Comme Moïse Katumbi et d’autres opposants au régime de Félix Tshisekedi, Martin Fayulu a exprimé sa farouche opposition au plan du Président congolais qui tient à retoucher à la Constitution du pays. L’ancien candidat à la Présidentielle relève cinq points prioritaires à ses yeux sur lesquels Félix Tshisekedi devrait se pencher avec célérité.
La révision de la Constitution n’est pas la priorité actuelle de la RDC. C’est ce qui ressort de la déclaration publiée par Martin Fayulu, ce matin, via le réseau social X. « Félix Tshisekedi joue avec le feu comme un gamin. Nous ne le laisserons pas toucher à la Constitution », commence-t-il, avant de dresser la liste des cinq priorités du peuple congolais selon lui.
Les cinq priorités du peuple congolais, selon Martin Fayulu
Pour Martin Fayulu, « le peuple a besoin de : 1. L’intégrité territoriale ; 2. L’éradication de la misère ; 3. La sécurité ; 4. Le respect des droits humains ; 5. Des institutions légitimes issues d’élections crédibles ». Puis il ajoute : « Pour cela, il nous faut la cohésion nationale. Ce n’est pas à cause de la Constitution que plus de 115 localités du pays sont sous contrôle des forces extérieures et que le gouvernement se distingue par la gabegie financière ».
L’intégrité territoriale en question
À travers ce tweet, le leader de l’ECiDé appelle le Président congolais à ses responsabilités. Les quatre premiers points méritent qu’on s’y penche particulièrement, le dernier étant strictement politique et pourrait faire l’objet d’interprétations diverses. Nous n’allons donc pas nous y attarder. Sur le premier point, l’intégrité territoriale, il est aujourd’hui de notoriété publique que la RDC ne jouit plus de son intégrité territoriale.
Le pays est devenu comme un champ libre où les groupes armés règnent en terrain conquis. Parmi eux, le plus redoutable aujourd’hui demeure le M23, groupe pourtant vaincu en RDC en 2013, mais revenu en puissance depuis 2021, et qui contrôle chaque jour un nouveau pan du territoire de la RDC dans sa partie orientale. Et ceci au nez et à la barbe d’une armée qui visiblement n’a plus de militaire que son nom. Or l’une des premières missions assignées à un chef d’État est de garantir l’intégrité territoriale de son pays. Sur ce point, les faits ne jouent pas en faveur de Félix Tshisekedi.
L’éradication de la misère
Sur le deuxième point, l’éradication de la misère, la population de la RDC fait partie des plus pauvres de la planète. Selon un récent rapport de la Banque mondiale, « la RDC figure parmi les cinq nations les plus pauvres du monde. En 2024, environ 73,5% des Congolais vivent avec moins de 2,15 dollars par jour. Environ une personne sur six qui vit dans une extrême pauvreté en Afrique subsaharienne habite en RDC », indique le rapport.
Ceci, alors même que le pays est doté « de ressources naturelles exceptionnelles, notamment des minéraux tels que le cobalt et le cuivre, un potentiel hydroélectrique, des terres arables importantes, une biodiversité immense et la deuxième plus grande forêt tropicale du monde », poursuit le rapport. Ces chiffres démontrent avec éloquence que ces énormes richesses du Congo ne profitent pas à sa population. Donc la question de l’éradication de cette misère devrait être l’une des priorités du chef de l’État congolais.
Sécurité et droits humains
Abordons à présent le troisième point soulevé par Martin Fayulu : la sécurité. Avec la présence d’une ribambelle de groupes armés, la sécurité est l’un des problèmes majeurs qui se posent à la RDC de Félix Tshisekedi. En 2020, au moins 122 groupes armés sont identifiés – et le compte n’est pas exhaustif – comme ceux qui se disputent les territoires des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri principalement, lesquelles provinces se trouvent à l’Est du pays. Ces groupes sèment la terreur au sein des populations civiles. Recherchant la sécurité, 5.7 millions de personnes se sont déplacées à l’intérieur des deux provinces ainsi que dans celle de l’Ituri.
Sur la question des droits humains, la RDC n’a pas bonne réputation. Un des exemples qui prouvent cela est la situation des maisons carcérales que le ministre de la Justice, Constant Mutamba tente de résoudre depuis quelques semaines. Selon un rapport de la MONUSCO, la situation des droits de l’homme est, dans son ensemble, préoccupante en RDC. « Exécutions arbitraires, viols, arrestations et détentions arbitraires, torture, traitements cruels, inhumains et dégradants et les pillages sont commis par les agents de l’État et les groupes armés », indique le rapport. Cette situation critique des droits humains est également soulignée par un récent rapport d’Amnesty International qui la trouve « toujours extrêmement difficile ». Ledit rapport évoque de nombreux cas de violations de ces droits.
La révision de la Constitution est-elle vraiment opportune ?
Au regard des éléments ci-dessus évoqués, il est difficile de démontrer la pertinence d’une révision de la Constitution dans ces conditions. On a l’impression que le pouvoir de Kinshasa veut botter en touche face aux nombreux problèmes existentiels urgents de la population. Félix Tshisekedi semble vouloir laisser l’essentiel pour s’occuper du superfétatoire, un superfétatoire qui plus est dangereux. Le Président congolais veut s’engager sur un terrain glissant.
Dans la situation actuelle qui est celle de la RDC secouée de toutes parts par toutes sortes de problèmes, les autorités de Kinshasa gagneraient à fédérer les énergies, à poser des actes allant dans le sens du renforcement de la cohésion nationale. Elles devraient rechercher l’unité et non les points de friction. Le pays devrait faire front uni contre l’ennemi qui gagne du terrain et qui contrôle de larges pans du territoire congolais. Les révisions constitutionnelles en Afrique débouchent généralement sur les troisièmes mandats et sont source de toutes les suspicions lorsqu’elles sont évoquées. En Afrique, la révision de la Constitution s’apparente très souvent à une boîte de Pandore qu’il vaut mieux ne pas ouvrir dans un contexte de tensions comme celui de la RDC. Sauf quand on a un agenda secret. Félix Tshisekedi a encore le temps de reconsidérer sa position sur le sujet.