S’il y a une catégorie de serviteurs de Dieu sujette à controverses dans la galaxie chrétienne de nos jours, il s’agit bien des prophètes. Et pourtant, leur irruption significative et prometteuse au-devant de la scène dans les églises à partir du milieu des années 90 avait fait d’eux des hommes de Dieu considérés, particulièrement en Europe, en Amérique et dans la sphère Afro-caribéenne.
En effet, le mouvement prophétique dans les assemblées chrétiennes commença timidement avant d’occuper une place plus importante. Malheureusement, au fil des ans, bon nombre de dérives provenant des activités de ces prophètes ont fini par ternir leur image, celle de la prophétie et semer la confusion, le doute ainsi que la désolation au sein de la grande famille chrétienne.
« Le prophète a asséné une gifle à quelqu’un »
A la vérité, cette décadence a pris forme lorsqu’une foule de faux prophètes s’est jointe avec le temps, poussée d’abord sans doute par les difficultés sociales, aux vrais serviteurs de l’Éternel. Pas étonnant semble-t-il puisqu’il est écrit : Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au-dedans ce sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits.
Alors que la prophétie vise l’exhortation, la consolation et l’édification des chrétiens, les nombreux prophètes contrefaits, poussant le culot à l’extrême sous le couvert de la prophétie, commencèrent à s’illustrer et ce, jusqu’à présent par : la fausse prophétie, la désignation des responsables dans les églises, l’autoritarisme, le dikta des prêches, l’intimidation, la violence, l’escroquerie, les attitudes indignes…En parcourant les lieux de culte, on se rend compte que bien qu’il soit écrit que les Esprits des prophètes sont soumis aux prophètes, à certains endroits, lors des prophéties publiques, le prophète se roule d’abord par terre pour y puiser une inspiration, pourrait-on dire. Ailleurs, il parle en langue ou émet d’abord une série d’onomatopées : issé payi issé payi soto payi issé payi ; ro-to-to-to-to-to-to ; ta-ta-ta-ta-ta-ta ; ba-ba-ba-ba-ba-ba…avant de transmettre son message. A un autre endroit, au milieu de sa prophétie, le prophète a asséné une gifle à quelqu’un avant de poursuivre son message.
« Gardez-vous des faux prophètes…»
Cette pègre évangélique cause de profonds dégâts chez les personnes dans et en dehors des églises, du Canada à l’Afrique du Sud en passant par la Côte d’Ivoire, la France, la Belgique, le Nigeria ou le Ghana. Une fois, dans une assemblée chrétienne, le pasteur principal en mission dans les Caraïbes fit parvenir le dimanche par téléphone ou internet une liste d’une dizaine de prophéties destinées à des membres de l’assemblée. Chaque heureux prophétisé était appelé. Une fois debout, le bénéficiaire se voyait communiquer publiquement le message divin. Parfois, les bénéficiaires étaient un couple. Et à la fin, la dernière prophétie venue d’outre-atlantique fut destinée à un diacre qui, lui, contrairement aux autres, devait téléphoner le pasteur principal pour recevoir sa prophétie de manière confidentielle…Quoi ! Dieu ne trouva pas de travail pour ce pasteur dans l’église qu’il visitait à des milliers de kilomètres de là ? Ne pouvait-il pas trouver une autre personne pour transmettre ces messages en direct ?…Hors, il s’avère que les hommes sont prévenus : « Gardez-vous des faux prophètes…Ces hommes sont des ouvriers trompeurs ». De plus, il semble qu’aujourd’hui à travers le Saint-Esprit, Dieu n’a plus systématiquement besoin d’intermédiaire pour s’adresser à l’homme puisque sa parole déclare : « Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils…Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous ».
« La frontière entre le vrai et l’ivraie n’est pas nette »
Pour autant, on ne peut pas dire que les prophètes soient les seuls responsables de la décadence de la prophétie dans l’église. Effectivement, pour diverses raisons, les prophéties sont énormément recherchées par les fidèles. Cette réalité à même donné lieu, dans plusieurs pays, à l’ouverture au public des cabinets prophétiques. En Afrique centrale ils sont appelés Bizingas ou Mbikoudis dans des villes comme Brazzaville, Lubumbashi, Pointe-Noire ou encore Kinshasa. Les gens veulent marcher avec Jésus-Christ en recherchant les mêmes sensations que chez les charlatans, marabouts et autres magiciens qu’ils fréquentaient jadis. Il faut que l’écoute du message de Dieu soit attestée par autre chose, comme les prophéties, le parler en langues, les frissons, les transes, le bruit, les cris, le dialogue avec les démons qui habitent en l’homme, les personnes qui tombent et se roulent par terre, la perte de conscience, le théâtre, etc, il faut des signes. C’est ce constat amer qui fait dire au haut fonctionnaire d’état congolais, écrivain et pasteur, Edouard Kali-Tchikati, dans son ouvrage « Le mouvement prophétique, réveil spirituel ou manifestations démoniaques », parut en 2013 aux éditions l’Harmattan, que :…Devant de telles manifestations, il n’est pas toujours facile de trancher. La frontière entre le vrai et l’ivraie n’est pas nette, et, sans un réel discernement et une assise biblique solide, on est facilement plongé dans la confusion au point, soit, d’accréditer ce qui vient du diable, soit de rejeter ce qui vient de Dieu.