Le procès en appel de l’ancien Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz s’est ouvert, mercredi, à Nouakchott. Une nouvelle étape dans une affaire de grande envergure qui suscite un fort intérêt médiatique. Accusé d’« abus de pouvoir pour des intérêts personnels » et d’« enrichissement illicite », l’ancien chef d’État, qui a dirigé la Mauritanie pendant plus de dix ans, a déjà été condamné en première instance à cinq ans de prison ferme en décembre 2023. Ses avocats avaient immédiatement fait appel de cette décision, contestant la légalité de la procédure et la sévérité de la peine.
Accusation de « trafic d’influence »
La cour d’appel de Nouakchott examine également les cas d’une dizaine de proches et d’anciens hauts responsables qui comparaissent aux côtés de Mohamed Ould Abdel Aziz. Parmi eux, deux anciens Premiers ministres, plusieurs ex-ministres et des directeurs de grandes entreprises publiques sont accusés de « trafic d’influence », « blanchiment d’argent » et « abus de fonctions ». Ces personnalités influentes sont soupçonnées d’avoir participé à un système de corruption ayant profité à l’ancien président et à ses collaborateurs.
L’ouverture de ce procès en appel a été marquée par une forte présence policière autour du palais de justice. Plusieurs sympathisants de Mohamed Ould Abdel Aziz, venus manifester leur soutien, ont tenté de se rapprocher de l’enceinte, mais les forces de l’ordre ont empêché tout rassemblement aux abords de la cour. La sécurité a été renforcée pour éviter d’éventuels débordements, preuve de la tension qui entoure cette affaire.
Utilisation de son influence pour s’enrichir de manière illicite
L’accusation contre Mohamed Ould Abdel Aziz repose en grande partie sur un patrimoine estimé à 67 millions d’euros, une fortune que l’ancien Président aurait accumulée illégalement durant ses années au pouvoir. Les enquêteurs ont découvert des biens mobiliers et immobiliers, ainsi que des comptes bancaires disséminés dans plusieurs pays. Ould Abdel Aziz, issu d’une famille modeste, aurait, selon les enquêteurs, utilisé son influence pour s’enrichir de manière illicite.
L’ancien Président a toujours nié les accusations portées contre lui, dénonçant ce qu’il qualifie de « persécution politique ». Ses avocats, de leur côté, affirment que les preuves avancées par l’accusation sont insuffisantes et que les biens de leur client ont été acquis légalement. Ils reprochent aux autorités judiciaires de ne pas respecter les droits de la défense et de mener une « chasse aux sorcières ».
Tentative d’affaiblir toute opposition potentielle ?
En première instance, la défense de Mohamed Ould Abdel Aziz avait déjà contesté le bien-fondé des accusations, estimant que leur client faisait l’objet d’une vendetta orchestrée par ses successeurs politiques. Les avocats de l’ex-Président arguent que leurs opposants cherchent à affaiblir toute opposition potentielle en l’éloignant définitivement de la vie publique.
Ce procès en appel intervient dans un contexte sensible pour la Mauritanie, où les réformes en matière de gouvernance et de transparence sont attendues depuis plusieurs années. Les autorités actuelles tentent de démontrer leur engagement dans la lutte contre la corruption, un mal qui gangrène plusieurs administrations en Mauritanie, comme dans de nombreux autres pays de la région.
Des précédents en Afrique
Le dossier de l’ancien Président Aziz rappelle des précédents en Afrique où des ex-dirigeants ont été jugés pour des délits similaires. En Algérie, l’ancien Président Abdelaziz Bouteflika et son entourage avaient également été poursuivis pour des accusations de corruption. Au Sénégal, l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, avait été jugé pour détournement de fonds, dans une affaire qui avait suscité de vives réactions de la part de ses partisans.
En Mauritanie, les observateurs espèrent que ce procès en appel contribuera à renforcer la crédibilité des institutions judiciaires du pays, souvent critiquées pour leur manque d’indépendance. Toutefois, les partisans de l’ancien Président restent mobilisés et dénoncent un procès politique visant à l’écarter définitivement de la scène politique. Pour beaucoup, ce procès représente un test de taille pour le système judiciaire mauritanien.