Les forces de l’ordre ont évacué plus de 1000 réfugiés?, majoritairement originaires du Soudan,? dormant à même le sol, Avenue de Flandre, en attendant d’être logés.
A l’Avenue de Flandre
Le répit n’aura été ?que ?de courte durée ?pour les réfugiés ?après l’évacuation du jeudi 12 août Avenue de Flandre, où ils se sont installés?,? à même le sol?, ?en attendant d’être logés? par les pouvoirs publics?. Comme lors de toutes les précédentes évacuations, ce mercredi ?17 août ?encore?,? les forces de l’ordre ont ?encadré ?une partie de? l’Avenue p?our mener leur opération?. Cette dernière débute aux alentours de ?4h du matin?, avant les premières lueurs de l’aube,? alors même que les réfugiés dormaient encore. Comme d’habitude, ils le?s réveillent, le?s somment de se mettre en rang, le temps que les bus qui les emmèneront? d’abord dans un commissariat, avant de les disperser vers des destinations inconnues?, ?arrivent? au compte goutte. ?Comme le disent unanimement les soutiens, ?«? chaque fois qu’ils montent dans les bus on ne sait jamais ce qu’il adviendra d’eux. Certains peuvent être logés, d’autres placés en centre de rétention ou encore ?être libérés ?avec des obligations de de quitter le territoire français ».
?Les migrants comme leurs soutiens venus nombreux sont encerclés par les CRS. Il est 9h30. Les réfugiés sont encore plusieurs centaines à attendre l’arrivée des bus, qui partent et reviennent à une fréquence très lente. En attendant, la fatigue et la lassitude commencent à se faire ressentir. « Depuis ce matin ils n’ont rien mangé ni bu. C’est inhumain le traitement qu’on leur réserve ! Ca se passe toujours comme ça avec les interventions policières. Le pire c’est qu’elles ne servent à rien puisqu’ils vont encore revenir se réinstaller», déplore Hugo, jeune soutien de 18 ans, très actif sur le terrain pour aider les réfugiés, qui ne cache pas son amertume.
« Depuis ce matin ils n’ont rien mangé ni bu. C’est inhumain le traitement qu’on leur réserve ! »
A quelques pas de lui, une femme enceinte, très menue, accroupie, ?qui semble exténuée, attire particulièrement l’attention de Christine, une des? soutiens?, réclamant qu’on lui octroie une chaise, le temps qu’elle monte dans un des bus, d’autant qu’il fait extrêmement chaud. De son côté, ?c?e ?Soudanais très grand de taille, qui observe l’opération, tenant ?un sac en plastique avec toutes ses affaires, ?interpelle les forces de l’ordre sur le fait que s?on épouse??? est parmi les réfugiés qui monteront dans un des bus, demandant à la rejoindre pour ne pas perdre sa trace?. ?Impassible, ?l’agent en face de lui fait mine de ne pas comprendre. C’est? finalement l’intervention d’une bénévole qui ?lui ?permet ?d’obtenir gain de cause.
Bien que l’évacuation se déroule dans le calme, la situation n’en reste pas moins tendue?. De nombreux? passants ?souhaitent? traverser l’avenue mais en sont empêchés par les CRS qui les obligent à faire des détour?s?. « Mais monsieur je travaille juste au bar d’en face?,? je ne ?vais ?pas fai?re? le tour pour rien? ! Je suis déjà très en retard? !»?, rouspète ce jeune homme en skateboard.? « Vous ne pouvez pas passer par ici tant que l’opération n’est ?pas terminée », lui rétorque les agents, qui ne daignent pas dissimuler leur agacement : « Franchement j’en peux plus ! Je meurs de chaleur là, ça dégouline à l’intérieur », clame cet agent. « Au fait, les bus les emmènent où ? », demande cet autre policier à un de ses co-équipiers, qui n’a pas su répondre à sa question.
« Il va peut-être falloir qu’on envisage de rentrer car on ne peut plus continuer à dormir dans la rue »
?La tension est aussi vive du côté des ?autres réfugiés, ?au nombre d’??une centaine, ??qui ont échappé à la police ce matin, ?tenus à l’écart par une dizaine de CRS qui les encerclent eux aussi. D’autant que certains d’entre eux souhaitent? rejoindre leurs camarades qui monteront dans les bus?, ?espérant être logés, même si rien n’est moins sûr « car il s’agit d’une véritable loterie et tout le monde ne sera pas logé », expliquent leurs soutiens?. ?Une incertitude qui n’empêche pas ce jeune Soudanais de tenter de convaincre les CRS en face de lui de le laisser rejoindre ses compatriotes pour monter lui aussi dans un des bus : ?« Ce matin je dormais à l’Avenue mais je suis ?parti? avant que votre opération ne débute?. Laissez moi monter dans le bus monsieur, croyez moi je vous dis la vérité, j’étais à l’Avenue comme les autres », ?explique-t-il. Mais rien à faire. Les? agents? sont catégoriques : « Il n’y a p?lus? de place pour ?les??? hébergement?s !». ?
