Presley Chweneyagae est Tsotsi dans Mon nom est Tsotsi. La dernière œuvre du réalisateur Gavin Hood, qui sort ce mercredi en France, a reçu l’Oscar du meilleur film étranger en 2006. La remarquable prestation du jeune acteur sud-africain de 22 ans, issu du théâtre communautaire, fait de lui une valeur montante du bouillant cinéma « made in South Africa ». Entretien avec le très réservé Presley Chweneyagae.
Presley Chweneyagae est né en 1984 à Mafikeng dans la province du North West en Afrique du Sud. Celui pour qui les acteurs John Kani, célèbre acteur sud-africain et l’Américain Anthony Hopkins, sont source d’inspiration, a fait ses premières armes d’acteur dans le théâtre communautaire, une véritable institution en Afrique du Sud. Lui commence à jouer, en 1996, au sein de l’art council of Mafikeng. Sa mère, officier de police, est à l’origine de sa vocation. Elle le poussera dès les premières heures de l’adolescence vers ces classes de théâtre pour lui éviter de mauvaises fréquentations dans le township où il vit avec sa sœur aînée et ses deux frères. Afin de donner un coup de fouet à sa carrière, il les quitte pour s’installer à Pretoria, ville qu’il apprécie pour son calme et sa tranquillité. A raison car, en 2002, alors qu’il joue Hamlet, il est repéré par son futur agent. Celui qui lui remettra le script de Mon nom est Tsotsi. L’histoire de la rédemption d’un gangster de 19 ans, qui vit dans le township de Soweto, à Johannesburg, dont la vie bascule quand il découvre un bébé dans la voiture qu’il vient de dérober.
Afrik.com : Qu’avez-vous ressenti quand Mon nom est Tsotsi a reçu l’Oscar 2006 du meilleur film étranger ?
Presley Chweneyagae : Beaucoup de plaisir. C’est le rêve de tout acteur de recevoir un Oscar. C’est incroyable, je me pince tous les jours pour me convaincre que c’est vrai (rires).
Afrik.com : Comment avez-vous appréhendé le rôle de Tsotsi dans ce qui est votre premier film ?
Presley Chweneyagae : J’ai toujours rêvé de tourner. Participer à ce film, mon premier, a été une grande expérience et une véritable source d’inspiration. J’avais envie depuis si longtemps de jouer dans un film…J’ai grandi dans un Township, par conséquent, cela a été facile pour moi de me rapprocher du personnage. Je connais des gens comme Tsotsi. Pour incarner ce gangster, il suffisait juste de me convaincre que j’en étais un.
Afrik.com : Il y a d’ailleurs une petite anecdote à propos du casting…
Presley Chweneyagae : Je devais auditionner pour Boucher (l’un des hommes du gang de Tsotsi, ndlr) et puis j’ai demandé à Gavin si je pouvais également auditionner pour Tsotsi. Il a accepté.
Afrik.com : Mon nom est Tsotsi est un film sur le cheminement intérieur d’un homme vers la rédemption. Ou avez-vous trouvé les ressources pour rendre aussi bien la complexité émotionnelle de Tsotsi ?
Presley Chweneyagae : C’est un personnage très difficile à incarner. La quasi-totalité du jeu d’acteur se rapporte à sa dimension émotionnelle. Je me suis servi de ce que j’aurais ressenti, si j’avais vécu les situations dans lesquelles se retrouve mon personnage.
Afrik.com : Jouer avec un bébé ne doit pas être très facile ?
Presley Chweneyagae : Je jouais en réalité avec des jumeaux : une fille et un garçon. Le garçon pleurait tout le temps, mais sa sœur était beaucoup plus gentille. C’est un petit défi, en termes de jeu, parce que vous devez capter l’attention du bébé : quand vous le regardez, il doit vous regarder aussi. Je n’étais pas très habitué aux bébés, mais maintenant je peux me débrouiller tout seul avec un bébé…pendant deux jours (rires).
Afrik.com : Quel genre de réalisateur est Gavin Hood ?
Presley Chweneyagae : Il comprend son équipe. J’ai vraiment pu m’investir dans ce rôle parce que je savais qu’il me faisait confiance. C’est quelqu’un de très bien.
Afrik.com : Vous êtes issu du théâtre. Quelle différence faites-vous entre le théâtre et le cinéma ?
Presley Chweneyagae : J’aime tout autant le cinéma que le théâtre. Le cinéma est un important moyen de communication, dans la mesure où il permet, par exemple, à des personnes, qui ne vivent pas dans les mêmes pays, d’échanger, entre autres, sur le plan culturel. Et puis, il est difficile de mentir face à une caméra. Le théâtre est, quant à lui, le lieu de l’interaction avec le public. Son énergie vous porte.
Afrik.com : Est-ce difficile d’être un acteur en Afrique du Sud ?
Presley Chweneyagae : .Ça ne l’est pas vraiment parce que les chaînes de télévision proposent de nombreuses fictions – 70 % du contenu doit être local -, ce qui fait que les acteurs ont de nombreuses opportunités de travail. Cependant, il n’y a pas encore beaucoup de films qui se tournent, même si cela est en train de changer.
Afrik.com : Vous étiez jeune du temps de l’Apartheid. Cette époque est maintenant révolue. Quelles réflexions vous inspirent cet état de fait ?
Presley Chweneyagae : Je suis très heureux que l’Apartheid appartienne désormais au passé, car autrement je n’aurais pas eu la possibilité de jouer dans ce film et de sortir de l’Afrique du Sud. C’est une très bonne chose d’autant que l’on commémore, cette année, les 30 ans du soulèvement de Soweto où des jeunes Sud-Africains noirs ont été tués. Le mois de juin est, à cause de ces évènements, celui de la jeunesse en Afrique du Sud. Ce qui m’a valu d’intervenir dans des écoles et de rencontrer beaucoup de jeunes. C’est extraordinaire de constater la façon dont Noirs et Blancs réussissent à vivre ensemble, notamment les élèves dans les établissements solaires. C’est très impressionnant.
Afrik.com : Depuis l’Oscar, vous devez recevoir beaucoup de scripts. Quels sont vos projets, au cinéma entre autres ?
Presley Chweneyagae : C’est toujours très difficile de choisir un nouveau projet après une telle expérience. Je vais jouer prochainement dans une pièce de théâtre en Angleterre pendant trois mois. Je l’ai co-écrite avec un ami. Il y est question d’un serial killer et de la théorie de la relativité. Les scripts, j’en ai reçus quelques uns, mais je me donne le temps de décider.
Afrik.com : C’est à votre mère que vous devez votre carrière d’acteur. Elle vous a envoyé faire du théâtre pour vous éviter de vous encanailler. Quelle est la réaction de votre famille face à votre succès ?
Presley Chweneyagae : Ma famille m’a toujours soutenu dans ma carrière. Elle n’a jamais manqué une de mes représentations. Je suis content de savoir que je les rends heureux.
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