Comment être moderne sans être occidental ? (…) Il est temps de sortir des sentiers battus, mais déjà trop usés. Il est urgent d’en finir avec des explications fallacieuses. Le temps de la complaisance est derrière nous… Il faut en finir avec une certaine Afrique.
L’Inde avec son milliard d’habitants est devenu un acteur majeur de la scène internationale et de l’économie mondiale. Il y a encore quelques décennies, tous les experts en économie de développement présentaient ce pays comme le sous-continent par excellence de la misère et de la pauvreté absolue de masse. L’Inde était synonyme de sous-développement, de désolation, de mortalité infantile et de famine. Aujourd’hui, au début du XXIe siècle, démentant les pronostics de tous les cassandres qui prophétisaient l’impossible sortie de ce pays de cette situation économique catastrophique, l’Inde s’est muée en « Bureau du monde », l’un des champions de l’industrie informatique, particulièrement des logiciels.
En effet, le pays de Gandhi et Nehru a su développer une économie moderne non pas fondée sur les matières premières comme en Afrique, mais sur la diffusion de l’Intelligence et la diffusion des Connaissances et du Savoir. Les informaticiens indiens comptent parmi les meilleurs de la planète Terre. De plus, le sous-continent, malgré sa diversité culturelle, ethnique et religieuse, a prouvé au passage qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre cette mosaïque et l’Etat de droit. L’Inde est la plus grande démocratie du monde. Et elle est plus peuplée que toute l’Afrique du Maghreb à Johannesburg. C’est une évidence à méditer. Car le temps des excuses et autres explications alambiquées est révolu…
La Chine depuis la révolution Deng Xiao Ping de 1978 est devenue, en moins de deux décennies, « l’Usine du monde ». Les entreprises internationales se bousculent à Shanghai et autres contrées de l’Empire du milieu. Ce dernier est devenu un producteur et exportateur de l’économie mondiale, se hissant au passage au rang d’acteur majeur de la scène internationale. L’émergence de la Chine en tant que puissance globale a changé considérablement la géopolitique de la planète. Seule réserve à ces quelques observations, la Chine, contrairement à l’Inde n’est pas une démocratie.
« Le continent est sous la coupe de saigneurs de vagins »
L’Afrique traverse une grave crise institutionnelle, comme en témoigne les guerres civiles qui y fleurissent. Lesquelles qui ne sont, du reste ; que des guerres de rapines. Certains chercheurs parlent à juste titre « d’entrepreneurs politiques » à propos des seigneurs africains de la guerre. Autrefois, on disait que nous étions en face de « révolutionnaires professionnels ». Aujourd’hui, le continent est sous la coupe des saigneurs de vagins, et violeurs professionnels. Des digues ont sautées… Triste constat : les institutions ne fonctionnent plus ou pas. L’Etat n’exerce plus ses pouvoirs régaliens. Le pouvoir est en miette. Son point d’ancrage dans le réel est faible. Il est aux mains de bandes et de factions qui exercent « Le Devoir de Violence », pour reprendre le très beau titre du roman de Yambo Ouloguem.
Leurs dissensions à propos du partage du butin rythment la vie politique et alimentent le chaos permanent. Situation qui interdit toute stratégie de rupture avec le sous-développement et la sortie de la pauvreté absolue de masse. Car le seul enjeu de ces guerres de rapines est le pillage des économies squelettiques africaines et non le développement. Lequel passe par un investissement massif dans le savoir, la diffusion des connaissances et l’organisation, qui sont les seules matières premières des économies modernes. En effet, si le coût de la main d’œuvre était la seule variable qui détermine l’investissement international, l’Afrique serait la terre d’accueil des délocalisations.
« Le miroir grossissant d’une faillite intellectuelle »
Un des autres aspects de la tragédie africaine est la crise idéologique sans précédent qui ronge le Continent. Cette crise qui n’est que le miroir grossissant d’une faillite intellectuelle. Bref, d’une crise de la pensée…Autrefois, on débattait de la négritude, du panafricanisme. Il y avait des Etats « modérés » et « des « Etats progressistes »…Cette liste n’est pas exhaustive. En économie, il existait des débats riches sur la théorie du développement endogène ou autocentré, la division du monde entre un « centre » et « la périphérie »…
Qu’en est-il en ce début du XXIe siècle ? Le thème du complot international contre le Continent sert de prêt à penser, la négrophobie sert de bouche trou pour masquer les enjeux cruciaux. La funeste idéologie des matières premières irrigue les structures mentales et empêche toute remise en cause des stratégies de développement du passé et qui ont conduit à la débâcle économique actuelle. Pourtant, le Japon, ce pays dépourvu de toute ressource minière, a montré la voie depuis 1868, depuis la révolution Meiji. Il est la deuxième puissance du monde. De même, bien avant l’Inde et la Chine, l’empire du Soleil Levant a le premier répondu à la terrifiante question : Comment être moderne sans être occidental ? Il a fait la preuve que c’était possible. Il est temps de sortir des sentiers battus, mais déjà trop usés. Il est urgent d’en finir avec des explications fallacieuses. Le temps de la complaisance est dernière nous…
Il faut en finir avec une certaine Afrique.
BOLYA BAENGA
Dernier livre paru : La Profanation des Vagins, Le
Serpent à Plumes, 2005