Procès Thomas Sankara : Yamba Élisée Ilboudo enfonce Diendéré


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Thomas Sankara
Thomas Sankara

Ce mercredi, l’interrogatoire du premier accusé à la barre, dans le cadre du procès de l’assassinat de Thomas Sankara s’est poursuivi. Des propos de Yamba Élisée Ilboudo, il ressort clairement que Hyacinthe Kafando avait dirigé les opérations et Gilbert Diendéré était bien présent au moment des faits.

À Ouagadougou, le procès de l’assassinat du capitaine Thomas Sankara s’est poursuivi, ce mercredi 27occtobre, avec la suite de l’interrogatoire du premier accusé passé à la barre : le soldat de première classe Yamba Élisée Ilboudo. Reconstitution des faits de la sanglante journée du 15 octobre par l’accusé. Tout commence à la résidence de Blaise Compaoré située derrière l’Assemblée nationale d’où le commando, sous les ordres de Hyacinthe Kafando, est parti pour le Conseil de l’Entente où Thomas Sankara tenait une réunion avec quelques collaborateurs. Arrivés au Conseil de l’Entente, les hommes font une escale au pied-à-terre de Blaise Compaoré.

De là, ils foncent vers le secrétariat du Conseil de l’Entente où se trouvaient le Président du Faso et ses collaborateurs. Sur les lieux, Hyacinthe Kafando a réparti les hommes qui ont encerclé le bâtiment, lui-même et Pathé Maïga ayant pris la direction de la salle où se tenait Thomas Sankara. Les deux hommes se mirent alors à tirer. Yamba Élisée Ilboudo, de sa voiture a pu voir le Président sortir de la salle, les mains en l’air, demander ce qui se passait. Il fut accueilli par les tirs des deux hommes, tomba d’abord sur les genoux avant de s’écrouler sur le côté gauche. Entre Kafando et Maïga, Yamba Élisée Ilboudo ne sait pas qui a tiré le premier.

Une fois le crime commis, les hommes ont rejoint le domicile de Blaise Compaoré. S’il était sur les lieux du crime, y avait même conduit le commando, Yamba Élisée Ilboudo persiste et signe : «Je ne savais pas que je partais faire un coup d’État, à plus forte raison ôter la vie de quelqu’un (…) Un soldat répond à son commandement».

L’accusé décrit clairement le rôle Hyacinthe Kafando, mais hésite sur celui de Gilbert Diendéré

Selon le premier accusé à la barre, il ne fait pas l’ombre d’un doute que c’est Hyacinthe Kafando qui a dirigé les opérations et qui a donné l’ordre de tirer. Mais quant au rôle de Gilbert Diendéré, Yamba Élisée Ilboudo évoque l’oubli, les séquelles de l’accident de circulation dont il a été victime en 1989. La stratégie semblait si évidente que le président du tribunal s’est vu obligé d’en faire l’observation à l’accusé, à travers ces mots : «Évitez de prendre sur vous les charges des autres. La faute avouée est à moitié pardonnée. Le jeu auquel vous êtes en train de jouer n’est pas en train de vous arranger (…) Vous avez dit des choses devant le juge d’instruction. Dès lors qu’on parle du général Gilbert Diendéré, vous ne vous souvenez plus de rien».

Puis il poursuit : «Mais, vous avez 62 ans et êtes père de six enfants. Vous n’êtes plus un enfant. Vous êtes responsable. Devant le juge d’instruction, vous avez dit des choses. Et moi je veux vérifier si c’est vous qui l’avez dit pour analyser et en tirer toutes les conséquences (…) Si vous vous sentez en insécurité, vous nous le dites. Si vous craignez que vos déclarations ne se retournent contre vous, dites-le-nous». Il était important de déterminer le rôle de Gilbert Diendéré qui, à l’époque, était lieutenant et chef de la sécurité du Conseil de l’Entente.

À la question de savoir si les soldats sous ses ordres ont tenté d’opposer une résistance au commando, la réponse de l’accusé est catégorique : «Aucun officier n’est venu voir ce qui se passait et personne n’a ordonné de défendre le Président Sankara. Ils se sont camouflés pour observer». Pressé de questions, l’accusé avait finalement reconnu que Gilbert Diendéré et ses hommes étaient bel et bien présents sur les lieux au moment du crime.

En réalité, Yamba Élisée Ilboudo a fini par admettre qu’il avait peur : «J’ai peur. J’ai des enfants. Je veux vivre comme les autres», a-t-il déclaré à Me Guy Hervé Kam, un des avocats de la partie civile. D’ailleurs, bien qu’il fût mis en liberté provisoire comme 11 autres accusés, le mardi, Yamba Élisée Ilboudo a préféré passer la nuit en prison. Il tente d’apporter à ce choix une justification qui cache mal le sentiment de peur qui l’anime : «Je n’arrivais pas à joindre mon fils pour qu’il vienne me chercher parce que je n’avais pas de téléphone. J’ai demandé un téléphone, mais on m’a dit que c’était en panne. Comme j’habite loin, je ne pouvais donc pas marcher».

L’attitude de Yamba Élisée Ilboudo ne devrait pas surprendre a priori lorsqu’on sait que le général Gilbert Diendéré traîne la réputation d’un homme très craint qui, même en prison, pourrait déployer une grande capacité de nuisance. Un autre accusé passera à la barre, ce jeudi 28 octobre. Il s’agit de Idrissa Sawadogo dont le nom avait déjà été cité par le premier accusé interrogé.

A lire : Procès Thomas Sankara : le premier accusé à la barre reconnaît les faits

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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