Deux autres Soudanais demandent aux forces de l’ordre s’ils peuvent récupérer leurs affaires qu’ils avaient laissé sur l’Avenue avant de s’en aller juste avant le début de l’évacuation. La réponse des agents est là aussi négative, surtout que l’on peut déjà apercevoir les éboueurs qui se préparent à ramasser et jeter aux ordures tout ce qu’ils trouvent sur l’Avenue : matelas, cartons, couvertures…?
« Mon Dieu, qu’est ce qu’on va devenir dans ce pays ?»
?« Mon Dieu, qu’est ce qu’on va devenir dans ce pays ? Comment on va faire pour s’en sortir ?», ?s’interroge le regard hagard, ?Amadou, jeune guinéen, arrivé en France il y a huit mois, dormant dans la rue?. Lui aussi est venu assister à l’évacuation avec d’autres de ses compatriotes, tout aussi démunis. ?« On ne mérite franchement pas d’être traité ainsi. La France n’a pas le droit de nous faire ça !», renchérit-il, avant d’ajouter d’un ton désespéré : « Si ça continue il faudrait ?peut-être envisager de rentrer ?car on ne peut plus continuer à dormir dans la rue?».? ?« Moi je vais retourner à Créteil, où je dors sous les ponts car visiblement la situation des réfugiés à Paris est encore pire», affirme pour sa part Tully.? « Je n’aime pas du tout la police et je ne la supporte pas », rumine également Issam, Soudanais de 18 ans, qui explique avoir dû fuir la guerre dans son pays pour se réfugier.
?A quelques pas, Agathe, soutien également très active, qui se démène comme elle peut pour prendre soin des plus fragiles, notamment des femmes et des plus jeunes, attendant leur tour pour monter dans un bus, ne cache pas sa colère face au manque d’organisation et à l’absence de politique d’accueil des réfugiés sur Paris.? « Franchement c’est désolant ! Nous sommes fatigués de faire le travail d?u Samu social ! C’est eux qui devraient être à notre place pour leur prêter assistance?. Ca commence à bien faire!? », s’insurge-t-elle. ?
« Il n’y a plus de place dans les centres d’hébergements, ce soir vous allez encore devoir dormir dans la rue »
Seulement Agathe?, qui tente de rassurer les réfugiés, et d’apaiser les tentions,? n’est pas au bout de ses peines, puisqu?e ??qu’une famille soudanaise,? avec? quatre enfants à bas âge, dont un bébé de neuf mois, fait soudainement son apparition. « Vous êtes ici depuis combien de temps monsieur ? », ?demande au père de famille cette bénévole. « ?Nous venons ?tout juste ?d’arriver? sur Paris??. ?Nous ?sommes six et nous souhaitons être logés, aidez-nous s’il vous plait », ?répond-t-il? en anglais. Après quelques minutes de négociation? avec les responsables de l’intervention,? Agathe revient finalement vers la famille ?soudanaise ?pour lui indiquer de ?rejoindre les autres réfugiés et de ?monter dans le prochain bus ?pour espérer obtenir un logement. « Et nous ? Qu’en est-il de nous ? Nous sommes aussi une famille !», questionne cet autre père de famille sou?d?anais?, qui a suivi la scène, ?désignant sa femme et ses ?adolescentes. « Je ne peux rien faire malheureusement ?de plus ?monsieur, il n’y a plus de place pour être hébergés ce soir. Vous allez devoir dormir hélas dans la rue encore », lui répond Agathe?, le visage marqué par ?plusieurs nuits blanches? accumulées.
?Aux alentours de 14h00, ?l’évacuation ?touche à sa fin. L’Avenue est quasiment vide. A peine les force de l’ordre ?sont parties, les réfugiés qui regardaient la scène sont revenus pour s’y réinstaller. Un nouveau campement se met déjà de nouveau en place. Certains commencent même à installer des matelas et cartons. « Il y aura dès ce soir encore 200 réfugiés qui s’installeront Avenue ?de ?Flandre. Depuis le début c’est toujours comme ça, à chaque fois que les policiers démantèlent un camp, un autre se reforme immédiatement après. Tant que l’Etat ne prendr?a? pas de véritables mesures pour mener un accueil digne ?pour les ?réfugiés rien ne changera », rouspète Nikita, soutien? quotidiennement sur le terrain pour leur prêter main forte. Tout porte à croire que la situation des réfugiés à Paris n’est en effet pas prête de s’améliorer..