Présidentielle en Egypte : la bataille a déjà commencé


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La campagne pour la succession du président égyptien Hosni Moubarak bat son plein. Une manifestation était organisée mardi dans les rues du Caire et d’Alexandrie contre la candidature de son fils Gamal, présenté comme son possible successeur, alors que le Parti National Démocrate (PND) avait publiquement annoncé son soutien au président sortant. Mohamed ElBaradei, l’opposant le plus en vue, veut, lui, faire pression sur le gouvernement afin que la Constitution soit réformée et qu’il puisse se présenter. A un an de l’élection présidentielle, la scène politique égyptienne est en effervescence.

A un an de l’élection présidentielle en Egypte, la bataille autour de la succession du président Hosni Moubarak fait rage. Les opposants à une transmission « héréditaire » du pouvoir par le président sortant à son fils Gamal ont fait entendre leur voix mardi après-midi aux cours de manifestations émaillées d’accrochages avec la police, dans les rues du Caire et d’Alexandrie. «Nous ne voulons pas d’une gouvernance héréditaire !», « non à Gamal !», ont scandé les manifestants dans une ambiance tendue, rapporte un journaliste de l’AFP. Au Caire, le cortège des protestataires – qui rassemblait pêle-mêle des partisans du mouvement Kefaya, des militants de gauche, des membres de partis d’opposition et des proches de l’opposant Mohamed ElBaradei, ancien président de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) – comptait se rendre au palais Abdine, la résidence présidentielle officielle. Mais il a été bloqué par plusieurs milliers de policiers déployés autour du site. Selon des manifestants, cinq personnes ont été interpellées au Caire et sept à Alexandrie.

La stratégie du soda

La rumeur sur la succession du président vieillissant (82 ans) par son fils cadet Gamal ne cesse d’enfler. Une campagne lancée par certains de ses partisans, il y a quelques semaines, a mis la rue égyptienne en effervescence. «Gamal, tu es le rêve des pauvres!», scande l’une des affiches placardées sur les murs de plusieurs villes de province et certains quartiers du Caire, tandis que ses supporters s’attellent à recueillir 5 millions de signatures en faveur de sa candidature, en dépit de son manque de popularité. Pour convaincre le chaland, des meetings sont souvent improvisés dans les cafés populaires, où les clients sont gracieusement invités à siroter des boissons fraiches et fumer le Narguilé. L’hebdomadaire pro-gouvernemental Al-Ahram Hebdo décrit l’une de ses réunions dans un quartier populaire du Caire : «Le coordinateur, Yousri Saqr, s’adresse à la foule : « Nous avons organisé cette réunion pour collecter vos signatures afin de demander à Gamal Moubarak de se présenter aux élections présidentielles ». Saqr est interrompu par un citoyen. “Mais qui est Gamal Moubarak ? », interroge-t-il, suscitant l’hilarité de la foule(…). Chaque citoyen qui signe un bulletin obtient une boisson gratuite en plus (…). Certains piétons signent seulement pour la boisson fraiche gratuite. D’autres, ne sachant pas qui est Gamal Moubarak, pensent qu’ils donnent leurs voix à Yousri Saqr. »

Alors que la campagne pour la candidature de Moubarak fils bat son plein, les responsables du Parti national démocrate (PND) au pouvoir ont pris publiquement leurs distances avec cette initiative. «Le Parti National Démocrate a choisi à l’unanimité le président Moubarak comme candidat aux prochaines élections présidentielles », a déclaré le secrétaire général du PND, Safouat Al-Chérif, dans une récente interview au magazine Al-Moussawer. Le journal Al-Ahram évoque l’éventualité d’un conflit entre l’ancienne garde, favorable à un nouveau mandat du président Moubarak, et la nouvelle garde, menée par un groupe d’hommes d’affaires favorables à Gamal Moubarak. « Je crois que l’ancienne garde a voulu couper le chemin aux partisans de Gamal Moubarak. Elle a voulu surtout envoyer un message disant que cette campagne populaire n’est pas soutenue par le parti », analyse Georges Ishaq, ex-secrétaire général du mouvement d’opposition Kéfaya, cité par le journal.

Gamal à Washington

Un autre indice vient toutefois conforter l’hypothèse d’un legs du pouvoir par le président Moubarak à son fils. Début septembre, Gamal Moubarak avait accompagné son père à Washington où il a participé au démarrage des négociations directes entre l’autorité palestinienne et Israël. « La présence de Gamal dans la délégation égyptienne, alors qu’il n’occupe aucune fonction officielle, pourrait être perçue par un grand nombre d’Egyptiens comme une tentative d’imposer le fils du Président de force sur la scène politique internationale», a confié Elliott Abrams, ancien conseiller de sécurité intérieure sous George Bush, au journal égyptien almasry alyoum. Le journal israélien Haaretz avait de son côté annoncé des entretiens entre Moubarak Junior et des négociateurs israéliens, dont Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien. On soupçonne ainsi le président égyptien de vouloir aider son fils à se forger une stature internationale avant de le lancer dans l’arène électorale.

La campagne en faveur de la candidature de Gamal Moubarak se veut aussi une réponse aux offensives des opposants à une succession héréditaire. Les partisans d’Ayman Nour, arrivé au second tour de la présidentielle de 2005, et emprisonné pendant trois ans par la suite, ont fait placarder des affiches à l’effigie de Gamal Moubarak avec pour slogan: «L’Égypte est trop grande pour toi.» Quant à l’ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohammed ElBaradei, qui milite pour la démocratisation de l’Égypte depuis son retour au pays au début de l’année, il poursuit sa collecte de signatures en faveur d’une réforme de la Constitution qui permettrait aux indépendants, dont il fait partie, de se présenter à la présidentielle, ainsi que l’organisation d’élections libres et transparentes. Plus de 800 000 signatures ont été réunies pour en faveur du « changement » prôné par le Prix Nobel de la Paix.

Alors que la scène politique s’agite autour de l’élection présidentielle prévue en novembre 2011, Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans, reste de marbre. Le président égyptien n’a pas fait savoir s’il se présentait de nouveau, ni s’il soutenait une candidature de son fils. Mais un chose est sûre : « S’il décide de se présenter, nous allons le soutenir à 100%», a déclaré Alieddine Hilal, le secrétaire à l’information du PND. Le vieux raïs n’a pas encore dit son dernier mot.

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