« Celui qui interdit l’étude des livres de philosophie à quelqu’un qui y est apte, parce qu’on juge que certains hommes de rien sont tombés dans l’erreur pour les avoir étudiés, nous disons qu’il ressemble à celui qui interdirait à une personne assoiffée de boire de l’eau fraîche et bonne et la ferait mourir de soif, sous prétexte qu’il y a des gens qui se sont noyés dans l’eau » (Ibn Rochd, les discours décisif, traduction française, éditions Flammarion, 1996).
L’Islam du savoir a existé pendant plusieurs siècles à l’époque médiévale. Il a toujours existé. Il existe toujours dans les esprits éclairés. Il a traversé les tourbillons de l’histoire. Il traverse toujours les vents dévastateurs. Cette culture islamique, portée par des mathématiciens, des astronomes, des physiciens, des chimistes, des poètes, des philosophes, des penseurs, des navigateurs au long cours, survit toujours dans les universités subjacentes, les retraites phosphorescentes, les transmissions efflorescentes pendant que la société est ankylosée par l’obscurantisme. Cet Islam éthique et didactique n’est jamais mort. Il hiberne quand sa sociosphère est plongée dans les ténèbres. Les temps présents n’échappent pas aux assombrissements théologiques. Les technologies cybernétiques, les performances numériques, sont habilement détournées à des fins prosélytes. Les entreprises de crétinisation, d’avilissement, utilisent les techniques efficientes de persuasion. Les obscurs, pourvus de leviers financiers considérables, se donnent pour raison d’être la destruction de l’intelligence. Les colporteurs des dogmes fossilisés ne mériteraient qu’indifférence si les médias ne donnaient tant d’importance aux ignorantismes triomphants. S’entretiennent les confusions, les suspicions, les tensions, qui assaillent de toutes parts la religion musulmane.
La religion musulmane, fondée sur deux principes intangibles, la relation directe de chaque croyant avec le Créateur, sans intermédiation parasitaire, et sur l’intime conviction démystifiante des manifestations hypocrites de piété, n’a point besoin d’un porte-parole cérémonieusement désigné ou péremptoirement autoproclamé. « Jamais un homme ne se proposa, volontairement ou involontairement, un but plus sublime, puisque ce but était surhumain : saper les superstitions entre la créature et le Créateur, rendre Dieu à l’homme et l’homme à Dieu, restaurer l’idée rationnelle et sainte de la divinité dans ce chaos de dieux matériels et défigurés par l’idolâtrie… Jamais homme n’accomplit en moins de temps une si immense et durable révolution du monde… » (Alphonse de la Martine (1790 – 1869), Histoire de la Turquie, éditions Librairie du Constitutionnel, 1855). L’Islam du savoir se décrypte dans la praxis andalouse. Le maître-livre d’Abou Bakr Ibn Tofail, Hayy Ibn Yaqdhan, en est un sémaphore emblématique.
Sur une île déserte au large de l’Inde, vit un enfant, Hayy ibn Yaqdhan, Le Vivant, fils du Vigilant, sans mère, sans père, élevé par une gazelle. Le garçon fait sa propre éducation. La contemplation succède à l’observation. La méditation complète la réflexion. Il passe progressivement des connaissances empiriques à l’intuition mystique. Un ermite, nommé Açal, en quête d’isolement, se retire sur la même île. Les deux hommes deviennent amis. Les connaissances théologiques de l’un et les connaissances philosophiques de l’autre se rejoignent. Açal propose à Hayy de l’accompagner dans la ville pour témoigner de son expérience. Se découvrent les lectures littérales des saintes écritures, les ritualités routinières, les prières mimétiques, les postures figées dans une croyance morte. Rejeté par la foule inculte, Hayy retourne définitivement sur son île et consacre sa vie à la méditation.
Hayy ibn Yaqdhan est un traité philosophique sous forme allégorique, imprégné de pensée platonicienne et aristotélicienne, qui reprend les principaux enseignements d’Ibn Sina. Le livre, fondateur d’un genre littéraire, est traduit en latin sous le titre Philosophus Autodidactus par Edward le jeune en 1671 et en anglais par Simon Ockley en 1705. Il devient aussitôt un best-seller. La traduction française par Léon Gauthier, éditions Imprimerie Orientale, Alger, 1900, connait un immense succès. L’ouvrage exerce une influence considérable sur la philosophie moderne. Isaac Newton, Thomas Hobbes, John Locke, Gottfried Wilhelm Leibnitz, Baruch Spinoza, Emmanuel Kant, et beaucoup d’autres, butinent ses fleurs singulières. Ibn Tofail introduit pour la première fois dans le champ philosophique des notions comme autoformation et tabula rasa, table rase, concept épistémologique selon lequel l’être humain naitrait avec un cerveau vierge, qui serait marqué, sensiblement impressionné, par la seule expérience.
