À quelques jours de l’élection présidentielle en Centrafrique, l’accord politique passé entre François Bozizé et Anicet Georges-Dologuélé suscite la polémique. Beaucoup redoutent en effet que l’ancien Président centrafricain, qui figure dans le viseur de la Justice centrafricaine et de la CPI, ne bénéficie d’une impunité en cas de victoire de Dologuélé.
C’est un accord qui passe mal à Bangui et dans la sous-région. Après avoir vu sa candidature à l’élection présidentielle rejetée par l’Autorité nationale des élections, l’ex-Président François Bozizé tente par tous les moyens de se maintenir dans le jeu politique centrafricain.
Pour ce faire, son parti, le Kwa Na Kwa, a signé cette semaine un accord électoral avec l’un des candidats à l’élection présidentielle, Anicet-Georges Dologuélé. Pour Arsène, qui tient une petite boutique dans le quartier Combattant, « il s’agit d’un calcul électoraliste cynique. C’est irresponsable de remettre en scelle celui-là même qui a contribué à plonger le pays dans la pire crise qu’ait connue son histoire« .
François Bozizé figure en effet sur la liste dite des personnalités « sanctionnables » des Nations Unies et des États-Unis pour son rôle dans les troubles qui ont endeuillés la RCA ces derniers mois. « Sans compter le fait que ses dix années passées au pouvoir ont été caractérisées par un népotisme, une gabegie et une corruption sans précédent. Tout cela a plongé la Centrafrique dans l’ornière dans laquelle elle se trouve aujourd’hui« , ajoute Marceline, une femme d’affaires centrafricaine, qui se rend régulièrement à Douala.
« Même après avoir été chassé du pouvoir en 2013, François Bozizé a continué à attiser la haine, en entretenant une rébellion armée responsable de nombreux crimes« , analyse un fin connaisseur du pays. Pas plus tard que le 13 décembre dernier, la tenue du référendum d’approbation de la nouvelle Constitution avait été perturbée notamment par des groupes proches de l’ex-président centrafricain, François Bozizé, entraînant ainsi une nouvelle mise en garde de la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda.
Dologuélé joue son avenir politique, Bozizé son avenir judiciaire
« Dologuélé justifie cet accord par la nécessité de faire la paix. Mais il s’agit en réalité d’un habillage marketing destiné à vendre à l’opinion publique nationale et internationale un deal électoral avec une personnalité jugée infréquentable. Or il ne peut y avoir de paix et de réconciliation sans justice« , renchérit notre interlocuteur. À Bangui, nombreux sont ceux à penser que du point de vue de Bozizé, cet accord est motivé par la volonté de conserver son influence sur la scène politique centrafricaine, mais également par la volonté d’obtenir à terme la garantie d’une immunité judiciaire, la justice centrafricaine et internationale s’intéressant de près à son cas.
Dologuélé à quitte ou double
Sur les réseaux sociaux, les réactions outrées sont légions. « Cet accord funeste rappelle celui signé dernièrement en Guinée entre Cellou Dalein Diallo et Dadis Camara« , peut-on lire sur Twitter ; et sur Facebook : « Dologuélé a signé un pacte avec le diable« .
Qu’est-ce qui a donc motivé le leader de l’URCA à passer un tel accord ? Pour ce responsable d’une ONG spécialisée dans l’observation électorale, Anicet Georges-Dologuélé, de peur de se retrouver en troisième position au soir du premier tour tente de nouer toutes les alliances politiques possibles, même les moins recommandables. « La probabilité que Martin Ziguélé soit présent au second tour étant très forte, la seconde place se jouera entre lui et Karim Meckassoua qui mène une campagne très offensive. Dologuéle tente donc le tout pour le tout car il sait que les reins de son nouveau parti l’URCA, ne sont pas suffisamment solides« , analyse-t-il.
Quand bien même, il n’est pas certain que le calcul fait par Dologuélé sur le plan électoral soit le bon. En effet, le KNK, autre fois parti-Etat, est désormais affaibli et surtout très divisé. Dès le lendemain de sa signature, certains de ses responsables se sont empressés de dénoncer cet accord, à l’instar de Samuel Toko Feisse, membre du bureau politique et coordonnateur de la base du parti. De fait, beaucoup de ses militants ne se reconnaissent plus dans les instances dirigeantes du KNK et notamment dans son Secrétaire général, Bertin Béa. Parmi eux, nombreux sont ceux à avoir rejoint les rangs des antibalakas, un mouvement très hétérogène dont les leaders appellent à voter pour des candidats différents.
Anicet-Georges Dologuélé court-il le risque de ternir son image sans profiter pleinement des fruits électoraux de son accord avec Bozizé ? Verdict dans quelques jours.