Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à condamné à la perpétuité le Colonel Théoneste Bagosora, directeur de cabinet du ministère de la Défense, le «cerveau» du génocide rwandais de 1994. Il l’avait surnommé « l’apocalypse ».
La prison à vie pour Théoneste Bagosora, « le cerveau » du génocide rwandais. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a prononcé son verdict ce jeudi matin. Il marque la fin d’un pocès capital pour le TPIR, compte tenu du rôle clé qu’a joué le directeur de cabinet du ministère rwandais de la Défense dans la conception et le déroulement du génocide de 1994. Arrêté au Cameroun le 9 mars 1996, où il résidait depuis juillet 1995 après avoir fui le Rwanda un an plus tôt, Théoneste Bagosora a été transféré le 23 janvier 1997 au quartier pénitentiaire des Nations Unies à Arusha. Défendu par l’avocat français Raphaël Constant, Théoneste Bagosora, né le 16 août 1941 dans la commune de Giciye (préfecture de Gisenyi), au Rwanda, a plaidé non coupable durant son procès.
Un verdict capital pour le TPIR
Le parcours du génocidaire est des plus ordinaires. Théoneste Bagosora obtient en 1964 son diplôme de l’Ecole des officiers de Kigali qu’il complète avec un brevet d’études militaires supérieures de l’école militaire française. Après une longue carrière militaire, il est nommé, en juin 1992, directeur de cabinet au ministère de la Défense. Un poste qu’il conservera en dépit de sa mise en retraite de l’armée le 23 septembre 1993. Son rôle devient prépondérant après le départ, le 19 juillet de la même année, de son ministre de tutelle, James Gasana. Théoneste Bagosora est en poste le 6 avril 1994 et y reste jusqu’à son départ du pays en juillet 1994.
L’homme aurait planifié ce qu’il désignait comme « l’apocalypse » depuis 1990. Le président Juvenal Habyarimana, dont l’assassinat le 6 avril 1994 est considéré comme l’élément déclencheur du génocide, lui donne l’occasion de formaliser son funeste projet le 4 décembre 1991. Le chef de l’Etat crée une commission militaire dont la mission est de répondre à cette interrogation : «Que faut-il faire pour vaincre l’ennemi sur le plan militaire, médiatique et politique ?». Théoneste Bagosora en est le président et le rapport présenté par sa commission désigne les ennemis du pouvoir – «les Tutsis de l’intérieur, les Hutus mécontents du régime en place, les étrangers mariés aux femmes tutsies…» – et trace les grandes lignes de ce que sera le futur génocide rwandais. Le document fait l’objet d’une large diffusion au sein de l’armée. En 1992, Théoneste Bagosora est à l’origine de l’étabissement des listes « d’ennemis » qui ont servi aux militaires et aux Interahamwe (milices extrémistes) pour massacrer les Tutsis et des Hutus modérés.
Le cerveau de l’apocalypse
Le militaire s’oppose aussi fermement aux accords d’Arusha, signés en août 1993, pour mettre fin à la guerre civile au Rwanda. Convaincu que l’élimination des Tustis et de leurs alliés est la seule issue possible pour mettre fin à la guerre, le directeur de cabinet aurait quitté les négociations en affirmant qu’il allait « préparer l’apocalypse ». Durant cette année, il aurait distribué des armes et, au lendemain de l’attentat du président rwandais, il tente de prendre le pouvoir. Mais les opposants à son dessein politique sont nombreux et il doit se contenter de diriger le gouvernement intérimaire, avec des représentants du Mouvement Républicain National pour le Développement (MRND). Ce gouvernement encouragera les massacres et Théoneste Bagosora se présentera auprès de la communauté internationale comme le nouvel homme fort du pays. Le 7 avril, date de début du génocide, il prend activement part aux opérations. Le directeur de cabinet est notamment à l’origine d’un communiqué diffusé par les médias rwandais qui invite les populations à rester chez elles. Ce qui facilitera l’extermination de plusieurs milliers de Tutsis.
«Le procès des militaires», comme on l’a surnommé, a démarré le 2 avril 2002. Outre le Colonel Bagosora, ont été jugés trois autres officiers supérieurs des Forces armées rwandaises (FAR). Le Lieutenant Colonel Anatole Nsengiyumva, ancien commandant des opérations militaires du secteur de Gisenyi, et le major Aloys Ntabakuze, ancien commandant du bataillon para-commando ont été condamnés à «la prison à vie» pour «génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre», a déclaré ce matin le président norvégien de la Chambre, Erik Mose. Quant au troisième, le Brigadier Général Gratien Kabiligi, ancien chef des opérations militaires, il a été acquitté. Les trois hommes ont aussi été acquittés du crime d’«entente en vue de commettre un génocide» avant le 7 avril 1994.