Les premières estimations officielles des élections présidentielles camerounaises, qui se sont déroulées lundi, donnent le Président sortant Paul Biya en tête dans 9 des 10 provinces du pays. Un résultat loin d’être surprenant dans une élection à un tour où l’opposition, divisée, n’a aucune chance de passer.
Comme prévu, le Président sortant Paul Biya, à la tête de l’Etat camerounais depuis 22 ans, est bien parti pour se succéder après les élections qui se sont déroulées ce lundi. Selon les premières estimations officielles, le « Sphinx » est en tête dans neuf des dix provinces du pays. Il devance John Fru Ndi, du Social democratic front (SDF), et Ndam Njoya, de l’Union démocratique camerounaise (UDC). Deux des principales figures de l’opposition camerounaise dont la division a eu raison des derniers espoirs d’alternance.
Les élections présidentielles se déroulent au Cameroun sur un tour, et seule une opposition unie aurait pu espérer inquiéter un Président qui bénéficie de l’appui de l’appareil d’Etat et du puissant parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Mais la Coalition de l’opposition pour la reconstruction et la réconciliation nationale (CRRN), justement formée pour l’occasion, a éclatée un mois avant l’échéance.
Le choix de la Coalition d’investir Adamou Ndam Njoya comme candidat aux présidentielles a déplu au chef du principal parti d’opposition, l’anglophone John Fru Ndi, qui a claqué la porte. Pas moins de seize candidats s’affrontaient ainsi ce lundi. Deux d’entre eux, Jean-Jacques Ekindi et Djeukam Tchameni, se sont retirés du scrutin pour soutenir John Fru Ndi, dimanche, mais bien trop tardivement. Les autorités se félicitaient mardi de la participation électorale, estimée à 80 à 85% des inscrits. Seul ennui : alors que la population en âge de voter est estimée de 7,5 à 8 millions de personnes, seules 4,6 millions ont été inscrites sur les listes, selon les chiffres officiels. Des citoyens souvent désabusés face à des scrutins « joués d’avance ».
Fraude ou « dysfonctionnements »
Des milliers d’observateurs nationaux et internationaux étaient invités, ce lundi, à surveiller la bonne tenue du scrutin. De l’Onel (Observatoire national des élections, 21 000 personnes), en passant par la Conférence épiscopale (1 200), la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (61), l’Organisation internationale de la Francophonie (14) ou encore le Commonwealth (16). Des observateurs qui refusaient encore lundi soir de se prononcer sur le déroulement des élections. A l’inverse du coordinateur du programme camerounais de gouvernance, une opération soutenue par les Nations Unies, dont la première impression était lundi soir « globalement positive ». « Tout se passe dans le calme (…) le système électoral camerounais s’est considérablement amélioré », a expliqué Dieudonné Oyono à l’AFP.
Les journalistes de l’agence française, qui soulignent eux-mêmes la présence d’urnes transparentes ainsi que le calme dans lequel les élections se sont déroulées, relèvent néanmoins quelques « couacs », au premier titre desquels l’utilisation d’une encre non indélibile, ainsi que la non obtention de leurs cartes d’électeurs par de nombreux Camerounais. L’AFP raconte ainsi comment une fronde d’électeurs qui réclamaient ces cartes a été maîtrisée par les forces de l’ordre à Batouri.
Des « couacs » que les autorités considèrent comme des « dysfonctionnements », mais sur lesquels les partis d’opposition et la presse mettent l’accent. « Présidentielles 2004 : la grosse farce », titrait mardi Le Messager, alors que Mutations mettait plus délicatement le doigt sur « le leurre de la transparence ». Les journalistes des deux quotidiens, dépêchés sur les lieux de vote, ont été surpris de découvrir des urnes, transparentes certes, mais non scellées, dans plusieurs bureaux de vote de la capitale économique, Douala, la présence des bulletins des deux candidats qui s’étaient retirés du scrutin, ainsi que des tentatives de corruption d’électeurs.
Mutations raconte en effet comment le président de la section du RDPC de Douala IV a été surpris par les militants du Manidem (Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie) en train de proposer de l’argent à des électeurs contre les bulletins de vote des opposants au Président sortant !