Par Fatou Sall
Le président togolais, Faure Eyadema, a donné son dernier meeting, hier, à Kara, le fief de son père et prédécesseur, Gnassingbé Eyadema, au nord du pays. L’élection présidentielle doit se tenir demain, 4 mars.
La température est montée d’un cran, hier, en cette dernière journée de campagne de l’élection présidentielle togolaise à un tour. Il doit être environ 14h, le soleil nous éclaire de ses plus beaux rayons et le thermomètre affiche environ 45 degrés. Pour autant, la grande esplanade du palais des Congrès de Kara ne désemplit pas. Une foule compacte composée de milliers de personnes afflue de tous côtés.
Un véritable marché s’est déplacé aux abords du palais pour l’occasion. Les femmes sont venues en nombre vendre des jus, de l’eau, du poisson grillé, de la pâte… Le tchoukoutou, la boisson locale, remporte indéniablement le plus de succès. Pour preuve, la quantité de bars improvisés sous les manguiers donnerait presque le tournis au regard de l’ivresse enjouée des passants. Certains ont marché des kilomètres et sont venus de tous les cantons de la préfecture de Kara, région Nord du Togo, applaudir leur homme, Faure.
Le Blanc est de mise. C’est la couleur du candidat pour le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) : Faure E Eyadéma. Tout du long de la route qui mène de Pya, sa ville natale, à Kara, lieu du meeting où il a fait ses études secondaires, les troncs des arbres ont été peints, la route aussi. Des affiches aux slogans fédérateurs tels que « plus loin, plus haut, plus Faure » ont été collées tous les dix mètres aux alentours de la grande place. « Essozima, c’est le choix de Dieu » est celle qui trône au sommet du palais.
D’ailleurs, les prêtres traditionnels de l’ethnie kabyè, majoritaire au Nord et dont est issue pour moitié Faure Eyadéma, se sont parés de leurs plus belles peaux de bêtes. Postés au bord du goudron, à l’entrée du Palais, ils ont pour mission de bénir l’arrivée de leur messie.
« Dans le Nord, tout le monde vote Faure !»
Pour son dernier meeting après 15 jours d’une campagne qui s’est déroulée dans le calme, Faure Essozima Eyadéma a choisi de finir son marathon togolais chez lui, en territoire conquis. « Dans le Nord, tout le monde vote Faure, malgré le fait qu’il s’occupe un peu plus de développer le Sud », confie un passant.
Même si la réconciliation est de mise dans les discours officiels, la scission Nord Sud au sein du petit territoire togolais ne date pas d’aujourd’hui. Les Kabyè, majoritairement présents au Nord (dont était issu Eyadema père), semblent persuadés que si les Ewés, ethnie présente dans le Sud, obtiennent le pouvoir, ils deviendront les laissés-pour-compte du Togo. Et cela semble une raison valable pour voter Faure.
En effet, depuis 5 ans qu’il est pouvoir et après une élection qui s’est achevé dans le sang, Faure Gnassingbé Eyadéma a fait de la réconciliation du peuple togolais son cheval de bataille politique.
Sa mère étant du Sud et feu son père du Nord, il porte en lui le symbole de cette réconciliation.
Pourtant au sein du peuple togolais les choses ne sont pas si simples : « par le passé, c’est parce qu’Eyadema, le père de la Nation, à conserver le pouvoir 40 ans que le Nord du pays a pu connaître un début de développement économique. Faut savoir que les premières écoles sont arrivées dans la région après son arrivée au pouvoir ! Avant les gens du Sud ne voulaient pas que, nous, les Kabiyés soyons instruis. Moi, c’est ce que mes parents m’ont raconté et je les crois. Je voterai donc Faure ! » Cet étudiant à l’université de Kara expose là, une parti de la rancœur qui gangrène les rapports entre le Nord et le Sud du Togo. « S’ils reviennent, ce sera encore plus dur pour nous les Kabyè ! » conclut-il.
Le moment fatidique approche, Faure est annoncé comme arrivant d’une minute à l’autre. Une espèce d’euphorie collective s’empare du public.
En rangs serrés, la fédération du RPT (parti au pouvoir) de la région de la Kara se met en place, la chorale de l’Université entonne quelques chants vantant les louages de l’homme bien né qu’est leur candidat.
« La famille Eyadema c’est le Togo !», lance un partisan.
En 2010 toujours, nombreux sont les Togolais, parce qu’ils aiment cette famille, qui voteront pour elle à travers l’enfant du Père de la Nation. Ici, c’est une raison qui a ses arguments. La « monarchie » Eyadéma est inscrite dans l’Histoire du Togo. Faure Gnassingbé Eyadéma l’a bien compris et exhorte la foule dans un discours d’à peine 15 minute, uniquement axé sur la question de la réconciliation, à aller aux urnes en paix. Il finira son discours en kabyè comme pour confirmer à son auditoire qu’il est et sera toujours l’un des leurs.