Le Togo votait, jeudi, pour désigner son futur président. Alors que les acteurs politiques et observateurs saluent un scrutin calme, des tentatives de fraudes ont été décelées dans plusieurs quartiers de Lomé. Reportage.
La bonne ambiance n’a duré que trois petites heures au centre de vote de l’école primaire catholique de Bassadji. Vers 10h, jeudi 4 mars, jour du scrutin présidentiel au Togo, une tentative de fraude est déjouée par les électeurs présents dans l’une des salles aux murs beige. Dans la cour de l’institution, une foule importante de riverains se presse dans les différents bureaux afin d’effectuer leur devoir civique. Dans l’une des salles destinées au vote, une dame tente de faire suspendre le scrutin quelques minutes. En vain. Car le président du bureau s’y oppose.
Selon les personnes présentes, celle-ci possédait un laissez-passer lui ayant permis d’accéder directement à l’une de ces salles. « Sa nervosité et son grand sac nous intriguait tous. Certains jeunes présents l’ont poursuivit pour s’en saisir », raconte Komlan, 32 ans, chauffeur et témoin direct de la scène. « A l’intérieur, nous y avons découvert de nombreux mandats (procurations) signés et remplies mais certains ne l’étaient pas encore alors qu’elles étaient signées et tamponnées. » Les membres de la force de sécurité FOSEP assignés à ce poste interviennent. Mais les citoyens concernés, méfiants, refusent de leur remettre le sac et préfèrent le confier aux représentants de l’Union des Forces du Changement (UFC). Ces derniers l’ont transmis au siège parlementaire du principal parti de l’opposition, situé dans le quartier d’Attikpodji, à Lomé.
Nombreuses tentatives de fraudes signalées
Sur le boulevard du 13 janvier d’habitude très fréquenté, le trafic reste très faible. La plupart des Togolais sont restés chez eux par peur d’événements violents. Le président de la jeunesse UFC Lomé-commune, Jean Eklou, lui, est bien à son poste. « Chaque parti doit avoir un seul représentant dans chaque bureau, or le RPT ne respecte pas cette obligation. De plus, le RPT a distribué parfois cinq, dix, quinze, vingt mandats par personne. C’est contraire à la loi », précise le représentant du principal parti d’opposition du pays. « Dans plusieurs centres, des jeunes ont constatés cela et s’en sont pris à ces personnes portant souvent des mallettes ou sacs. Au final, ils y ont découvert des mandats frauduleux que nos observateurs nous amènent au fur et à mesure. » A noter, lors de l’incident, qu’aucun observateur international n’était présent dans le petit bureau.
Seuls les nationaux – 3300 personnes – ont assisté au problème dans le quartier populaire de Bassadji. Pourtant, 40 observateurs de l’Union Africaine (UA) sont présents au Togo, et depuis le 23 février pour les premiers d’entre eux. En Outre, les observateurs de l’Union Européenne (UE) et de la CEDEAO sont également déployés sur l’ensemble du territoire. Au total, ils seraient des centaines déployées sur tout le territoire. Mais, apparemment pas dans les petits bureaux qui, jeudi, posèrent problème.
Dans 18 bureaux de vote de la capitale – il existe environ 500 bureaux dans la ville et 6000 dans l’ensemble du pays –, tous les mandats saisis étaient en faveur du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT). La liste non exhaustive qu’Afrik.com s’est procurée fait état de plusieurs quartiers modestes : l’école de Bè Plage, l’école primaire Cité du Port, l’école primaire publique ainsi que du lycée de Gbényédji, l’école primaire évangélique de Lomnava, l’école publique évangélique et également publique du quartier de Pa de Souza, les écoles primaires publiques Felicio de Souza I et II, l’école primaire publique de Bè Gare, Gbetsiogbé et d’Ablogamé. Les textes de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) indiquent pourtant qu’un électeur ne peut pas représenter plus d’une personne physique. Et que celle-ci doit appartenir à son propre bureau de vote. Or, les documents saisis à dix huit endroits différents prouvent que chacun des fraudeurs interceptés auraient possédé un nombre indéfini de mandats, et que la règle d’appartenance au même centre n’aurait également pas été respectée.
Des événements source de tensions ?
Au sortir de son vote, le président sortant Faure Gnassingbé a affiché sa « confiance », ajoutant qu’il attend les résultats. Lors de la campagne, clôturée ce mardi 2 mars, le président-candidat avait déjà exhorté les quelques 3 281 000 électeurs du pays à « éviter à tout prix de susciter de nouvelles tensions. » Pourtant, les quelques tentatives de fraudes constatées ne sont pas de nature à apaiser la population. Et d’autres incidents du même ordre, non encore étayés, commencent à circuler ce matin…
Le souhait d’une « présidentielle 2010 calquée sur le modèle ghanéen », formulé par le candidat Faure lui-même, a échoué. Cependant, un gage de bonne volonté majeur est intervenu lors du processus électoral : le report – vivement souhaité par l’opposition dénonçant un fichier gonflé dans les régions du nord – de la date du scrutin du 28 février au 4 mars. Reste à savoir si ce nouveau « test » électoral sera favorable au fils du précédent président, Gnassingbé Eyadema, en dépit des tensions et incidents. La population reste dans l’attente du taux de participation et des résultats provisoires qui tardent encore à être proclamés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). « Coutume » par trop habituelle dans ce pays du Golfe de Guinée.
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