Prisonnière de la prostitution


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Mon combat contre la prostitution, couverture du livre
Mon combat contre la prostitution, couverture du livre

Kelly, dans son Ghana natal, rêve de faire de belles études supérieures. Mais ses parents préfèrent la marier à un « hommes d’affaires » ghanéen qui vit à Londres. A 24 ans, elle raconte comment son « mari » polygame l’a conduite à la prostitution. Une prison dont elle n’arrive malheureusement pas à s’échapper.

La prostitution chez les femmes africaines prend de plus en plus d’ampleur en Europe et plus particulièrement en France. Alertée sur le sujet par Amely-James Koh Bela. Diplômée d’une école de commerce, c’est après une longue expérience dans le milieu associatif et dans l’humanitaire qu’elle a publié le livre La prostitution africaine en Occident. Afrik a décidé à sa manière de tirer la sonnette d’alarme. Ainsi nous vous proposerons dans les semaines à venir des témoignages récoltés par la Camerounaise entre 1995 et 2000 ainsi qu’une série d’articles de la rédaction sur la prostitution des femmes, des enfants mais aussi celle des hommes africains.

Propos recueillis par Amely-James Koh Bela

« Dans mon quartier, j’avais une sacrée renommée car malgré les tentatives de mes parents de me marier à des hommes riches, je ne voulais pas me marier avant d’avoir fini mes études et d’être indépendante. J’étais très ambitieuse. Mais avec beaucoup d’argent et des fausses promesses, mes parents acceptent finalement une demande en mariage. Et moi aussi, car la condition que je pose est de finir mes études. Et je ne veux pas d’enfant avant cette échéance. Mais ce n’était que des mensonges. Mon cauchemar commence le jour même de mon arrivée à Londres. Je me retrouve dans un appartement avec une dizaine de filles d’autres nationalités. Premier choc, nous sommes toutes « ses » femmes. En effet, muni de faux papiers, mon « mari » fait partie d’une bande qui sévit dans l’ouest africain en épousant des filles d’origines différentes.

« Sex Machine »

Cela leur est facile car, disposant de la nationalité britannique, ils les font venir dans le cadre du regroupement familial. Il me laisse avec les autres filles en donnant des instructions pour moi. C’est quelques minutes plus tard que j’ai compris que la plus âgée devait, avant la fin de l’après midi, m’apprendre à faire des fellations, m’initier à la sodomie et aussi me mettre au courant de certaines positions, des prix et des durées de chaque service. Tony a pris mes papiers et m’a brutalement saisi par le bras en me menaçant. « La vie de ta famille dépend de ta conduite, si tu me causes des problèmes, mes hommes vont sévir là-bas. Au contraire, si tu travailles bien, on peut se faire beaucoup d’argent et tu auras ta part. Tu pourras retourner faire ce que tu veux chez toi. »

A partir de ce moment, ma vie est devenue un enfer. On n’avait pas de répit, nous travaillions 24h/24h. Les clients sont brutaux et méprisants. Ils nous font mal. C’est cruel de faire ça à des êtres humains. Des hommes qui investissent notre intimité pendant des heures et font de nous des jouets sexuels, juste parce qu’ils ont payé. Je pleurais tous les jours, je priais Dieu. Les blessures, les saignements, rien ne les arrêtait. Des dizaines de clients par jour à satisfaire, des caresses buccales à des gens qui puent la merde. Plusieurs clients se retrouvaient avec les « bijoux » dans du vomi. Alors pour résoudre ce problème, notre mac nous faisait travailler affamées.

La prison dont on ne s’échappe pas

Comme nous étions fatiguées, il a commencé à nous droguer. Cela résolvait le problème de la faim car la drogue agit parfois comme un coupe-faim, mais aussi, cela permettait de doubler nos performances. Ainsi droguées, nous travaillions comme des robots. Mais cette drogue a été fatale pour beaucoup qui ont péri d’overdose. Et nous, il nous faisait chanter. Sous l’effet de manque, il nous faisait signer n’importe quoi, et gare à celle qui désobéissait ou qui ne tenait pas sa promesse. Il nous battait, nous violait à volonté, seul ou avec des amis, après des heures de travail. Il arrivait avec des amis ou des clients pour des partouzes qui duraient toute la nuit. Ce milieu est cruel : drogue, viols, violences, crimes. Je suis complètement détruite… Tony a été tué lors d’un règlement de compte avec les Asiatiques qui tiennent le marché du sexe à Londres. Le chef est venu nous voir et nous a dit que l’appartement était payé pour huit mois, et qu’il prendrait celles qui le voulaient, mais que celles qui voulaient partir pouvaient le faire après les huit mois.

Un coup de bol comme il n’en arrive qu’au cinéma, je pouvais partir, mais où ? Je ne connaissais personne. Il me fallait de l’argent pour vivre et pour mes doses de drogue. J’ai continué à me prostituer et je n’arrive pas à décrocher. Un ami m’a emmenée à Paris pour y trouver de l’aide. J’ai rencontré des femmes du « Bus des femmes », d’autres associations, sans succès. Je suis accro à l’héroïne. Je ne peux pas rentrer chez moi, ma famille ignore ma situation. Les lettres et les photos envoyées au pays sont fausses ; les lettres étaient dictées par Tony et il faisait des photos de complaisance avec nous… Je pensais avoir trouvé un mari, une belle vie en Occident, j’ai trouvé le trottoir, la violence, la prostitution, la drogue, les crimes. Je suis physiquement et psychologiquement détruite. Aujourd’hui, je continue à me droguer dans les quartiers sales et chauds du 18è arrondissement de Paris. Ce coin est dangereux, et j’ai peur que ça finisse mal pour moi un jour… »

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