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Abou Bakr Ibn Tofail (1110 – 1185), latinisé Abubacer, philosophe, poète, mathématicien, astronome, médecin, mystique soufi, digne successeur d’Ibn Sina (Avicenne, 980 – 1037)), incite son cadet Ibn Rochd (Averroès) à expliciter l’œuvre foisonnante, amphigourique d’Aristote. « Abou Bakr Ibn Tofail me dit un jour qu’il avait entendu le Calife se plaindre de la complexité des modes d’expression d’Aristote, de leurs mauvaises traductions et de la difficulté de comprendre cette pensée déterminante. Il fallait, par conséquent, un bon interprète de ces livres, capable de les clarifier après en avoir maîtrisé la forme et le contenu. Ibn Tofail ajouta à mon adresse : « Si tu as l’énergie pour cette entreprise, je suis confiant dans tes compétences. Seul mon grand âge et mes lourdes fonctions officielles m’empêchent d’accomplir cette tâche moi-même » (Ibn Rochd). Ibn Rochd tisse les liens entre la religion et la philosophie, la foi et la raison, la grâce et l’intelligence. S’initie le dialogue entre les monothéismes, le polythéisme, le paganisme, l’animisme, entre l’entendement physique et l’intuition métaphysique. La connaissance plurielle, diversitaire, nait de l’interculturalité. «Ce qui sera conforme à la vérité, nous le recevrons des Grecs avec joie et reconnaissance. Ce qui ne sera pas conforme à la vérité, nous le signalerons pour qu’on s’en garde, tout en les excusant » (Ibn Rochd). La révélation prophétique et la raison philosophique, la grâce spirituelle et l’analyse intellectuelle, concourent par deux voies complémentaires à la compréhension du massage divin. Ibn Rochd explicite dans son Discours décisif la connexion entre la révélation et la philosophie. Le philosophe doit, par le raisonnement, déceler le sens profond du texte sacré. Ses explications évitent au croyant de s’égarer dans les interprétations contradictoires, qui le jetteraient dans le scepticisme et le sectarisme, le criticisme et le dogmatisme. « Le Coran tout entier n’est qu’un appel à l’examen et à la réflexion, un éveil aux méthodes de l’examen » (Ibn Rochd). La connaissance intuitive des prophètes et la connaissance discursive des savants s’éclairent et s’élucident.
Ibn Rochd s’inspire de la conception platonicienne de fabriquant de l’univers pour élaborer son paradigme d’artisan divin. « Si l’acte de philosopher est l’examen des étants, la réflexion sur ces étants comme preuves de l’existence de l’artisan, la connaissance de l’artisan est d’autant plus parfaite qu’est parfaite la connaissance de sa fabrique. Si la révélation recommande de réfléchir sur les étants, il est évident que cette activité philosophique, en vertu de la loi révélée, est recommandable et recommandée ». Tout objet est nécessairement fabriqué par quelqu’un qui a conçu son projet. L’univers est forcément façonné par un agent créateur. La théorie métaphysique de l’artisan divin met en évidence le rôle du savant, capable de comprendre le processus de fabrication, au-delà de l’expérience sensorielle. La physique, science des étants naturels, conduit logiquement à la métaphysique (Ibn Rochd). L’Intellect agent génère en même temps les connaissances prophétiques et les savoirs scientifiques. La source et la finalité sont les mêmes. Les savants sont les continuateurs des prophètes. Leur inspiration est également divine.
L’Islam s’est affirmé, dès ses origines, une religion ouverte sur les sciences, les techniques, les innovations. Le Coran est une incitation à la lecture, une invitation à la culture, une émulation de la pensée. Le prophète a répondu par anticipation aux ignorantistes : « La recherche du savoir est une obligation pour tout musulman », « La science est plus méritoire que la prière », « Un seul homme de science a plus d’emprise sur le démon qu’un millier de dévots » (hadiths). La religion, la philosophie, la science sont ancrées dans les réalités du monde. Elles les transforment et en sont transformées. « Le christianisme nous a frustrés de la moisson de la culture antique, et, plus tard, il nous a encore frustrés de celle de la culture islamique. La merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce, a été foulée aux pieds… Les croisés combattirent plus tard quelque chose devant quoi ils auraient mieux fait de se prosterner dans la poussière… » (Friedrich Nietzsche (1844 – 1900), L’Antéchrist, 1888, traduction française, éditions Gallimard, 1974).
