C’est sans aucun doute l’un des procès les plus attendus de cette année 2015. Le procès de Hissène Habré, ex-chef d’Etat tchadien, accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture s’ouvre ce lundi dans la capitale sénégalaise, Dakar.
La nuit est longue mais le jour finit toujours par arriver. Les victimes de Hissène Habré pourraient bien clamer ce proverbe haut et fort. Après des années interminables d’attente, et plusieurs rebondissements, le procès de l’ancien chef d’Etat tchadien Hissène Habré s’ouvre ce lundi 20 juillet à Dakar. L’ex-dirigeant tchadien, accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre, et torture, sera jugé par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. Ces Chambres ont été inaugurées par le Sénégal et l’Union africaine en février 2013 ?pour? poursuivre « le ou les principaux responsables » des crimes internationaux commis au Tchad? durant le règne de Hissène Habré entre 1982 et 1990?.?
Pour des organisations de défense des droits de l’Homme telles que Huamn Rights Watch, ce prosè est historique et une première dans son genre car il s’agit en effet du premier au monde où les juridictions d’un? ?État vont juger ?un ?ancien dirigeant d’un autre État pour des supposées violations des droits humains.
Il a fallu de nombreuses étapes et plusieurs rebondissements avant que ce procès puisse avoir lieu. Accusé de milliers d’assassinats politiques et de
l’usage systématique de la torture, Hissène Habré a été renversé par
l’actuel président tchadien Idriss Déby Itno. Hissène Habré s’est ensuite réfugié au Sénégal, où il est arrêté une première fois en février 2000. Mais le Sénégal
refuse alors de le poursuivre, puis de l’extrader en Belgique en 2005, malgré une forte pression de Bruxelles et des associations de victimes de l’ancien dirigeant tchadien.
« Je veuxpouvoir regarder Hissène Habré dans les yeux et lui demander pourquoi j’ai pourri trois années en prison, pourquoi mes amis ont été torturés
et tués ».
Après cette date, le dossier Habré ne bouge pas d’un iota. Il stagne même. Pour le voir évoluer, il faudra attendre jusqu’en 2012 avec la victoire à la présidentielle de Macky Sall, succédant ainsi à Abdoulaye Wade, et la décision de la Cour internationale de Justice ordonnant au Sénégal de poursuivre ou extrader Hissène Habré. Une nouvelle situation qui conduit à la création des Chambres africaines extraordinaires. Ces dernières ont inculpé Hissène Habré en juillet 2013 et l’ont placé en détention provisoire. Après une instruction de 19 mois, les juges ont conclu qu’il y avait suffisamment de preuves pour que l’ancien dirigeant tchadien soit jugé.
Pour Reed Brody, conseiller juridique de Human Rigths Watch, qui travaille avec les victimes depuis 1999, « cette affaire est un tournant dans la lutte pour que les auteurs d’atrocités rendent compte de leurs crimes, en Afrique et dans le
monde ». Selon lui, « cela a pris beaucoup d’années et de
péripéties, mais au final un groupe de survivants tenaces a montré que
même un dictateur peut être traduit en justice ».
Souleymane Guengueng, une des victimes de l’ancien dirigeant tchadien attendait aussi ce procès avec impatience. « J’attends ce jour depuis ma sortie de prison, il y a près de 25 ans » a déclaré ?à Human Right Warch, ?Souleymane Guengueng, qui a failli succomber aux maladies et aux mauvais traitements endurés pendant près de trois ans dans les prisons de Hissène Habré. ?Des années de souffrance qui le pousse ?à fond?er? l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissène Habré (AVCRHH). « Je veux pouvoir regarder Hissène Habré dans les yeux et lui demander pourquoi j’ai pourri trois années en prison, pourquoi mes amis ont été torturés et tués ». Comme Souleymane, des milliers d’autres personnes, qui se disent être des victimes du régime Habré, attendent que justice soit rendue…