«Le gouvernement équato-guinéen a lancé, le week-end dernier, une vaste opération d’identification et de renouvellement des papiers. Celle-ci ne concernait pas seulement les Camerounais. Mais comme le Cameroun y a une forte colonie, alors cela laisse croire que, seuls mes compatriotes étaient ciblés». C’est la quintessence de la déclaration faite par Désiré Jean-Claude Owono Menguelé, ambassadeur du Cameroun en Guinée Equatoriale.
La question de la libre circulation des personnes est une des pierres d’achoppement entre les Etats membres de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Cette mésentente est liée à une multitude de raisons, dont certaines participent de constructions imaginaires développées en particulier au Gabon et en Guinée équatoriale.
Trois grands mythes sous-tendent le refus manifeste de ces deux Etats d’appliquer le principe communautaire de la libre circulation des personnes : il s’agit des mythes de l’invasion démographique, de la spoliation économique et de la perversion sociale associée à la délinquance d’origine étrangère. Fortement ancrées dans les consciences nationales, ces représentations s’expriment à travers des politiques migratoires et des pratiques frontalières particulièrement discriminatoires à l’égard des ressortissants de la sous-région.
«Les conditions de vie très difficiles dans notre pays, sont les principales raisons qui poussent les Camerounais, jeunes et vieux, à aller, pour ne pas dire «envahir» les pays voisins que sont : le Gabon, la Guinée Equatoriale, la RCA, le Tchad. Parmi ces ressortissants camerounais, il y en a qui s’efforcent à avoir les papiers, mais d’autres, par contre évoluent dans l’illégalité. Alors, quand un gouvernement de ces pays lance une opération du genre, on enregistre toujours de nombreux dégâts matériels, y compris des pertes en vie humaine. Je note pour le déplorer que la «libre circulation» en zone CEMAC, est loin d’être une réalité», déclare Olivier Kana, ancien expatrié.
Le complexe d’infériorité par le nombre que paraissent nourrir le Gabon et la Guinée Equatoriale, les deux Etats démographiquement les plus faibles de l’Afrique Centrale, nous semble être un des fondements de leurs politiques migratoires exclusives. Un fait tend à attester ce complexe : le gonflement des statistiques démographiques officielles. Généralement interprétée comme un moyen de justifier, aux yeux des bailleurs de fonds et organismes multilatéraux, les dépenses par trop excessives des gouvernants, ainsi que leur incapacité à redistribuer équitablement les richesses nationales.
Cette pratique du surplus démographique peut être aussi perçue comme un alibi géopolitique. Précisément, l’augmentation artificielle du nombre d’étrangers, constatée particulièrement en Guinée Equatoriale, permet d’accréditer la célèbre thèse de l’invasion démographique d’origine étrangère, et donc, de justifier le maintien, par cette nation numériquement défavorisée, d’une clause migratoire particulière. Autrement dit, la pratique d’expulsions massives d’immigrés.