Ibn Rochd est, sans conteste, le premier concepteur de la laïcité, comme curiosité de toutes les cultures, de toutes les connaissances, comme séparation du politique et du théologique, de l’exotérique et de l’ésotérique, du transparent et de l’inapparent. Ibn Rochd préconise, dès le douzième siècle, la séparation du spirituel et du temporel, du théologique et du scientifique. Leurs vérités distinctes, inspirées par le même Intellect Agent cheminent différemment sans s’opposer et se rejoignent dans leur dessein. La bibliothèque de Michel de Montaigne (1533 – 1592) contient en bonne place les œuvres d’Ibn Rochd dont l’influence est perceptible tout au long des Essais. Le philosophe fait l’éloge de la diversité et définit la laïcité comme une manière libre de conférer de toutes choses, y compris des choses de la religion. Laïcité du grec laikos, peuple, et du latin laïcus, le peuple des croyants par opposition au clergé. Coexistence des croyances et des convictions, refus de toute emprise religieuse, spirituelle, théologique, sur la société. (Michel de Montaigne, artisan de la laïcité diversitaire par Mustapha Saha, La Cause Littéraire, 2018). Toute l’histoire de l’Islam est marquée par ses basculements entre ouvertures laïques et fermetures dogmatiques.
Ibn Rochd, dans son commentaire de De Anima d’Aristote, se pose des questions centrales, comment expliquer les relations du corps biologique, dynamique, énergique, indissociable de son biotope, de son environnement naturel, et la pensée, fabrique immatérielle d’idées, entité divine par excellence. Le champ de l’âme humaine semble illimité. Ses possibilités paraissent infinies. Quel sujet invisible explore ses potentialités pour alimenter notre conscience, notre compréhension des choses ? Quelle essence assure la réception de l’intelligible ? L’intellect agent est-il séparé de l’âme individuelle ? Ibn Rochd rejette l’individualité de l’âme condamnée à la disparition avec le corps. L’intellect, en revanche, existe séparément en tant que monopsychisme partagé par tous les humains. Se retrouve le concept platonicien d’anamnésie, une mémoire immortelle, intemporelle, cumulative de toutes les expériences, de toutes les connaissances humaines à travers les âges, transmissible de génération en génération.
Le long métrage Le destin (1997) de Youssef Chahine, tourné dans la cité médiévale de Carcassonne, évoque ce douzième siècle andalou, comparable aux temps contemporains, où s’affrontent les opacités fondamentalistes et les clairvoyances philosophiques. Le rigoriste Abou Hamid Al-Ghazali (1058 – 1111), Algazel, ombre pensante du califat abbasside, voue les philosophes aux géhennes, publie un livre vénéneux retournant la raison contre les rationalistes, L’Incohérence des philosophes (Tahafout al-Falasifa), qui se répand dans le monde musulman comme une épidémie et participe décisivement au déclin de la pensée arabe. Ibn Rochd répond, un siècle et demi plus tard, par un ouvrage d’une rare pertinence, où il renvoie l’aiche empoisonnée à l’expéditeur, L’Incohérence de l’Incohérence (Tahafout al Tahafout), 1175. Trop tard. Le mal doctrinaire se perpétue jusqu’à nos jours. Ibn Rochd, philosophe, juge, médecin, réputé pour sa sagesse, sa modération, sa tolérance est premier conseiller du Calife almohade Abou Youssouf Yacoub al-Mansour, al-Mansour, qui ordonne pourtant l’autodafé de toutes ses œuvres, en même temps qu’il proscrit les métiers de chanteur et de musiciens, sous la pression des théologiens malékites. La politique de la peur anéantit la liberté de pensée. Les disciples d’Ibn Rochd s’empressent de réaliser des copies et de les mettre à l’abri. Le film de Youssef Chahine actualise et popularise Ibn Rochd, renié à la fin de sa vie, persécuté, humilié, accusé d’hérésie, proscrit comme un représentant du démon dans la mosquée de Cordoue. Il est rappelé au Maroc, avant sa mort à Marrakech en décembre 1198, où il reçoit le pardon du Calife sans retrouver ses fonctions officielles. Sa fin tragique sonne le glas de la prospérité scientifique arabe. L’école philosophique d’Ibn Rochd, célébrée par la Renaissance européenne, s’assure malgré tout une prospérité clandestine au Maroc et en Andalousie. Ses livres passent de main en main jusqu’au quatorzième siècle. Le mathématicien et juriste marocain Ibn al-Banna al-Marrakouchi (1256 – 1321) recourt aux écrits d’Ibn Rochd pour justifier ses recherches mathématiques. Ibn Khaldoun (1332 – 1406) aurait également résumé plusieurs ouvrages d’Ibn Rochd. Le cinéaste Youssef Chahine (1926 – 2008) aimait dire : « La pensée a des ailes, nul ne peut arrêter son envol. La pensée humaine est enrichie par tous les humains. Elle n’a ni frontière, ni nationalité, ni religion. Actuellement, on ne peut pas discuter sur un pied d’égalité avec un dominateur, qui braque un pistolet sur la tempe de l’autre et lui demande de dialoguer ».
