Les investisseurs du monde entier découvrent aujourd’hui que prêter à des populations qui ont des revenus très modestes peut permettre de gagner de l’argent en quantité satisfaisante et de manière sûre. La microfinance où ils investissent connaît une expansion rapide dans de nombreux pays africains bien que ses progrès ne soient pas encore comparables aux succès qu’elle connaît en Asie du Sud et en Amérique latine.
La microfinance profite-t-elle au développement économique ? James Mwangi, Directeur général de la banque kenyane Equity Bank, répond affirmativement. Grâce à des prêts même modestes, “nous avons vu des familles progresser de la micro-entreprise à la petite entreprise”, déclare-t-il à Afrique Renouveau.
De plus en plus d’institutions et de particuliers investissent dans la microfinance, rapporte le Groupe consultatif d’aide aux populations les plus pauvres (CGAP) affilié à la Banque mondiale.
Traditionnellement, les prêts de microfinancement, habituellement entre 20 et 300 dollars, provenaient d’organisations non gouvernementales (ONG) utilisant des fonds fournis par les bailleurs de fonds. La Banque Grameen du Bangladesh a fondé un nouveau modèle. Elle a démontré qu’il était possible de prêter à des millions de pauvres tout en faisant des bénéfices et que ces clients peuvent avoir l’esprit d’entreprise et être solvables.
La demande dépasse toujours de loin les crédits disponibles, la microfinance représente dans le monde 4,4 milliards de dollars mais les besoins se montent à environ 250 milliards. Mais elle représente maintenant une alternative intéressante pour les investisseurs à la recherche de nouveaux instruments qui ne soient pas liés à des marchés financiers de plus en plus volatiles.
Un secteur en expansion
Attirés par ce potentiel, des entreprises privées comme MicroVest, un fonds d’investissement en microfinance américain, ont investi 1 million de dollars dans l’organisme de microcrédit ghanéen Sanapi Aba Trust. De même, AfriCap Microfinance Fund, formé en 2001, a investi dans 12 organismes de microfinance, entre autres au Ghana, au Kenya, au Sénégal, à Madagascar, au Malawi, au Mozambique, au Nigeria et en Sierra Leone. AfriCap, qui a un capital d’environ 50 millions de dollars, est le premier fonds de capital d’investissement privé africain entièrement consacré à la microfinance.
Certains résultats ont été remarquables. L’argent apporté par AfriCap et d’autres investisseurs à Equity Bank du Kenya a transformé un modeste organisme de microcrédit en banque commerciale de premier plan. Elle a aujourd’hui 2,5 millions de clients kenyans à bas et moyens revenus et est devenu le premier organisme de microfinance coté en bourse. En 2006, elle avait accordé des prêts pour plus de 106 millions de dollars, la plus grande partie à des femmes.
Les investisseurs en ont tiré de bons bénéfices. “Nous avons constaté un rendement de 7 % sur nos avoirs et connu une croissance de 200 %,” souligne M. Mwangi. Il y a une “reconnaissance de plus en plus claire que l’Afrique a franchi un cap. Les gens discernent des perspectives d’avenir en Afrique, et se positionnent stratégiquement pour tirer parti de la croissance que connaît le continent,” affirme-t-il.
Des partenariats qui font naître l’espoir
Avec le double objectif de faire des bénéfices et d’aider les plus pauvres à avoir accès à des services financiers, les entreprises privées forment de plus en plus de partenariats avec les bailleurs de fonds afin d’investir conjointement dans la microfinance. Ces partenariats sont conformes à l’esprit du Consensus de Monterrey, par lequel des chefs d’Etat et de gouvernement du monde entier s’étaient mis d’accord sur l’importance de la microfinance comme moyen de développement dans les pays les plus pauvres et s’engageaient à promouvoir “les innovations financières du secteur privé et les partenariats public-privé.”
GroFin Africa Fund est l’un de ces partenariats public-privé. Avec des avoirs d’à peu près 150 millions de dollars, GroFin est un consortium qui rassemble entre autres le Fonds africain de développement, la Société financière internationale du groupe de la Banque mondiale (SFI), la fondation Deutsche Bank Americas, Skoll, Syngenta et la fondation Shell. Il envisage d’investir directement dans environ 500 petites et moyennes entreprises (PME) au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, au Rwanda, au Ghana, au Nigeria et en Afrique du Sud.
Combiner financement et conseils est une stratégie délibérée, a affirmé en 2007 Kenneth Onyando, Directeur régional des investissements pour l’Afrique de l’Est de GroFin. “Les PME africaines ont trop souvent des difficultés à trouver le capital qui leur est nécessaire car les banques les considèrent comme un investissement trop risqué, explique-t-il. En intégrant le financement de l’entreprise avec une aide au développement de ses activités, nous offrons une solution viable à ce problème — en donnant de l’espoir aux PME et en garantissant des profits aux investisseurs.”
Retard sur les prévisions
En dépit du volume croissant des moyens engagés par le secteur privé et les bailleurs de fonds qui font leur entrée sur le secteur en Afrique, “la microfinance africaine a un retard d’au moins cinq ans par comparaison avec l’Asie du Sud ou l’Amérique latine,” a déclaré Sasidhar Thumuluri, analyste chez MicroVest. Selon lui, les plus importants goulots d’étranglement sont “des infrastructures médiocres, des institutions faibles, le manque de capital financier et humain.” Cependant, a-t-il ajouté, “les récents changements positifs … dans des pays comme le Ghana suscitent un intérêt accru des investisseurs.”
Donna Katzin, de l’organisme de prêt à but non lucratif de New York, Shared Interest qui travaille à de nouveaux et différents moyens de financer le développement en Afrique du Sud et ailleurs, a confié à Afrique renouveau que le succès serait difficile à obtenir “là où les réglementations ne présentent pas un environnement favorable.”
Les défaillances des emprunteurs sont un autre sujet de préoccupation, aider les clients en difficulté à obtenir de meilleurs résultats a permis à Shared Interest de maintenir le taux de défaillance sur ses prêts à 3,2 %.
Tout le monde n’est pas prêt pour le crédit, reconnaît Mme Katzin. Certains sont si pauvres qu’emprunter pourrait les plonger encore plus profondément dans la dette et la pauvreté au lieu de les aider. “Il y a des pays où l’on ne recommanderait pas un système de prêts, parce que la pauvreté y est tellement enracinée, ” explique-t-elle.
M. Mwangi est d’accord. C’est seulement une fois qu’une famille a la capacité d’épargner, que la microfinance peut l’aider à atteindre des objectifs plus ambitieux, comme d’utiliser le crédit pour la création ou l’expansion d’une entreprise. “C’est à ce point que la croissance économique démarre.”
Mary Kimani, pour Afrique Renouveau, une publication de l’ONU