Prix Nobel de littérature : pourquoi l’Afrique reste-t-elle à la traîne ?


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Prix Nobel de Littérature
Prix Nobel de Littérature

Depuis sa création en 1901, le Prix Nobel de Littérature a récompensé un nombre infime d’écrivains africains. Avec seulement cinq lauréats en plus d’un siècle, l’Afrique semble être laissée pour compte par le prestigieux comité Nobel. Mais pourquoi cette sous-représentation ?

Plongée dans les raisons derrière cette réalité littéraire préoccupante.

L’Afrique, l’oubliée du Nobel de littérature

Depuis la première attribution du Prix Nobel de Littérature en 1901, seuls cinq écrivains africains ont été récompensés : Wole Soyinka, Naguib Mahfouz, Nadine Gordimer, John Maxwell Coetzee, et Abdulrazak Gurnah. Ce chiffre, bien que remarquable pour les lauréats, contraste fortement avec le nombre élevé de récipiendaires provenant d’Europe et d’Amérique du Nord. Cette disparité souligne une inégalité dans la reconnaissance littéraire à l’échelle mondiale. Ces deux continents représentent près de trois quarts des récipiendaires du prix. Cela met en évidence une concentration géographique qui semble exclure les écrivains des autres régions du monde. Cette disparité ne reflète pas seulement la production littéraire mondiale. Elle met également en lumière une hiérarchisation culturelle qui privilégie certains auteurs au détriment d’autres. Cette situation résulte souvent de biais historiques et institutionnels.

Un universalisme au prisme de l’eurocentrisme

Le Prix Nobel de Littérature se présente comme un hommage à l’universalité de la littérature. Il vise à récompenser les contributions ayant apporté un « grand bénéfice à l’humanité ». Cependant, cette prétention universelle se heurte souvent à une vision eurocentrée de la littérature mondiale. Les critères et les perspectives du comité Nobel semblent largement influencés par une vision occidentale, qui valorise des traditions littéraires et des contextes culturels spécifiques à l’Europe et à l’Amérique du Nord. En effet, les œuvres venant d’Afrique et d’autres régions périphériques sont souvent jugées sous l’angle des normes et des attentes européennes. Cela limite leur visibilité et leur reconnaissance. Cette situation remet en question la portée réelle de l’universalité revendiquée par le Nobel. Elle incite également à réfléchir à l’élargissement des critères de sélection pour inclure une plus grande diversité de voix littéraires.

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Langues africaines et littérature : une injustice silencieuse

Parmi les cinq écrivains africains récompensés, quatre écrivent en anglais et un en arabe. Les langues africaines, comme le swahili, le wolof ou le zoulou, restent absentes du palmarès Nobel. Cette lacune met en lumière une injustice silencieuse : les écrivains qui choisissent d’écrire dans leurs langues maternelles sont souvent privés de la reconnaissance internationale. L’exemple de Ngugi wa Thiong’o, écrivain kényan ayant choisi d’écrire en kikuyu pour décoloniser l’esprit littéraire et revendiquer une identité culturelle autonome, illustre parfaitement ce dilemme. En s’éloignant des langues coloniales, Ngugi et d’autres écrivains africains se heurtent à une double contrainte. Ils doivent défendre leur patrimoine linguistique tout en faisant face à des barrières qui limitent leur visibilité mondiale.

L’Europe, centre de légitimation littéraire

Les écrivains africains doivent souvent compter sur les maisons d’édition européennes pour obtenir une reconnaissance internationale. La concentration des grandes maisons d’édition et des prix littéraires prestigieux en Europe renforce cette dépendance. Sur le continent africain, le manque d’infrastructures de publication et de réseaux de distribution solides pose de sérieux obstacles aux écrivains locaux. Cette situation accentue leur dépendance vis-à-vis du marché européen pour atteindre une audience mondiale. En l’absence de mécanismes de validation et de diffusion locaux, les écrivains africains doivent souvent chercher reconnaissance ailleurs. Cela les contraint à évoluer dans des contextes qui ne tiennent pas toujours compte de la richesse et de la diversité de leur production littéraire. La difficulté de traduire et de promouvoir les œuvres en dehors des langues dominantes contribue également à cette inégalité d’accès et de visibilité.

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