Cette question m’avait été posée par le Premier ministre sortant Sylvestre Ilunga Ilunkamba, lors d’une longue et cordiale conversation que j’ai eu avec lui, avant l’investiture de son gouvernement au Parlement.
Le Premier ministre du premier gouvernement du Président Félix Tshisekedi m’avait fait l’honneur de me faire part de son expérience de la réforme des entreprises publiques qu’il avait pilotée. Ensuite, il m’a écouté attentivement lui parler de la nécessité de la réforme de l’administration publique congolaise. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, c’était le jeudi 5 septembre 2019 à 13h30, dans son bureau privé à Kempinski Hotel Fleuve Congo, la veille de son investiture par l’Assemblée nationale, le vendredi 6 septembre 2019.
Nous avons longuement échangé sur les axes de réforme prioritaires de l’administration publique congolaise, pour espérer obtenir des résultats concrets et avoir un impact à long terme de l’action de son gouvernement.
Nous nous sommes déplacés par la suite, dans son salon privé, où nous avons été rejoints par l’ambassadeur du Canada, Nicolas Simard, et avons continué la conversation à trois, sur le même sujet, pendant un bon moment, avant que l’ambassadeur ne se retire et que, à la demande du Premier ministre, je reste encore quelques temps pour continuer l’échange sur le même sujet.
J’étais très impressionné et séduit par sa simplicité, son austérité et surtout sa volonté de s’engager dans un processus de réformes structurelles profondes et nécessaires pour lutter efficacement contre le phénomène des agents fictifs émargeant au budget de l’État. En tout état de cause, j’ai cru avoir trouvé chez le Premier ministre une oreille attentive pour la mise en œuvre effective d’une réforme ambitieuse qui permettrait au gouvernement de maîtriser les effectifs réels des agents et fonctionnaires des services publics de l’État.
Hélas, après presque vingt mois passés à la tête du gouvernement, pas grand-chose n’a été fait dans ce domaine. Le gouvernement n’a pas été en mesure de dresser un tableau complet des effectifs réels de la Fonction publique, et donc pas en mesure de contrôler la masse salariale allouée au personnel réellement au service de l’État. Les agents fictifs continuent de gruger encore, en masse, le budget de la Fonction publique.
Les axes de réforme prioritaires
La réforme de l’administration publique reste encore à mener et devra aller de pair avec l’adoption des nouveaux cadres juridiques visant à plus de transparence, de responsabilité et d’efficacité de la fonction publique, pour permettre à la République démocratique du Congo de s’aligner sur la voie du développement.
Les axes de réforme prioritaires qui devront être menées, à court et à moyen termes, seront notamment de décréter le gel des embauches dans la Fonction publique ; de procéder au recensement rigoureux et systématique des agents de l’État, pour extirper les agents fictifs pléthoriques, civils et militaires ; de moderniser et rationaliser le système de paye et des incitations salariales ; d’investir dans le capital humain et la formation permanente, afin d’en ressentir les effets bénéfiques sur le long terme.
Ceci étant dit, le succès du programme du prochain gouvernement dépendra dans une large mesure de la capacité de l’administration publique congolaise à mettre en œuvre les politiques publiques définies par le gouvernement et à gérer les fonds publics de manière responsable, afin de réaliser les objectifs bien spécifiques.
En tout état de cause, nous continuons de penser que si l’on n’entreprend pas une réforme profonde, la Fonction publique, dans sa configuration actuelle, ne permettra pas au prochain gouvernement d’assurer les services appropriés aux citoyens, de gérer l’économie judicieusement, d’améliorer le climat des affaires et de promouvoir le développement du secteur privé créateur d’emplois. Toutes les déclarations et discours politiques bien intentionnés demeureront des lettres mortes.
Isidore Kwandja Ngembo, politologue et analyste des politiques publiques
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