Pourquoi Biya n’osera jamais sortir du FCFA


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Le Cameroun est membre de la CEMAC et comme la plupart des pays francophones d’Afrique, il utilise comme monnaie le Franc des Colonies Françaises d’Afrique, cette monnaie administrée par la France à travers le trésor français et les deux banques centrales que sont la BEAC et la BCEAO. Malgré la même dénomination et la même valeur, les FCFA d’Afrique de l’Ouest et ceux d’Afrique Centrale ne sont pas interchangeables. D’ailleurs le plus surprenant est le gap imposé par les agences de changes européennes pour obtenir des Euros en échanges des FCFA, parfois jusqu’à 40% en moins par rapport à la valeur des FCFA.

Une république comme le Cameroun dont les dits souverainistes crypto biyaistes et leur Président -désormais plus bavard que sphinx– se targuent d’avoir renégocié les accords de défense et d’être presque sortis du giron français, pourrait en effet rapidement faire le choix souverain de sortir de cette monnaie ridicule, et se doter rapidement d’une planche à billet et d’une Banque centrale. Certain Docteur en Science politique me disait récemment qu’il suffisait de penser l’aspect institutionnel et constitutionnel qui garantirait l’indépendance de cette Banque centrale du système politique. Ensuite, le Cameroun se doterait d’une monnaie plus adaptée à sa compétitivité ou du moins à la taille de son potentiel économique.

Le Cameroun risquerait de revenir supplier une puissance étrangère

Mais pour comprendre pourquoi Biya n’ose même pas tendre l’oreille à ces panafricanistes d’Afrique Media financés pour la plupart depuis Malabo -qui veille à ce que leur financement leur parvienne sans qu’ils soient obligés d’user de la libre circulation en Afrique Centrale et ainsi se voir envahis panafricainement–, il faut remonter au début des années 90, lorsque, sous la houlette des experts du FMI, le gouvernement était contraint de laisser couler ses banques. Certains fonctionnaires proches du Président Biya, se seraient livrés à de vrais exercices de pillage de banques, détournant ainsi jusqu’à l’épargne des ménages camerounais. La corruption était encore gérable à ce niveau puisqu’elle n’en était qu’à ses débuts. C’était la rigueur et la moralisation ! La multiplication des exploits de casses défrayait la chronique et même jusque l’aide internationale censée permettre de boucler les budgets de l’Etat aurait aussi été détournée.

Mais là encore, le Cameroun n’avait pas encore franchi l’exploit du siècle. Les récents scandales dans le secteur de la microfinance, la mise en liquidation de la CBC et l’absence totale de régulation dans le système bancaire actuel auraient définitivement convaincu Biya que même en ayant la volonté politique, il ne parviendrait pas à gérer une monnaie de façon efficace, au contraire, il risquerait de démultiplier les caisses obscures et les fuites de liquidités dans l’ensemble du système financier camerounais. Car connaissant bien son propre laxisme et la créativité de ses amis en termes de montages en tout genre, le Cameroun risquerait, comme le Zimbabwe, de revenir quelque mois plus tard supplier une puissance étrangère ayant une monnaie bien gérée, d’injecter des liquidités dans son système. Notre panafricaniste Bob Mugabe s’y étant risqué, a été obligé de passer directement au Dollar Us depuis 2009, exposant ainsi son pays à des intempéries venues d’Occident. L’ex-Zaïre est également dans la même situation, sans oublier la Guinée Conakry qui est en train de renégocier un retour historique au FCFA.

Prendre le risque de perdre des élections et le pouvoir

Ceci n’est bien sûr pas une fatalité, il est tout à fait possible que le Cameroun se dote d’une monnaie et d’une planche à billets. Seulement, le préalable serait d’abord une vraie autonomie politique et un système démocratique, qui permettrait de faire fonctionner la responsabilité politique dans un écosystème ou le pouvoir exécutif et le judiciaire sont réellement indépendants. Ensuite, il s’agira de mettre en place de vrais outils de régulation financière avec des instruments de contrôle indépendants dont les rapports pourraient immédiatement servir de base d’enquête pour la justice, qui doit également se doter d’un pôle juridico-financier. Sans un système démocratique, aucun pays n’a pu gérer de façon efficace une monnaie. La Russie se souviendra encore douloureusement de ce que ça fait d’arrimer sa monnaie au pétrole tout en accumulant des dollars.

Le Président Biya étant donc bien évidement convaincu de son incapacité à freiner la corruption et à faire des réformes démocratiques, a simplement compris qu’au vu de son incompétence, le FCFA est un moindre mal. Mais surtout, il sait parfaitement que la souveraineté est d’abord politique, c’est-à-dire avoir une légitimité démocratique, s’affranchir de la tutelle de l’extérieur en faisant confiance à son peuple et par conséquent prendre le risque de perdre des élections et le pouvoir. Ce qui, à coup sûr, « dépersonnifie » la gestion du pouvoir et intègre le consensus républicain. La République peut ensuite respirer, se construire et ensuite développer de vrais leviers de souveraineté économique et monétaire.

Et Oui ! La souveraineté est une construction et non une incantation qui s’accommode de la dictature et de la médiocrité.

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