Dante Alighieri (1265 – 1321) se réclame d’Ibn Rochd quand il rédige son traité De Monarchia (traduction française De la Monarchie, éditions Félix Alcan, 1933), qui se donne comme ambition de séparer et d’harmoniser le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Le savoir et la foi, sans être opposés, relèvent de deux ordres distincts. Le traité, jugé hérétique, est mis à l’Index en 1559. La censure papale n’est levée qu’en 1881. La deuxième thèse puisée chez Ibn Rochd, considère chaque contribution personnelle comme un enrichissement du patrimoine intellectuel de l’humanité tout entière. L’humanité est héritière et dépositaire de son intelligence collective. L’interactivité des philosophes juifs et arabes en Andalousie préfigure l’intellection collective sur Internet. La laïcité, synonyme en cette occurrence de l’état de paix, n’est-elle pas, de ce fait, la pépinière créative des œuvres communes ?
Tous les philosophes, tous les écrivains classiques se sont intéressés à l’Islam, avec connaissance ou méconnaissance, pour reconnaître ses vertus ou conforter leurs préjugés. Montesquieu (1689 – 1755) se fait poète pour décrire, sous critique ouatée de la société française, le Prophète : « Les générations des oiseaux, des nuées, des vents, et tous les escadrons des anges, se réunirent pour élever cet enfant, et se disputèrent cet avantage. Les oiseaux disaient dans leurs gazouillements qu’il était plus commode qu’ils l’élevassent, parce qu’ils pouvaient plus facilement rassembler plusieurs fruits de divers lieux. Les vents murmuraient, et disaient : C’est plutôt à nous, parce que nous pouvons lui apporter de tous les endroits les odeurs les plus agréables. Non, non, disaient les nuées, non, c’est à nos soins qu’il sera confié, parce que nous lui ferons part à tous les instants de la fraîcheur des eaux. Là-dessus les anges indignés s’écriaient : Que nous restera-t-il donc à faire? Mais une voix du ciel fut entendue, qui termina toutes les disputes : Il ne sera point ôté d’entre les mains des mortels, parce que heureuses les mamelles qui l’allaiteront, et les mains qui le toucheront, et la maison qu’il habitera, et le lit où il reposera. Après tant de témoignages si éclatants, mon cher Josué, il faut avoir un cœur de pierre pour ne pas croire sa sainte loi. Que pouvait faire davantage le ciel pour autoriser sa mission divine, à moins que de renverser la nature, et de faire périr les hommes mêmes qu’il voulait convaincre? » (Montesquieu, Lettres persanes, 1721).
Voltaire (1694 – 1778) se ravise de son hostilité initiale en étudiant l’islam. En 1739, il écrit sa tragédie Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète, une pièce finalement interdite par un arrêt du Parlement de Paris. Sous camouflage de conteste, l’auteur vise l’intolérance catholique et l’inquisition chrétienne. « Ma pièce représente, sous le nom de Mahomet, le prieur des jacobins mettant le poignard à la main de Jacques Clément (frère dominicain, assassin du roi Henri III)» (Lettres inédites de Voltaire, éditions Didier, 1856). Voltaire entreprend des recherches personnelles, travaille en historien, démystifie les ouvrages dénigreurs de l’Eglise. Il résume sa conviction intime dans une lettre de 1760, en réponse à la Critique de l’Histoire universelle de M. de Voltaire, au sujet de Mahomet et du mahométisme : « Sa religion est sage, sévère, chaste et humaine, sage puisqu’elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés et qu’elle n’a point de mystère…, humaine puisqu’elle nous ordonne l’aumône… Ajoutez à tous ces caractères de vérité, la tolérance ». Goethe (1749 – 1832) va jusqu’à écrire : « C’est dans l’Islam que je trouve le mieux exprimées mes idées » (Goethe, lettre à Zelter, 20 septembre 1820, Studia Islamica, n°33, 1971). « Aussi souvent que nous lisons le Coran, au départ et à chaque fois, il nous repousse. Mais, soudain il séduit, étonne et finit par forcer notre révérence. Son style, en harmonie avec son contenu et son objectif, est sévère, grandiose, terrible, à jamais sublime. Ainsi ce livre continuera d’exercer une forte influence sur les temps à venir » (Goethe, West-Oestlicher Divan, 1819, Dictionary of Islam, 1885).
