Pourquoi le PMU camerounais est-il si mauvais payeur ?


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arton29598

Mercredi 13 mars, en me rendant au quartier dit Hippodrome, connu pour accueillir par exemple la rue des banques (Société Générale, Citi Bank, UBA, etc.) ou le Lycée français Fustel de Coulanges, j’ai eu le désagrément de battre le pavé de l’hôtel de ville jusqu’à mon lieu de rendez-vous, à EDC (Electricité du Cameroun), sous un soleil de fou, au milieu de scènes de cohue. C’était noir de monde. Une masse essentiellement féminine, aux couleurs roses du Pari Mutuel Urbain, faisait grève et obstruait l’étroite chaussée.

Asthmatiques et claustrophobes s’abstenir

Si étroite qu’elle soit, la chaussée ne les changeait pas tellement des endroits dans lesquels elles travaillent au quotidien : des boxes exigus, sans aucun confort, qui ne protègent des intempéries que celles qui ont choisi de s’étouffer. Inutile de préciser qu’elles ne bénéficient d’aucune couverture sociale ou sanitaire. Les « caissières », les « vendeuses » du PMU étaient en colère. Au moment où mon hôte d’EDC essaie de me conduire dans les bureaux du quatrième étage, l’une de ces caissières en furie se met spontanément à m’expliquer que la société qui l’emploie a été prompte à glisser une enveloppe de FCFA 2.000.000 (environ euros 3.000) au sous-préfet, appelé en renfort pour distraire les manifestants.

Le PMUC est l’avatar camerounais du PMU. Il n’y a ici que des éléments de dissemblances d’avec les sociétés françaises de course et le GIE (groupement d’intérêt économique) dont le PMU est la dénomination. Le PMU camerounais a des relations qui n’ont jamais été élucidées avec les pouvoirs publics camerounais. Aucune mission de police, aucun organe camerounais, ne veillent à la régularité des courses et l’exactitude des gains promis et réalisés, ou la gestion des gains non réclamés. Les prélèvements fiscaux sont dignes d’un paradis fiscal et l’importance des flux d’argent n’a jamais (comme c’est étrange !) suscité la curiosité du législateur. Si la tutelle de l’Etat camerounais existe, elle est trop invisible pour être crédible.
En situation de monopole dans le marché camerounais des jeux hippiques, le PMU n’a pour ainsi dire aucun concurrent dans le domaine de la loterie et des jeux de hasard. Le PMU camerounais est chiche avec ses gagnants camerounais : il y a un an un parieur lésé portait plainte contre lui (www.diasporanews.eu/index.php?…pmuc…). Comme elle est chiche envers ses propres employés. Est-ce vraiment chicheté ou méchanceté pure et simple ?

Ce n’est pas ici que vous viendrez parler d’éthique et de morale publique… Cette idée même de faire des milliards de profits sur des millions de camerounais précaires, sans qu’en retour l’on ne puisse attribuer au PMU une réalisation sociale digne de ce nom ou justifier une affectation des surprofits à de nobles causes, cela m’écœure !

Parier nuit gravement à la santé de la société

Messapresse, autre société française, exerce un monopole improductif dans la distribution. Les pourcentages qu’elle s’octroie, ceux des libraires, ont beau être exorbitants, les kiosquiers sont des travailleurs précaires. Mais c’est là une autre histoire. Revenons au PMU, pour, à titre de comparaison, dévoiler le salaire moyen d’un caissier de PMU en France, qui est, en euros, de 1345 nets mensuels (FCFA 881.000). Même au Maroc, les caissières bénéficient d’un régime compétitif. Mais au Cameroun, le PMU a parié sur le dumping social. Ces Français-là ne s’embarrassent chez nous d’aucune logique : slavery as usual !

Que dit Paul Biya ?

4% de commission : c’est toujours mieux que rien ! Et selon la manifestante sus-évoquée, dont la moitié au moins des affirmations doit être vraie, deux mois d’arriérés leur sont dus. Tant pis pour ceux et celles qui sont dans des zones dépeuplées, certaines se retrouvent avec 2O euros soit environ FCFA 13.000 à la fin du mois. Tous sont payés à la commission et travaillent pourtant depuis 4 ans, comme la manifestante qui tout à l’heure n’en revenait pas de ce que des « Blancs » aient pu se servir de leur « propre frère » (sous-préfet) pour les maintenir dans la précarité et mettre leurs revendications sous le boisseau. Elle explique que depuis le temps, elle a développé parallèlement son petit commerce (call-box et vente à emporter de friandises) qui la fait joindre les deux bouts d’on ne sait trop quoi.
Mais que dit au juste le gouvernement du Cameroun ? Le Cameroun a-t-il un gouvernement ?

Alors se peut-il qu’il ignore les drames sociaux que vivent certains parieurs, les employés de ce métier dangereux, au bord de nos chaussées, et les observateurs de cette lente dérive ? Voilà bien un jeu qui ne fait rire que le PMU camerounais !

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