Le signal lancé par l’ordre d’évacuation donné, il y a quelques jours, par les Ambassades américaine et française à leurs ressortissants présents à Goma n’était pas anodin : les rebelles du M23 ont repris leur progression samedi 25 et dimanche 26 janvier 2025, et les forces internationales appuient les FARDC dans leur défense de la Ville tandis que l’exode des alentours vers la ville s’intensifie. D’heure en heure le risque est grand de voir les affrontements précipiter en un conflit régional.
Dès le petit matin du 26 janvier, des détonations d’armes lourdes étaient entendues à Kibati, à un peu moins de dix kilomètres de Goma, tandis que le flot des réfugiés fuyant l’avancée des rebelles de l’Alliance Fleuve Congo se faisait plus dense. Goma a vu sa population croître au cours des dernières années, et l’Agence France Presse parle d’environ un million d’habitants, auxquels s’ajoutent environ un million de réfugiés fuyant les combats.
« On ne laissera pas le M23 entrer à Goma », déclarait lors d’un point presse, samedi soir, le porte-parole des forces armées congolaises. Le général Sylvain Ekenge assure que l’armée est déterminée à « repousser l’ennemi. C’est maintenant que la guerre commence », a-t-il répondu face à l’ultimatum de 48 heures donné, samedi, par le M23 aux FARDC.
Une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur la situation a Goma s’est tenue à la demande expresse de la Ministre des Affaires étrangères de RDC Thérèse Kayikwamba Wagner qui s’est rendue au siège de l’ONU à New-York. Prévue pour lundi, elle a été anticipé d’une journée : visiblement émue, la Cheffe de la diplomatie congolaise a déclaré : « Alors que je me tiens devant vous, une attaque d’une gravité inouïe se déroule sous les yeux du monde. De nouvelles troupes rwandaises ont franchi les bornes 12 et 13 du poste frontalier séparant Goma (en RDC) de Gisenyi (au Rwanda), pénétrant sur notre territoire en plein jour dans une violation ouverte et délibérée de notre souveraineté nationale. C’est une agression frontale, une déclaration de guerre qui ne se cache plus derrière des artifices diplomatiques»… Artifices diplomatiques ou non, la situation sur le terrain prouve en effet que les Forces Armées de la RDC ne parviennent pas à endiguer la progression des rebelles de l’AFC-M23, qu’ils soient ou non soutenus par des soldats rwandais.
Goma coupée du monde, privée d’eau courante et d’électricité
Dans ces conditions, des habitants de Goma, déjà privée d’eau courante et d’électricité, ont commencé à évacuer la ville elle-même par voie lacustre, rejoignant Bukavu, capitale du Sud Kivu, à l’autre extrémité de ce long lac qui fait frontière entre la RDC et le Rwanda. Par ailleurs l’aéroport international de Goma a été fermé, par mesure de sécurité, coupant le seul lien entre la cité de toute part encerclée et le reste du monde.
Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies s’est exprimé avec clarté dans un Communiqué de son Porte-parole : se disant « profondément préoccupé par l’escalade de la violence », et appelant « en outre les Forces rwandaises de défense à cesser de soutenir le M23 et à se retirer du territoire de la RDC ». Pour la première fois le Rwanda est donc explicitement dénoncé au plus haut-niveau par l’ONU comme acteur de cette offensive.
Toutefois la situation militaire, sur le terrain, est fortement compromise : dès samedi, 13 morts étaient à dénombrer au sein des forces internationales de la MONUSCO et de la SADC parmi lesquels 9 Sud-Africains, 3 Malawites et 1 Uruguayen. Une nouvelle qui n’a pas manqué de soulever des interrogations en Afrique du Sud, notamment, sur la pertinence du déploiement de ces soldats au Nord-Kivu.
La population, qui a déjà été sous le contrôle des forces pro-rwandaise hostiles à Kinshasa du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), entre 1998 et 2022, a été durement éprouvée par les exactions des deux parties, les FARDC ayant en 2023 lourdement réprimé dans le sang une manifestation des Wazalendo contre la présence de la MONUSCO, et incendiant le temple du Chef religieux de cette mouvance.
L’urgence absolue d’un cessez-le-feu et d’une négociation inclusive
A l’évidence, tous les appels de la Communauté internationale visent aujourd’hui à préserver les civils d’un affrontement militaire qui pourrait être extrêmement meurtrier dans une ville-refuge bondée de populations déplacées, et quasiment privée de toute assistance humanitaire. Rien n’est plus urgent qu’un cessez-le-feu et une négociation tripartite responsable et réaliste entre le Président Tshisekedi, le Coordonnateur de l’AFC Corneille Nangaa et le Président Kagame, qui a l’évidence soutient le M23. L’urgence est là, car désormais le sort de Goma ne tient qu’à un fil.