Pour Stéphane Pocrain, porte-parole des Verts, le vote des étrangers aux élections locales et européennes en France n’est pas qu’affaire de justice politique. Il permettrait aussi de » décadenasser » la vie politique. Le parti écologiste, qui fait partie du gouvernement, est le principal promoteur de cette idée dans la gauche française.
A 27 ans, Stéphane Pocrain est déjà un homme politique très aguerri, nanti d’un discours parfaitement structuré et de toute la souplesse nécessaire à sa fonction de porte-parole des Verts. Originaire des Antilles françaises, Stéphane a grandi à Massy, dans les cités de la banlieue Sud de Paris. Il est arrivé en 1997 au parti écologiste – membre de la coalition de la » gauche plurielle » actuellement au pouvoir en France -, aux côtés de Noël Mamère avec lequel il venait de quitter Génération Ecologie. Partisan de l’ancrage des Verts à gauche, le jeune homme affiche déjà dix ans de militantisme, d’abord associatif au sein de sa cité, puis lycéen et enfin politique. Il expose ici la stratégie des Verts en faveur du vote des étrangers résidant en France. André Aschieri, député Vert des Alpes-Maritimes, défend actuellement une proposition de loi sur ce thème.
La question du droit de vote des étrangers » non-communautaires » a été réglée positivement dans plusieurs pays d’Europe, comme les Pays-Bas, ou l’Irlande dès les années 60. Pourquoi piétine-t-elle en France ?
Stéphane Pocrain : Je crois que, paradoxalement, la France paie la richesse de son rapport avec la République. On sacralise trop le lien entre citoyenneté et nationalité. Pourtant, quoi de plus naturel, quand on vit, travaille et paye des impôts quelque part, que d’assumer une citoyenneté politique ? D’autant qu’il s’agit d’être électeur et éligible aux élections locales – c’est-à-dire municipales, cantonales et régionales – ainsi qu’aux élections européennes, et pas de participer aux législatives ou à la présidentielle qui forment le cadre politique national. Le couple citoyenneté – nationalité ne saurait, et encore, se justifier que dans ce contexte. Mais il continue d’être mis en avant, notamment par le Premier ministre Lionel Jospin.
Je constate par ailleurs que certains étrangers, ceux qui sont issus de l’Union européenne, peuvent voter en France aux élections qui ne sont pas nationales. Sont-ils plus légitimes que les autres étrangers, notamment ceux qui vivent en France depuis des décennies ?
A vos yeux, la question du vote des étrangers est liée au renouvellement de la politique ?
Stéphane Pocrain : Elle en fait partie au même titre que la parité, que la proportionnelle ou que la limitation du cumul des mandats. L’enjeu, c’est la possibilité de décadenasser la vie politique ; de faire en sorte qu’il ne soit plus indispensable, pour détenir un mandat, d’être un homme blanc de plus de cinquante ans et faisant partie des classes moyennes à supérieures.
N’y a-t-il pas quelque chose d’un peu factice dans le parcours électoral de la proposition de loi actuelle, puisque chacun sait que le Sénat, qui doit voter le texte dans les mêmes termes que l’Assemblée, le rejettera ?
Stéphane Pocrain : Ce qui n’est pas factice, c’est que le débat est enfin relancé, dix-neuf ans après la suggestion sans lendemain de Mitterrand. Il faut rendre hommage aux sans-papiers, qui ont permis de remettre la question des étrangers dans le débat politique de façon positive. Grâce à eux, on est enfin sorti des débats sécuritaires que l’extrême-droite avait imposés dans les années 80. Quant à l’idée du vote des étrangers, notre proposition de loi l’a remise en mouvement, même s’il reste beaucoup de travail à faire. Elle nous a également permis de demander au gouvernement de s’engager, en reprenant le texte à son compte pour lui donner plus de poids.
Il l’a refusé, et de toutes façons cela ne changerait rien face au Sénat.
Stéphane Pocrain : Jospin a refusé, oui. Mais le PS a accepté la discussion, même s’il a voulu limiter la possibilité de vote aux élections municipales. Les communistes, le Mouvement des citoyens et les Radicaux sont d’accord aussi. C’est un début pour toute la gauche plurielle.
Les Verts, qui sont au gouvernement, ont-ils poussé aussi fort qu’ils le pouvaient ?
Stéphane Pocrain : C’est un sujet de débat chez nous. Certains, dont je suis, pensent que nos ministres n’ont pas été suffisamment entendus dans la discussion et que nous devrions faire du vote des étrangers un élément-clé de notre participation au pouvoir. Cependant, il nous faut nous souvenir que le PS avait refusé d’inscrire cette question dans nos accords électoraux du printemps de 1997.