom même de l’exercice, « Chergui 2025 », révèle l’intention à peine voilée derrière ces manœuvres. En arabe, « Chergui » (شرقي) signifie « oriental » ou « venant de l’Est », désignant également un vent chaud et sec provenant du Sahara. Ce choix sémantique apparaît comme une provocation calculée, cherchant à raviver les contentieux frontaliers entre le Maroc et l’Algérie.

L’utilisation de cette terminologie dans un contexte militaire, à proximité immédiate du territoire algérien, démontre une instrumentalisation regrettable des tensions régionales par Paris et Rabat, au détriment de la stabilité de la région.

Une erreur stratégique dans un contexte déjà fragile

Cette nouvelle friction s’inscrit dans un panorama diplomatique déjà tendu entre l’Algérie et la France, marqué par plusieurs contentieux non résolus :

  • La question mémorielle demeure un point d’achoppement majeur, avec une absence persistante de reconnaissance suffisante des crimes commis pendant la période coloniale.
  • S’y ajoute la politique restrictive des visas imposée par la France aux ressortissants algériens, perçue comme discriminatoire par Alger.
  • Les relations sont également plombées par les ingérences répétées de Paris dans les affaires intérieures algériennes, considérées comme une atteinte à la souveraineté nationale.

Dans ce contexte, la participation française à des exercices militaires avec le Maroc représente une erreur d’appréciation majeure qui compromet les tentatives de normalisation des relations bilatérales et révèle l’incohérence de la politique française au Maghreb.

Une crise diplomatique aux conséquences prévisibles

La convocation de l’ambassadeur français par le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères algérien illustre le sérieux avec lequel Alger considère cette provocation. Cette démarche diplomatique forte devrait alerter Paris sur la gravité de sa maladresse. Stéphane Romatet s’est engagé à transmettre la position algérienne à son gouvernement, mais cette situation accentue l’impression d’une diplomatie française à la dérive, incapable d’anticiper les conséquences de ses alliances militaires dans une région aussi sensible.

Alors que la stabilité de la région constitue un enjeu crucial pour l’ensemble de la Méditerranée occidentale, cette initiative irréfléchie fragilise davantage un équilibre géopolitique déjà précaire. La balle est désormais dans le camp de Paris, et d’Emmanuel Macron qui reste dans la Constitution, le chef des Armées.

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