Projet Devenir : la lutte contre l’excision au Sénégal, un modèle pour l’Afrique de l’Ouest


Lecture 5 min.
Projet Devenir Phase 2
Projet Devenir Phase 2

Dans la région de Sédhiou au Sénégal, le projet Devenir d’Amref Health Africa mène une bataille cruciale contre les mutilations sexuelles féminines. Cette initiative novatrice, lancée en 2019 et renforcée en 2024, mobilise les communautés locales pour mettre fin à une pratique séculaire aux conséquences dévastatrices. À travers une approche participative impliquant anciennes exciseuses, jeunes et organisations locales, le projet Devenir ouvre la voie à un changement durable dans une région où l’excision reste profondément ancrée.

L’excision, souvent justifiée par des raisons traditionnelles, culturelles ou religieuses, est perçue comme un rite de passage à l’âge adulte pour les filles avant le mariage. Cependant, cette pratique constitue une violation flagrante des droits humains et inflige des souffrances physiques et psychologiques considérables aux femmes qui en sont victimes.

Les complications de santé, tant immédiates que tardives, incluent des infections, des douleurs chroniques, des troubles menstruels, et des complications lors des accouchements, entre autres. Pourtant, dans les régions où l’excision est courante, ces dangers sont souvent mal connus des populations.

Une approche communautaire pour un changement durable

L’approche d’Amref Health Africa dans la lutte contre les mutilations sexuelles féminines repose sur l’implication de toutes les parties prenantes au sein des communautés concernées. Il ne s’agit pas simplement de dénoncer la pratique, mais de comprendre les croyances et les perceptions qui la soutiennent, et de travailler ensemble pour trouver des solutions qui puissent être acceptées et adoptées localement. Cette démarche participative permet de réduire la pression sociale, de lever les tabous et de dissiper les idées fausses associées à la religion et aux traditions.

En juin 2024, Amref a organisé un atelier de trois jours pour former 50 anciennes exciseuses de Sédhiou, leur permettant ainsi de devenir des relais communautaires pour sensibiliser sur les dangers des mutilations sexuelles féminines. Ces femmes, autrefois perpétratrices de cette pratique, sont désormais en première ligne pour défendre les droits des filles et des femmes dans leurs communautés. Grâce à cette formation, elles ont acquis une meilleure compréhension des lois et des règlements relatifs à la santé sexuelle et reproductive, ainsi que des nombreuses complications liées à l’excision.

Josephine Ndao, juriste et responsable de la Boutique des droits de Sédhiou, qui a participé à l’atelier, explique : « Cet atelier est une belle occasion parce que la plupart d’entre elles méconnaissent les textes de loi. Même si elles pratiquent l’excision, c’est souvent parce qu’elles considèrent que c’est la tradition ou la religion qui l’exige. »

Mobilisation des jeunes et des organisations de la société civile

Le projet Devenir ne s’arrête pas à la sensibilisation des exciseuses. En mai, une formation de deux jours a été organisée pour renforcer les capacités des organisations de la société civile locales, leur permettant de mieux répondre aux besoins des communautés dans leur lutte contre l’excision. Cette formation a mis l’accent sur les techniques de plaidoyer, le dialogue avec les autorités locales, et la promotion de la participation féminine et des jeunes dans le débat public.

En parallèle, des modules de formation ont été développés pour les élèves et les jeunes leaders de la région, afin de les sensibiliser aux cadres juridiques nationaux et locaux concernant les mutilations sexuelles féminines. Cette initiative vise à préparer une nouvelle génération de défenseurs des droits humains, capables d’interpeller les autorités et de mener des actions de sensibilisation au sein de leurs communautés.

Vers un avenir sans mutilations sexuelles féminines

Amadou Tidian Dieng, chef de projet Devenir, exprime l’espoir suscité par ces actions : « Maintenant que les anciennes exciseuses formées comprennent la nécessité d’abandonner la pratique, elles vont se regrouper avec les jeunes et les organisations de la société civile. Une coalition régionale avec 30 organisations locales a été formée. Elles vont prendre le relais pour accompagner et former les jeunes à interpeller les autorités sur ces questions importantes. »

Grâce au soutien de l‘Agence Française de Développement et en partenariat avec plusieurs ministères sénégalais et des organisations locales, le projet Devenir ambitionne de contribuer à l’éradication des mutilations sexuelles féminines d’ici 2030. En consolidant les systèmes de gouvernance et en mobilisant les communautés, ce projet pave la voie vers un avenir où les droits et la dignité des filles et des femmes sont pleinement respectés.

Contexte régional : les mutilations génitales féminines en Afrique de l’Ouest

Les mutilations génitales féminines (MGF) demeurent un problème majeur de santé publique et de droits humains en Afrique de l’Ouest. Selon l’UNICEF, la prévalence des MGF varie considérablement d’un pays à l’autre dans la région. Au Mali et en Guinée, la situation est particulièrement alarmante, avec plus de 90% des femmes et des filles ayant subi des MGF. Le Burkina Faso et la Mauritanie présentent également des taux élevés, se situant entre 60% et 70%. Au Sénégal, bien que la prévalence globale soit d’environ 24%, on observe de fortes disparités régionales. En revanche, le Togo et le Ghana affichent des taux relativement bas, inférieurs à 5%, montrant qu’un changement est possible.

Malgré les efforts législatifs, les progrès restent lents. La plupart des pays de la région ont interdit la pratique, mais les facteurs culturels, religieux et sociaux continuent de jouer un rôle important dans sa perpétuation. Cependant, des initiatives comme le projet Devenir au Sénégal se multiplient dans la région, combinant sensibilisation, éducation et implication communautaire pour accélérer l’abandon des MGF.

La collaboration transfrontalière est également cruciale, car la pratique persiste parfois dans les zones frontalières où l’application des lois est plus difficile. Ces efforts concertés à l’échelle régionale sont essentiels pour créer un mouvement durable vers l’abandon des MGF dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Pour en savoir plus sur le projet Devenir et ses avancées, consultez la page dédiée sur le site d’Amref Health Africa

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News