Le président Bongo Ondimba en mourant, venait d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire politique du Gabon. Mais dans cette Afrique, l’alternance pose toujours problème, surtout après un long règne d’un président qui meurt au pouvoir. La Côte d’Ivoire, la République Démocratique du Congo et le Togo sont des exemples qui montrent que le décès d’un président pose problème à cause du népotisme et du clanisme érigés pendant son règne. Le Gabon serait-il condamné au même destin ?
On croyait que tout devrait se passer normalement au Gabon. Mais, avec la candidature d’Ali Bongo qui pose problème, la présidentielle risque d’être houleuse. Au Gabon, la complicité entre Bongo et son fils a été trop manifeste et il n’est pas étonnant qu’une partie des Gabonais ne souhaite plus voir ce dernier à la tête du pays, ce qui éviterait au Gabon de se transformer en monarchie républicaine. Mais l’attitude des forces de l’ordre gabonaises qui ont fait usage de gaz lacrymogène et de coups de matraque pour disperser une manifestation des jeunes hostiles à Ali bongo, montre que le pays risque de nous surprendre désagréablement le 30 août 2009.
La désignation d’Ali Bongo comme candidat à cette présidentielle a provoqué un séisme dans le PDG (Parti démocratique gabonais). Les doyens de ce parti, ayant plus d’expérience que le jeune Bongo, n’ont pas accepté que celui-ci hérite de son père au nom de la famille, avec la complicité du parti. De plus sa filiation poserait problème au sein de la population gabonaise dont une partie le considérerait comme fils adoptif du défunt président. Le PDG devrait éclaircir ce problème administrativement car il n’honore pas le continent (surtout que le cas de Kabila en République Démocratique du Congo aurait provoqué des tumultes chez les Congolais). Devant la nomination on ne peut plus problématique d’Ali Bongo comme candidat du PDG, certains cadres du parti ont été obligés de se positionner comme indépendants. Ils veulent aussi accéder à la magistrature suprême pour donner un autre souffle à la politique gabonaise.
Pendant plus de quarante ans, le Gabon a été dirigé bon an mal an par un seul président qui s’est servi du système du parti unique pour renforcer son pouvoir. Après l’avènement du multipartisme, Bongo a corrompu ses opposants pour se maintenir au pouvoir. Aujourd’hui, avec la désignation d’Ali Bongo par le PDG comme candidat à la présidentielle, le Gabon pourrait réveiller des tensions ethniques. Des poids lourds de la politique gabonaise comme Paul Abessole, Pierre Mamboundou et même Zacharie Myboto de l’opposition, ont compris qu’Ali Bongo est le candidat du PDG pour péréniser la politique de son père. Les Gabonais voudraient peut-être donner une autre image à l’alternance en Afrique en s’écartant du chemin tracé par la RDC et le Togo.
Comme dans la plupart des pays africains où le pouvoir a été plus ou moins clanique, il faut craindre que cette présidentielle soit source de tensions graves au sein de la population. Ensuite, comme ceux qui sont au pouvoir ne distribuent la richesse du pays qu’au sein de leur clan, se pose le problème du tribalisme ou de l’ethnicité qui empêche l’opposition d’accéder démocratiquement au pouvoir.
Des adversaires d’Ali bongo ont demandé le report de la présidentielle pour réviser les listes électorales, souvent à l’origine des contestations quand il y a désaccord entre les protagonistes pendant les votes. Il y a aussi ceux qui ont demandé la démission d’Ali Bongo du gouvernement, comprenant qu’il est rare que le parti au pouvoir perde les élections qu’il organise. Avec la confrontation entre le candidat du PDG et ses adversaires qui connaissent bien la politique du pays, car ayant côtoyé le président défunt pendant plusieurs décennies, il faut craindre que le passage du sentiment ethnique au sentiment national soit difficile à réaliser.
Pourquoi en Afrique la communauté internationale et l’Union africaine ne s’impliqueraient-elles pas dans l’organisation des élections aux côtés de tous les acteurs politiques ? Au lieu d’aller souvent observer ce que les autres auraient préparé sans elles? Pourquoi oublient-elles que cette région de l’Afrique centrale a connu moult problèmes inter-ethniques avec bains de sang provoqués par les élections ?
Ici, il sied de noter que la loi électorale modifiée en 2003 et qui prévoit un seul tour à l’élection présidentielle risque de mener le pays dans une impasse, surtout en l’absence de personnalité omnipotente comme l’était le président défunt. Et la multiplication des candidatures qui ont désapprouvé celle d’Ali Bongo, pourrait profiter à ce dernier. Dans les pays africains, l’analphabétisme politique, consécutif à l’ethnicité et au tribalisme, risque d’accoucher d’un vote identitaire qui en la présence de candidatures multiples pourrait diluer les voix. Cela poserait problème pour dégager une majorité et un gouvernement capables de gouverner efficacement. Il faut craindre que la présidentielle du 30 août 2009 soit un « scrutin à hauts risques ». Un scenario déjà vécu dans plusieurs pays.
A moins que les Gabonais nous réservent une surprise agréable dans cette région qui a déjà montré ses limites dans l’organisation des élections ?