Polygamie au Maroc : le combat des femmes continue


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Trop de polygames, trop de tolérance de la part des juges et des moyens insuffisants, c’est le bilan que fait l’Association Démocratique des Femmes au Maroc après quatre années d’application de la réforme du code de la famille. Quand aux mentalités, elles évoluent lentement en la matière.

Au Maroc, le combat des femmes contre la polygamie est loin d’être terminé. L’Association Démocratique des Femmes au Maroc (ADFM) a dénoncé cette pratique dans une déclaration, le 8 mars dernier, à l’occasion de la Journée internationale de la femme.

En 2007, « 864 hommes ont épousé une deuxième femme » annonçait trois semaines plus tôt le ministre de la justice marocain, Adbelouahed Radi. Tandis que le gouvernement présente cette information comme une avancée notable, « une baisse qui reflète une tendance à l’abandon de la polygamie », la présidente de l’ADFM, Saïda Drissi, dénonce la trop grande indulgence des juges à l’égard de ces pratiques ancestrales : « Dans 43% des cas, le juge a accordé la polygamie, c’est encore beaucoup trop ! »

En 2004, le code de la famille a été réformé par Mohammed VI. La Moudwana impose depuis des conditions au mariage multiple. Le mari doit notamment obtenir une autorisation écrite de sa première femme pour en prendre une seconde. De plus, il doit prouver qu’il peut subvenir aux besoins financiers de ses deux épouses et leur garantir le logement et une pension alimentaire.

Une arme à double tranchant

Grâce à ces nouvelles mesures, certaines femmes se libèrent du joug marital. En refusant de signer une permission à leur époux, elles obtiennent le divorce. Ainsi, Fatiha a partagé 8 ans de sa vie avec un homme dont elle s’est séparée en 2005. Il voulait prendre une deuxième épouse, mais elle a refusé de signer. Elle a ainsi déclenché la procédure de divorce pour discorde, le chikak, qui lui a permis de rompre les liens du mariage. « Même si le foyer où nous résidions n’était pas assez grand, pour lui, avoir plusieurs femmes ne signifie qu’un supplément de virilité » raconte-t-elle. Elle considère que « les femmes ne veulent plus être des objets entre les mains des hommes.»
Cependant, quatre ans après la mise en place de la Moudwana, le bilan est loin d’être satisfaisant ! Les femmes subissent encore de très nombreuses pressions.

Certains juges se servent ainsi du Chikak comme d’une menace. Les femmes qui n’ont pas les moyens de s’assumer matériellement ne peuvent pas se permettre de divorcer, elles se voient contrainte d’accepter la deuxième épouse. Et Saïda Drissi remarque : « Quand on connait la situation de ces femmes, ce n’est pas ce que l’on appelle avoir le choix ! » Toutes n’ont effectivement pas les moyens, financiers ou culturels, de prendre un avocat, ou de se défendre face aux arguments de la justice : l’analphabétisme touche encore près d’une femme sur deux dans le pays. Nombreuses sont celles qui renoncent à leurs droits si elles refusent la deuxième épouse. Elles abandonnent logement, pension alimentaire et parfois même enfants, pour pouvoir quitter une situation qui ne leur convient pas. « Le Code de la famille maintient la polygamie, la répudiation, l’incapacité des mères à exercer la tutelle légale sur leurs enfants et l’inégalité successorale » affirme l’ADFM.

Facteurs aggravants

Dans les secteurs ruraux, c’est encore plus difficile. La polygamie est religieusement inscrite dans les coutumes. Elle permet aussi au mari d’obtenir de la main d’œuvre bon marché. «La polygamie (y) est toujours permise, à condition qu’il y ait une équité entre les épouses », rappelle Aïcha Khamlich, membre du Conseil Consultatif des Droit de l’homme.

Pour faire évoluer la situation, le gouvernement et les associations de lutte pour les droits de la femme sont d’accord sur ce point, il est nécessaire d’améliorer rapidement l’efficacité des tribunaux de justice de la famille. Il faudrait en augmenter le nombre, leur attribuer plus de moyens financiers et plus de personnel pour donner une chance à la loi d’être appliquée correctement sur tout le territoire.

Quant aux mentalités, une enquête sociologique démontre qu’il reste beaucoup à faire pour les faire évoluer : plus de 40% des Marocains sont encore favorables à la polygamie, et c’est d’autant plus vrai si leur niveau de scolarité est élevé.
Il reste quand même une petite lueur d’espoir pour les défenseurs des droits de la femme : cette proportion est bien moindre chez les 18-24 ans, avec 36,9% contre 60% chez les 60 ans.

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