Des études menées en Ouganda et au Kenya montrent que les hommes circoncis ont entre 50% et 60% de chances en moins de contracter le virus du sida. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida s’appuie sur ces résultats pour promouvoir la circoncision dans la lutte contre le sida. Le chirurgien urologue sénégalais Abou Soufiane Daffe explique à Afrik les avantages de cette pratique.
En mars 2006, Afrik se demandait si bientôt on assisterait en Afrique à des campagnes de prévention du sida conseillant la circoncision des hommes. Il semble que cette hypothèse pourrait bientôt devenir réalité. Les résultats de deux nouvelles études en Ouganda et au Kenya, rendues publiques le 13 décembre, indiquent en effet que les hommes circoncis ont entre 50% à 60% de chances en moins de contracter le VIH/sida via une femme infectée. Ils confirment ainsi ceux d’une expérience menée en Afrique du Sud. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (Onusida) a donc encouragé, mardi, des circoncisions de masse. Surtout en Afrique australe, particulièrement touchée par l’épidémie qui concerne quelque 24,5 millions d’Africains selon le rapport 2005 de l’Onusida. Le chirurgien urologue sénégalais Abou Soufiane Daffe explique pourquoi l’ablation du prépuce réduit les risques d’infection chez les hommes.
Afrik.com : Les résultats des études en Afrique du Sud, Kenya et Ouganda vous surprennent-ils ?
Dr Abou Soufiane Daffe : Il est reconnu que la circoncision peut réduire de façon très notable la survenue de MST (maladies sexuellement transmissibles, ndlr), et donc le sida. Je le constate tous les jours dans ma pratique personnelle de la circoncision : ceux qui sont circoncis ont beaucoup moins d’infections que ceux qui ont le prépuce en place. C’est tout à fait logique.
Afrik.com : Pourquoi est-ce « logique » ?
Dr Abou Soufiane Daffe : Lors de rapports sexuels non protégés, le prépuce qui recouvre le gland peut constituer un réservoir de microbes, de germes et de champignons, à cause de la chaleur et de l’humidité qui caractérisent la muqueuse prépuciale, et ainsi favoriser les MST. Par ailleurs, quand on garde le prépuce, on souffre beaucoup plus de microtraumatisme : ce sont des traumatismes non visibles à l’œil nu qui peuvent se produire à chaque fois que l’on veut décalotter pour nettoyer.
Afrik.com : Qu’est-ce qui change lorsque l’on est circoncis ?
Dr Abou Soufiane Daffe : Lorsque l’on circoncit, les micro-traumatismes sont de fait beaucoup moins importants. D’autant plus que la peau du gland, qui reste toujours dehors, se durcit un peu et le « protège » de ces micro-traumatismes. Il faut aussi noter que les risques d’infection sont très réduits notamment parce que le virus du sida ne résiste pas à l’air libre.
Afrik.com : Pensez-vous que promouvoir la circoncision est une bonne idée pour faire reculer le sida ?
Dr Abou Soufiane Daffe : Oui, surtout dans nos pays où dans certains endroits on maîtrise mal l’hygiène du prépuce. Mais il faut que la circoncision soit entièrement médicalisée. Les conditions d’hygiène dans lesquelles les circoncisions traditionnelles, parfois ratées, sont faites sont souvent mauvaises. On peut couper le prépuce d’une dizaine d’enfants avec le même couteau, non stérilisé, et ensuite mettre de la bouse de vache ou des herbes pour cicatriser. Il faut aussi prendre en compte que le sida peut être développé par le fœtus au niveau congénital et que si le même couteau qui a servi à le circoncire sert pour d’autres enfants, ils risquent eux aussi d’être contaminés.