Le colonialisme, pendant les longs siècles de son expansion, intensifie sa propagande contre l’Islam, infaillible foyer de résistance. Des écrivains de premier ordre tombent dans le piège de la xénophobie. Des plumes ogresques s’offrent un bouc émissaire à la mesure de leur mégalomanie. Inutile de les citer. Le fascisme y trouve sa monstrueuse pitance. Des penseurs lucides n’ont heureusement jamais cessé de tirer la sonnette d’alarme. « S’il faut juger la valeur des hommes par la grandeur des œuvres qu’ils ont fondées, nous pouvons dire que Mahomet fut un des plus grands hommes qu’ait connus l’histoire. Des préjugés religieux ont empêché bien des historiens de reconnaître l’importance de son œuvre, mais les écrivains chrétiens eux-mêmes commencent à lui rendre justice » Gustave Le Bon (1841 – 1931), La Civilisation des Arabes, éditions La Fontaine au Roy, 1900).
Mustapha Saha
Depuis son enfance, Mustapha Saha explore les plausibilités miraculeuses de la culture, furète les subtilités nébuleuses de l’écriture, piste les fulgurances imprévisibles de la peinture. Il investit sa rationalité dans la recherche pluridisciplinaire, tout en ouvrant les vannes de son imaginaire aux fugacités visionnaires. Son travail sociologique, philosophique, poétique, artistique, reflète les paradoxalités complétives de son appétence créative. Il est cofondateur du Mouvement du 22 Mars à la Faculté de Nanterre et l’un des leaders de Mai 68 (voir Bruno Barbey, 68, éditions Creaphis. Bruno Barbey, Passages, éditions de La Martinière). Il organise l’intervention réussie de Jean-Paul Sartre dans la Sorbonne occupée. Il signe avec les éditions du Seuil le contrat du premier livre sur la révolution soixante-huitarde, « La Révolte étudiante » et collabore avec Jean Lacouture dans la collection « L’Histoire immédiate ». Il réalise, sous la direction d’Henri Lefebvre, ses thèses de sociologie urbaine (Psychopathologie sociale en milieu urbain désintégré) et de psychopathologie sociale (Psychopathologie sociale des populations déracinées), fonde la discipline Psychopathologie urbaine, et accomplit des études parallèles en beaux-arts. Il est l’ami, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, de grands intellectuels et artistes, français et italiens, et séjourne fréquemment à Rome. Il explore l’histoire du « cinéma africain à l’époque coloniale » auprès de Jean-Rouch au Musée de l’Homme et publie, par ailleurs, sur les conseils de Jacques Berque, qui l’exhorte à renouer avec ses racines, « Structures tribales et formation de l’État dans le Maghreb médiéval » (Editions Anthropos).
Après une longue parenthèse comme sociologue-conseiller au Palais de l’Elysée sous la présidence de François Hollande, Mustapha Saha décide de se consacrer entièrement à la peinture et à l’écriture. Il mène actuellement une recherche sur les mutations civilisationnelles induites par la Révolution numérique (Manifeste culturel des temps numériques), sur la société transversale et sur la démocratie interactive. Il travaille à l’élaboration d’une nouvelle pensée et de nouveaux concepts en phase avec la complexification et la diversification du monde. Dernières publications : Mustapha Saha : La Palette occitane de Marc Varvarande, éditions Hair Tribu, Empuriabrava, Espagne, juillet 2019. Mustapha Saha : « Haïm Zafrani, penseur de la diversité », éditions Maisonneuve & Larose et éditions Hémisphères, Paris, janvier 2020. Ouvrages en cours de finalisation : « Le Calligraphe des sables » (Livre de poèmes présenté par Edgar Morin), « La Société diversitaire », « Le Carrefour marocain », « La Dérive algorithmique ». Exposition en préparation : « Le panthéon imaginaire de la littérature latino-américaine ».
Mustapha Saha, sociologue-conseiller, au Palais de l’Elysée sous la présidence de François Hollande.