Préserver son hymen


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Certificat de virginité
Certificat de virginité

Certains musulmans mesurent la vertu d’une femme à sa virginité. Du coup, en prévision ou à l’approche d’un mariage, celles qui ont succombé à l’appel de la chair trouvent des artifices pour saigner la nuit de noces ou faire croire que leur hymen est resté intact. D’autres adoptent une sexualité préservant la membrane.

« En fait, la plus grande erreur que j’ai faite est que j’aurais dû lui dire au début de notre rencontre. Mais je courais un risque si je le faisais car il est proche de ma famille. S’il leur avait répété que je n’étais plus vierge, ça n’aurait pas été bon pour ma réputation. En gros, j’allais passer pour une pute », raconte Lamia*, une Marocaine de 19 ans qui vit à Paris. « Passer pour une pute », c’est la hantise de nombreuses femmes, majoritairement de confession musulmane, qui ont perdu leur virginité lors d’une agression sexuelle ou avec un autre homme que leur petit ami ou futur mari.

Un crime d’honneur pour cacher la honte

Prises en étau entre la tradition et leur culture française, ces jeunes femmes, pour la plupart maghrébines, culpabilisent d’avoir cédé à l’appel de la chair et s’interrogent sur leur avenir. Car il se peut que l’élu de leur cœur recherche une femme vierge, même s’il est sexuellement expérimenté. Résultat, celles qui sont déflorées vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Elles ne veulent pas décevoir leur famille et leur belle-famille ou provoquer un scandale.

Certaines veulent aussi éviter le pire. « Il y a une réelle détresse. Des filles sont répudiées ou flinguées par leur frère une fois de retour au pays. Certaines viennent me voir pour que je les aide parce qu’elle ont entendu parler d’une cousine ou d’une sœur qui l’ont vécu », confie le Dr Stéphane Saint-Léger, qui exerce à l’hôpital Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois.

Pourtant, « en islam, aucun texte, aucune référence historique ne mentionne qu’une femme doit saigner ou avoir un hymen intact pour vérifier sa virginité, ou que quelqu’un a le droit de la vérifier », rappelle sur son site la Ligue française de la femme musulmane. Dans les faits, les choses se passent parfois différemment et, s’il tend à reculer, le rituel du drap taché de sang lors de la nuit de noces n’est pas enterré. Par endroits, on trouverait même encore des matrones qui passent les mains entre les jambes de la jeune bru pour s’assurer qu’elle a bien saigné…

« Courtes pénétrations pour préserver l’hymen »

Des coutumes qui peuvent se révéler injustes puisque, lors de la première pénétration, toutes les filles ne saignent pas. Il existe en effet des hymens dits « complaisants », qui sont larges et ne cèdent pas sous la pression pénienne. « C’était bien connu dans le Maghreb. Et, en Egypte, des médecins étaient assermentés pour vérifier la virginité », indique un gynécologue, qui préfère conserver l’anonymat. Conscientes de ces disparités anatomiques, des familles font constater la virginité chez un médecin si la fille ne saigne pas le jour J.

Il semble toutefois que le mythe qui veut que la membrane saigne irrémédiablement reste vivace. Résultat, certaines femmes tentent tant bien que mal de se préserver. « Il y a une telle angoisse, une telle obsession et une telle hantise qu’elles n’autorisent que de courtes pénétrations pour garder un hymen intacte. Des dames m’ont dit qu’elles devaient forcément passer par la sodomie », commente François Mulet, un médecin généraliste d’Angers spécialiste en orthogénie (suivi gynécologique, interventions volontaires de grossesse, du planning familial…)

Parler, c’est risquer la rupture

Les autres dissimulent leur passé sexuel à leur partenaire. Il faut dire que celles qui se sont risquées à mettre au parfum l’homme dont elles partagent la vie l’ont parfois amèrement regretté. « J’ai des copines qui ont 20, 21 ou 22 ans. Quand elles disent la vérité, la relation ne va pas loin. Et si ça continue, c’est sur de mauvaises bases », explique Lamia.

La crainte du secret découvert plonge les femmes dans un état proche du désespoir. Du coup, lorsqu’approche l’échéance maritale – parfois arrangée ou forcée – elles trouvent des artifices pour faire croire que l’hymen est resté intact. D’aucunes s’activent pour obtenir un certificat de virginité, dans quelques cas avec le soutien de leur petit ami, du futur époux ou de leur mère. Cette option représente surtout – pour celles qui étudient dans l’Hexagone, par exemple – une échappatoire à l’examen avec le gynécologue de leur mère une fois de retour au pays.

Certificat de virginité et hyménoplastie

En 2003, le vice-président en place du Conseil national de l’ordre des médecins expliquait sur le site de l’organisation qu’un praticien « doit refuser cet examen et la rédaction d’un tel certificat » si la demande se base sur un critère religieux. Le Dr Jean Pouillard soulignait qu’accéder à une telle requête constituait « une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme, notamment mineure, contrainte par son entourage de s’y soumettre ».

Cependant, arguant qu’il s’agit de protéger des vies en danger, des médecins acceptent de délivrer des certificats de virginité. « Mais dans un souci de déontologie, je ne dis pas que la fille est vierge, mais qu’aucun élément ne me permet de dire qu’elle ne l’est pas », souligne le Dr François Mulet.

Autre subterfuge : la réfection de l’hymen, ou hyménoplastie. Cette intervention chirurgicale consiste à reconstruire artificiellement la membrane pour provoquer un saignement lors de ce qui doit passer pour la première pénétration. Comme pour le certificat de virginité, le corps médical est divisé sur cette pratique, qui peut se révéler extrêmement onéreuse. Lamia, notre jeune Marocaine, ne s’est même pas posé la question. Pour elle, cette opération était une évidence. D’autant que sa famille prépare en grande pompe ses fiançailles et qu’elle sait que son petit ami renoncera au mariage s’il apprend la vérité.

*Son prénom a été changé

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